
Les signes d’un essoufflement prématuré du processus de négociation sur un cessez-le-feu en Ukraine s’accumulent, devant une réalité de la guerre qui s’avère beaucoup plus complexe que les pronostics et les engagements pris par la nouvelle administration américaine.
Un peu plus de deux mois après l’enclenchement des négociations, Washington laisse entendre que le dossier pourrait tomber de sa liste de priorités diplomatiques, alors que le Kremlin a annoncé hier l’expiration du moratoire de 30 jours, portant suspension des frappes sur les infrastructures énergétiques décidé d’un commun accord avec les États-Unis, le 18 mars dernier. Dmitri Peskov, porte-parole de la présidence russe, lors de son point de presse hebdomadaire hier, a néanmoins juste fait part de l’arrivée à terme de la trêve énergétique, affirmant que la suite dépend de ce que décidera le Président Vladimir Poutine. Plus globalement, celui-ci a en tous cas estimé, avant-hier, que la perspective d’un cessez-le-feu était aujourd’hui «irréaliste».
La partie américaine semble franchement moins engagée sur le sujet que lors des dernières semaines. S’exprimant en marge d’une réunion avec les Ukrainiens et les Européens, jeudi à Paris, le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a fait savoir en substance que les maigres acquis des discussions menées jusqu’ici n’incitent pas à plus d’initiatives, avertissant même que la Maison-Blanche a désormais des priorités plus lancinantes. «Nous devons déterminer dans les prochains jours si (la paix) est faisable ou non», et «si ce n'est pas possible, nous devons passer à autre chose (…). Les États-Unis ont d'autres priorités», confie-il à des journalistes, avant de prendre le vol retour à Washington. En somme, la Maison-Blanche déclare ne plus être capable du même engagement diplomatique, invitant l’Europe à camper plus activement son rôle d’acteur le plus concerné sur le dossier. «La guerre se déroule sur le continent américain. Ce n’est pas notre guerre», avait-il fait remarquer, selon les médias, avertissant que l’administration américaine ne pouvait pas se permettre de poursuivre la médiation pour des semaines et des mois encore. «Si ce n'est pas possible, si nous sommes si éloignés (d’une solution), alors je pense que le Président arrivera probablement à un point où il dira : «Bon, c'est fini.»
Le processus de négociation initié par les Etats-Unis n’a laissé depuis plus d’un mois qu’une marge de manœuvre étriquée à l’Europe, provoquant d’ailleurs de vives protestations sur le Vieux Continent. La rencontre de Paris pourrait en ce sens résulter d’un changement de posture de Washington qui transférerait désormais au moins une partie de la charge aux alliés de l’Ukraine. Cela pourrait également signifier que la partie américaine, en pleine reconstruction des ses relations avec la Russie, préférerait préserver la qualité des échanges bilatéraux actuels avec Moscou. Donald Trump ne veut vraisemblablement pas compromettre sa relation avec Vladimir Poutine et la suite du rapprochement accélérée entre les deux puissances par un engagement trop prononcé sur le dossier ukrainien.
Discours annonçant réellement un retrait américain ou tentative d’accentuer la pression sur l’Ukraine et l’Europe pour les amener sur le terrain du compromis avec Moscou ? Pour l’heure, le ton est en tout cas à une implication plus active des Européens sur la question. On est clairement bien loin du temps où Washington cherchait à garder le monopole sur le processus diplomatique pour la fin de la guerre.
M. S.