
De notre correspondante : Chahinez Ghellab
L’activité piscicole intégrée à l'agriculture connaît un engouement important auprès des agriculteurs et investisseurs locaux. Le problème de la commercialisation et de la vulgarisation de la consommation du poisson d’étangs auprès des cosommateurs reste un défi majeur à relever.
Les investisseurs et les fellahs locaux s'intéressent de plus en plus à l'élevage de poissons d'eau douce, intégré à l’activité agricole, et ils étaient très nombreux à participer à la journée d’information tenue récemment à la ferme Rose des sables du Sud.
Lors de cette journée, organisée en collaboration avec la direction de la pêche et de l'aquaculture et la Chambre interwilaya de pêche et d'aquaculture d'Ouargla, des fellahs ont assisté à l'ensemencement de 7.000 alevins, notamment le transfert des bébés tilapia vers les bassins de grossissement. Des explications sur les étapes d'élevage de ce poisson, ainsi que les démarches administratives et techniques de création d'un projet d'aquaculture dans une exploitation agricole, leur ont été données.
Selon le gérant, par intérim, de la ferme, il s'agit de la deuxième opération depuis la mise en service de ce complexe agro-aquacole, au cours de laquelle 5.000 alevins de tilapia rouge et 2.000 alevins de tilapia du Nil ont été ensemencé dans les bassins de croissance. L'objectif de cette session de formation était d’encourager les agriculteurs à se lancer dans des projets d’investissements dans l’aquaculture, à souligné Bouaicha Salah, directeur de la pêche et de l'aquaculture d'Ouargla. L’agro-pisciculture, dit-il, permet d'enrichir naturellement l'eau d'irrigation et donc améliorer la production en termes de quantité et de qualité, ainsi que la production piscicole, ce qui assure un revenu supplémentaire à l'exploitation.
Un complexe agro-aquaculture premier du genre
Ce complexe d’agro-aquaculture, en voie de concrétisation, se situe dans la zone agricole d’El-Ghanami, aàAïn Beida, à 50 km du chef-lieu et à 30 km de Hassi Messaoud ; c’est la plus grande ferme multi-systèmes lancée dans la région. Elle combine l'aquaculture, l’agriculture et l’élevage de bovins.
D'une superficie de 60 hectares, cette ferme-modèle d'aquaculture est la plus grande dans la région. Trois hectares sont réservés à la pisciculture. Le reste est partagé entre l'oléiculture, la culture du blé et d'orge, les palmiers-dattiers, légumes et élevage de bovins et volaille. Elle renferme plus de 21 bassins répartis sur plusieurs serres aquacoles, entre écloseries destinés à la reproduction et l'élevage larvaire et bassins de grossissement. Chaque bassin d'écloserie contient 500 à 600 bébés poissons.
Les bébés tilapia quitteront la nurserie où ils se transforment en alevins vers les bassins de grossissement qui peuvent accueillir jusqu'à 700 unités, explique Mohamed Lahoual, superviseur d'élevage et d'aquaculture de la ferme. Le poids du tilapia à la taille marchande varie entre 200 et 400 grammes, indique-t-il.
Une fois matures, une opération de tri de géniteurs permet de choisir un groupe de poissons qui doit être utilisé pour la reproduction, explique Mohamed Lahouel. L'utilisation de bons géniteurs est la clé de la réussite d'une écloserie de tilapias.
En raison de leur comportement alimentaire, les tilapias ont une croissance rapide et survivent bien car il sont résistants, tolèrent l’élevage intensif et mangent tout ce qu'ils peuvent trouver.
Le problème, pour le président de la Chambre d'agriculture d'Ouargla, Hamani Moussa, réside dans la nécessité de régulariser les agriculteurs privés qui n'ont pas de papiers officiels afin qu'ils puissent bénéficier d’une autorisation pour introduire l’aquaculture dans leurs bassins d'irrigation agricole. Dans leur situation, il leur est difficile d'obtenir un soutien dans ce sens. «70%, ou plus, des agriculteurs ne disposent pas des documents officiels de leurs terrains agricoles, nécessaires pour demander une autorisation. J'espère que la direction allégera les conditions pour permettre à tous les fellahs, sans exception, d'investir dans la pisciculture et de l'intégrer à l'agriculture pour renforcer la production agricole et ajouter des produits d'origine animale à la consommation”.
L’aquaculture intégrée, dit-il, est considérée comme une ressource économique supplémentaire pour l’agriculteur et la production de ce poisson introduit une sorte d’équilibre nutritionnel dans les plats de la famille algérienne.
M. Mohamed Salah Ghilani est un agriculteur de Hassi Benabdallah, qui a assisté à l'opération d'encensement des alevins et exprimé son désir de se lancer dans la production aquacole. Il a sollicité les services concernés chargés d'accompagner les agriculteurs et les orienter techniquement en raison des différences entre les régions, de la qualité de l'eau et de l'environnement, ce qui nécessite des connaissances préalables qui les aideront dans la réussite de cet important projet.
