
"Les conséquences juridiques résultant de la commission d'un fait internationalement illicite peuvent inclure (...) la réparation intégrale du préjudice subi par les Etats lésés sous forme de restitution, de compensation et de satisfaction", dispose de l’avis de la juridiction internationale.
Les Etats ne respectant pas leurs obligations climatiques sont déclarés auteurs d’acte "illicite" et les pays subissant le préjudice pourraient légalement réclamer des réparations, dispose l’avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ), rendu mercredi dernier. Un tournant, estime les militants mais aussi les plus hautes instances internationales, tirant depuis des années la sonnette d’alarme sur l’absence d’outils juridiques de lutte contre les dépassements au niveau international. Antonio Guteress, le secrétaire général de l’ONU, a ainsi promptement salué la conclusion affirmant qu’ "il s'agit d'une victoire pour notre planète, pour la justice climatique et pour la capacité des jeunes à faire bouger les choses".
La consultation ouverte par la plus haute juridiction de l’ONU a été rendue possible par une requête déposée par un groupe de jeunes militants de l'archipel du Vanuatu. Constitué de près de 80 îles, le Vanuatu subit les conséquences du réchauffement climatique, dont une montée des eaux alarmante et de régulières catastrophes naturelles liés au climat. Ses dirigeants plaident depuis des années la poursuite des Etats responsables de manquements aux obligations climatiques. L’avis rendu par la CIJ devrait ouvrir la voie aux procédures, puisque les avocats et juges du monde ont la possibilité désormais de s’en référer pour revendiquer des modifications de lois ou intenter des procès contre des Etats ne s’impliquant pas suffisamment dans les diapositifs préventifs, sur le plan régional ou international. L’enjeu est à la fois politique, économique et financier.
Si la décision a été acclamée globalement par les pays du Sud, le ton est plutôt au désappointement du côté des grandes économies énergivores et émettrices de gaz à effet de serre, même si l’on se réserve pour l’heure un temps pour vraiment plancher sur le contenu des 140 pages d’avis rendu par la Cour. Deux longues heures ont fallu au juge Yuji Iwasawa, président de la CIJ, pour en faire la lecture solennelle, mercredi.
La continuelle détérioration des paramètres climatiques est une "menace urgente et existentielle" pour l’humanité, a déclaré le magistrat, faisant le bonheur de nombreuses organisations et militants, qui ne s’attendaient visiblement pas à ce que l’avis soit adopté et unanimement par les 15 juges de la juridiction, au vu des enjeux colossaux liés au dossier.
Selon plusieurs agences de presse mondiale, la CIJ a ainsi rejeté le plaidoyer cher aux grands pays pollueurs selon lequel point n’est besoin d’invoquer d’autres référents d’arbitrages juridiques en dehors des traités climatiques que préconisent le processus de négociation des COP annuelles notamment. Les inquiétudes ont trait surtout aux implications financières de poursuites futures contre des économies à fort potentiel de pollution que des pays beaucoup moins polluants, mais subissant de plein fouet les effets du dérèglement, pourraient intenter.
"Les conséquences juridiques résultant de la commission d'un fait internationalement illicite peuvent inclure (...) la réparation intégrale du préjudice subi par les Etats lésés sous forme de restitution, de compensation et de satisfaction", dispose en effet l’avis rendu. La Cour exige comme condition cependant que soit prouvé un lien de causalité direct "entre le fait illicite et le préjudice" pour justifier une procédure.
La formulation annonce donc des joutes complexes et fastidieuses devant les tribunaux, et probablement une longue série de cas de jurisprudences qui pourraient faire date et déifier un nouveau socle de droit. D’ores et déjà, le Vanuatu qui fait figure de meneur international dans cette lutte engagée contre les grands pollueurs, compte battre le fer tant qu’il est chaud, en demandant à la prochaine l'Assemblée générale de l'ONU de mettre en application l’avis de la CIJ.
M. S.