Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a salué, jeudi, à l’occasion de l’inauguration de la 31e édition de la Foire de la production algérienne, les progrès réalisés par l’industrie mécanique, tout en appelant à privilégier la satisfaction des besoins de la consommation locale en différents produits avant d’aller vers l’exportation.
Les industriels sont appelés à s’investir pleinement dans le rapprochement et la mise en convergence des travaux des structures de recherche académique aux besoins réels, exprimés, identifiés ou tacites des consommateurs, des opérateurs économiques et du marché national. Ainsi, l’identification des possibilités de développement du contenu local et l’évaluation des potentialités du marché algérien dans les domaines concernés par l’industrie mécanique sont à développer.
Parmi les approches qui s’imposent, la technique de l’ingénierie inverse ou «reverse engineering» est appelée à se développer en Algérie pour contribuer au développement technologique et à la consolidation de l’industrie mécanique. Plus concrètement le RE consiste à développer des prototypes locaux en utilisant les connaissances et savoir-faire nationaux, tout en développant le transfert technologique dans le respect de la propriété intellectuelle».
Ingénieur en génie mécanique, ancien directeur de la recherche et de la post-graduation à l’EMP, Dr Ali Yousnadj explique que «le reverse engineering booste les capacités d’innovation des entreprises et est la seule voie qui lui permet de distancer la concurrence et de se maintenir à l’avant-garde». Il souligne que le RE «permet aussi aux nouveaux arrivants d’emprunter de manière guidée les chemins de l’innovation, de capitaliser des savoir-faire et de devenir, à terme, des innovateurs», et ainsi «ils contribuent à alimenter la dynamique globale de la filière avec des produits qui seraient à leur tour «victimes du RE». L’ingénierie inverse est une technique de conception et de développement utile, avec de nombreuses applications potentielles», fait savoir le chercheur, en précisant qu’elle est légale tant qu’une autre personne, ou un groupe, ne copie pas explicitement un produit pour le proposer sur le marché. Le débat éthique est cependant sûr de perdurer.
Pour le spécialiste en génie mécanique, «les raisons d’employer le RE sont multiples et ne tombent pas systématiquement sous le coup d’un manque d’éthique ou d’atteintes aux droits de la propriété intellectuelle». «Le créateur même d’un produit peut être amené à le faire pour en reconstituer un plan perdu ou pour en avoir une représentation 3D plus complète», relève-t-il.
Le spécialiste fait savoir qu’à partir des années 1990, «la Chine est devenue le champion du reverse engineering. Toutes les technologies étaient concernées : de l’outil de base, comme un tournevis, jusqu’à des systèmes complexes». Deux décennies après, soit à partir des années 2010, «on pouvait affirmer sans faute que la Chine est devenue, à son tour, un pays industriel avec de fortes capacités d’innovation et qu’elle est capable de rivaliser avec les pays les plus avancés sur beaucoup de technologies complexes» précise-t-il, en ajoutant que «le processus continue vers des niches technologiques réservées et à hautes exigences». Le RE, ou la retroconception, est devenu, explique Dr Yousnadj, «une pratique usée et utilisée sous des formes diverses». Néanmoins les questions de l’éthique et les barrières juridiques en définissent des limites qui sont, selon lui, «très fragiles et vite contournées». Il a fait savoir par ailleurs que «les raisons d’employer le RE sont multiples et ne tombent pas systématiquement sous le coup d’un manque d’éthique ou d’atteintes aux droits de la propriété intellectuelle». Identifier les raisons et bénéfices du recours au RE, l’universitaire met en exergue, d’abord, l’aspect lié à la rationalisation, à travers la production des copies à moindre coût : la lecture poussée d’un produit peut inspirer des alternatives moins chères qui peuvent infiltrer une portion du marché de l’original, la pièce de rechange est un exemple type. Outre la prorogation de la durée de vie des produits, le chercheur note que «l’ingénierie inverse peut permettre de remplacer des composants non disponibles par des composants plus récents et souvent plus performants.
En plus de la réduction des coûts de maintenance, l’ingénierie inverse peut aider à diversifier les fournisseurs des composants de rechanges d’origine, ou à réparer certaines pannes en lieu et place de l’échange standard. L’ingénierie inverse est un canal puissant d’apprentissage qui permet d’assimiler les conceptions réussies et d’appliquer les connaissances acquises dans des développements propres.
Tahar Kaidi