Un secteur en expansion
Depuis le lancement de ce domaine à Ouargla, en 2002, et malgré le problème de la commercialisation de ce genre de produits halieutiques qui a freiné l'avancée de certains projets aquacoles, les résultats des premiers essais constatés sur le terrain ont été exceptionnels, en quantité comme en qualité.
Cela a conduit à la concrétisation en 2008 d'un projet d'envergure fruit d'un investissement privé, dans le domaine piscicole pour une capacité de production de 1.000 tonnes/an de poissons des espèces tilapia du Nil et tilapia rouge.
Des centaines de fellahs se sont ensuite lancés dans la pisciculture, intégrée à leurs activités agricoles, et ont élargi la gamme d'élevage à d'autres espèces, telles que le poisson chat, à travers l'ensemencement de milliers d'alevins, pour la plupart dans la commune de Hassi Benabdallah.
Ce succès traduit tous les efforts consentis par le secteur de la pêche et des ressources halieutiques à Ouargla qui ont donné lieu à la réalisation de plusieurs exploitations piscicoles et l'ensemencement de plusieurs centaines de milliers d’alevins à travers les bassins aquacoles et bassins d'irrigation agricole et lacs de la wilaya.
Au regard de ces résultats palpables constatés sur le terrain et grâce à son potentiel hydrique alimenté par les nappes phréatiques estimées à 60 milliards de mètres cubes et ses lacs d’eau salée, Ouargla attire les investisseurs, notamment asiatiques avec la mise sur pied en 2015 de la première ferme pilote de pénéiculture (crevetticulture) dans la commune de Hassi Benabdallah.
Ce complexe, qui s’étend sur dix hectares en plein désert, est le fruit d’un partenariat algéro-coréen destiné principalement à l'élevage de crevettes d'eau douce, notamment la crevette à pattes blanches, pour un investissement de 427 millions de dinars et une production visée de 20 à 30 tonnes par an.
Bientôt une usine de fabrication d’aliments aquacoles
Dans le cadre de projets d'investissement en vue de réduire la facture des importations des aliments industriels pour poisson et pour assurer une meilleure maîtrise du cycle de production halieutique, une unité de fabrication d’aliments pour crevettes et poissons d'eau douce sera inaugurée très prochainement à la ferme aquacole de Hassi-Benabdallah, fruit d’un partenariat entre l’Algérie et la Corée du Sud.
D'une capacité de production de 10 tonnes/jour, elle permettra une fois opérationnelle, de satisfaire les besoins en la matière, non seulement de la ferme expérimentale de crevetticulture, mais aussi des projets d’élevage de tilapia et de poisson chat.
Une étude pour définir et identifier les consommateurs cibles et leurs habitudes alimentaires s'avère indispensable afin de pouvoir instaurer la culture de la consommation de poisson d'eau douce et de définir les compétences commerciales nécessaires pour l'écoulement du produit halieutique. En effet certaines entreprises dans la filière aquacole, rencontrent des difficultés liées notamment aux crédits, aux contrats de concession et a la commercialisation, tel l'investisseur privé Moulay, propriétaire de la première ferme aquacole à Ouargla, à l'arrêt actuellement.
Aliments aquatiques riches en protéines
Dans une étude, le Dr Hafsaoui Imed, de la faculté des sciences de la nature et de la vie, université de Chlef, rappelle les principaux objectifs de l’aquaculture qui sont surtout de produire un aliment aquatique pour la consommation humaine permettant aux citoyens d'avoir accès aux protéines animales riches en acides gras bénéfiques pour la santé humaine (oméga 3 et 6), ainsi que l’amélioration du ratio alimentaire pour les populations ayant difficilement accès aux produits aquacoles (régions subsahariennes), outre la création d'emploi.
L'aquaculture est devenue, dit-il, une activité de substitution pour les pays ayant connu des crises dans le secteur de la pêche et possédant des potentialités hydriques importantes. Outre la valorisation de l'eau par l’intégration de l'aquaculture à l'agriculture et la promotion de l'écotourisme (pêche de loisir dans les bassins et lacs, visites guidées des exploitations). Dans les pays industrialisés, révèle l'étude, les produits aquatiques sont très appréciés et de haute valeur commerciale que la pêche ne peut pas fournir en quantité suffisante. En Europe occidentale et au Japon c’est le saumon, la truite, le loup, la daurade, les algues, crevettes… avec une forte demande sur les produits ayant des caractéristiques diététiques (faible teneur en graisse, richesse en vitamines et oligoéléments…). Dans les pays en développement, l’objectif est de produire des protéines animales que les élevages traditionnels ne peuvent fournir en quantité suffisante du fait de la surpopulation ou de la désertification des sols. Il convient de rappeler que la chair du tilapia est une excellente source de phosphore et de sélénium, selon les rapports de l'organisation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture. Elle apporte également du magnésium et des vitamines.
C. G.