À travers ses jardins partagés, Torba cultive le manger sain et le vivre-ensemble

Ph. : A. Asselah
Ph. : A. Asselah

À proximité du barrage de Douera, des parcelles de terre sont attribuées aux citoyens pour cultiver leur potager. À l’initiative du collectif Torba, ces jardins partagés reposent sur un principe de base : ne pas employer de produits chimiques, ni de pesticides. Réunis autour de ces poumons verts, les membres de l’association sèment les valeurs de l’agriculture biologique et l’esprit du vivre-ensemble.

Depuis 2014, le collectif Torba organise des cycles d’initiation à la permaculture, offrant à des centaines de particuliers l’opportunité de se diriger vers une autonomie alimentaire. À travers ces formations, elle vise à reconnecter les citadins à la terre nourricière et à les sensibiliser à une alimentation saine, de saison, cultivée sur leur propre lopin de terre.

Sur les berges du lac de transfert de Douera, une vingtaine de citoyens disposent d’un lopin de terre ne dépassant pas les 100m². Ils y cultivent des fruits, des légumes, des herbes aromatiques…

Malgré le soleil de plomb du mois de juillet, rien ne semble décourager ces agriculteurs urbains à venir s’enquérirde leur terre. Ils se nomment entre eux «Djnaniste» et se considèrent comme une grande famille.

Le premier vendredi de chaque mois, ils tiennent une réunion pour discuter de leur culture. À l’ordre du jour : acheminement de l’eau du barrage et construction de pergolas. Entre échanges vifs et éclats de rire, le débat reste focalisé sur un objectif commun : le bien-être du jardin et de ceux qui le font vivre.

Tous ont eu une ou plusieurs formations autour de la permaculture dispensées par le collectif Torba. Cette méthode agricole est entièrement manuelle. Elle valorise les déchets ménagers ainsi que les résidus de taille des arbres et des haies pour produire du compost destiné à enrichir naturellement le sol.

Le paillage organique y est une pratique essentielle, utilisant notamment les tontes de gazon, le broyat de bois raméal fragmenté (BRF) ou encore les restes des cultures précédentes.

Vers l’«autosuffisance»

Amine est parmi les premiers à arriver accompagné de son fils. La chaleur de ce mois de juillet a fortement impacté ses tomates cerises, mais les melons semblent réussis. Après plusieurs formations d’initiation à la permaculture, il décide de mettre la main à la terre. Ce potager qu’il cultive depuis deux ans lui permet d’être autonome partiellement.

«Quand j’ai acquis cette parcelle, elle était très argileuse et retenait beaucoup d’eau. Pour la rendre plus perméable, j’ai dû l’amender avec de la matière organique que j’ai moi-même produite. Les mauvaises herbes, une fois sèches et décomposées, se transforment en matière organique et enrichissent ainsi la terre. Je précise que l'une des pratiques clés de la permaculture est de ne pas retourner la terre pour préserver l’équilibre des bactéries», décrit Amine.

Grâce à son petit lopin de terre, Sadjia a réussi à cultiver son autonomie alimentaire. La biodiversité de sa parcelle de terre force l’admiration des autres jardiniers. Issue d’une famille qui a toujours cultivé des liens avec la terre, Sadjia se nourrit de son potager et s’aligne au rythme des saisons. «Mon objectif est aussi de renouer avec la saisonnalité», confie-elle.

Sadjia pratique la polyculture qui consiste à cultiver plusieurs espèces végétales sur une même parcelle de terre. Elle affirme que les espèces végétales s’entraident pour optimiser leurs chances de survie et leur croissance.

«Les herbes aromatiques sont aussi indispensables dans le potager, les odeurs qu’elles dégagent chassent les petites bêtes. Le tournesol, par exemple, attire les abeilles et les oiseaux qui ne vont pas abîmer la plantation», informe-t-elle.

Le potager est également un lieu d’expérimentation. Sadjia y a planté le pépino, un fruit originaire d’Amérique latine, aussi appelé melon-poire ou poire-melon, récemment introduit en Algérie. Elle y tente aussi la culture de fruits exotiques.

Son approche respectueuse de la biodiversité et sa pratique de la polyculture témoignent d’un véritable savoir-faire hérité et enrichi par ses propres expérimentations.

Une organisation rigoureuse                                      

Fatma Dahou, vice-présidente de l’association Torba, rappelle les différentes missions portées par le collectif. L’un des volets majeurs est la formation, notamment en agroécologie et en permaculture. L’association organise aussi des marchés paysans, propose des activités pédagogiques pour les plus jeunes et développe des circuits courts permettant aux producteurs de vendre leurs récoltes directement aux consommateurs, sans intermédiaires.

Le premier jardin partagé a été lancé en 2014 à Djnan Bouchaoui. Aujourd’hui, l’association gère deux jardins périurbains : l’un à Douaouda et l’autre à proximité du barrage de Douera. Ce dernier a été obtenu en 2020, à la suite d’une demande adressée à l’Agence nationale des barrages et transferts (ANBT) et à l’Office national de l’irrigation et du drainage (Onid). L’objectif est clair : promouvoir une agriculture périurbaine durable, fondée sur les principes de la permaculture.

«Nous avons ici 25 parcelles de 50 m² chacune. Les jardiniers peuvent se regrouper en binômes. Nous leur mettons à disposition du matériel, et ils peuvent s’approvisionner à la grainothèque, voire y déposer des graines. Aujourd’hui, nous souhaitons que chaque adhérent s’investisse pleinement et s’autosuffit», explique Fatma Dahou.

L’organisation du jardin partagé repose sur un règlement intérieur et une charte de valeurs à laquelle chaque «djnaniste» doit adhérer. Pour Fatma Dahou, ce qui unit les membres, c’est avant tout l’amour de la terre. Au-delà des objectifs alimentaires, ces jardins créent du lien, favorisent la convivialité et renforcent le vivre-ensemble, conclut-elle.

 

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