Grand angle : L’entière responsabilité de l’ONU

En déclenchant une opération militaire dans la zone tampon de Guerguerat, près de la Mauritanie, violant par la même le cessez-le-feu en vigueur depuis 1991, le Maroc était conscient de ce qu’il faisait. Et il ne pouvait ignorer que son agression aurait des répercussions. La première est que le Front Polisario n’allait pas rester les bras croisés et qu’il allait légitimement riposter. Comme supposé, la réponse des Sahraouis n’a pas tardé. «La guerre a commencé» au Sahara occidental, a affirmé le Front Polisario. Pour le chef de la diplomatie sahraouie, Mohamed Salem Ould Salek, «le Maroc a liquidé le cessez-le-feu». Pourtant, le Maroc avait été averti, dès le 9 novembre, que «l’entrée de tout élément militaire, sécuritaire ou civil marocain à Guerguerat», qui borde une zone tampon contrôlée par les Casques bleus de la Minurso, «serait considérée comme une agression flagrante, à laquelle la partie sahraouie répliquera énergétiquement, en légitime défense et en défendant sa souveraineté nationale». Mais cet avertissement n’a pas empêché pour autant le Maroc de passer à l’acte. Et en dépit des appels à la retenue et à éviter l’escalade, lancés par l’ONU, l’Union africaine et de nombreuses capitales, les combats se sont poursuivis samedi. Faut-il y avoir le point de non-retour et l’enterrement, au bout de trente ans, d’un cessez- le-feu qui appartient désormais au passé ? et si tel est le cas, c’est la preuve de la nécessité de revoir le rôle et les missions des organisations internationales et régionales. Dans le cas du Sahara occidental, si le conflit en sommeil a fini par se réveiller, la faute en incombe, en premier lieu, aux Nations unies, garantes du respect du droit international, qui n’ont pas réussi à mettre en œuvre ses propres résolutions et à imposer au Maroc le respect de ses engagements, dont celui d’accepter l’organisation d’un référendum d’autodétermination sous les auspices de l’ONU. Son secrétaire général actuel, Antonio Guterres, a dit «regretter» que ses efforts des derniers jours pour «éviter une escalade» aient échoué. l’échec ne date pas de ces derniers jours, mais remonte à plusieurs mois. Depuis qu’il a été dans l’incapacité d’imposer la nomination d’un successeur à son Envoyé spécial pour le Sahara occidental démissionnaire, Horst Köhler, en raison des obstacles mis sur son chemin en vue de l’empêcher d’accomplir au mieux sa mission. Mais en fait, l’échec des Nations unies date de plusieurs années. Cela fait trente ans qu’elles sont impuissantes face au refus du Maroc de mettre en œuvre les résolutions onusiennes. Que l’on justifie cet échec par le soutien dont jouit Rabat au niveau du Conseil de sécurité ne peut dédouaner entièrement l’ONU. Et aujourd’hui que le cessez-le-feu a été violé par le Maroc et que le bruit des armes se fait entendre, les sahraouis, qui avaient toujours refusé de recourir à l’option militaire pour arracher leurs droits légitimes, sont en droit de poser de nouvelles conditions pour revenir à la table des négociations.
Nadia K.

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