
Par : Mohamed Koursi
Hommes politiques et journalistes, la majorité, par soumission à l’entité sioniste, d’autres par méconnaissance, reprennent des mots, des expressions et des éléments de langage qui sèment la confusion, voire pervertissent la vérité sur le processus génocidaire en cours en Palestine occupée. «Otages israéliens entre les mains de Hamas.» Voilà un exemple malheureux d’une utilisation biaisée de l’information. Ces Israéliens, ces colons qui expulsent, armes à la main, des Palestiniens, pour les spolier de leur terre, sont-ils, une fois capturés, des otages ? Bien sûr que non ! Un otage est un civil. Quand il avance arme au poing, encadré par des chars, blessant ou tuant tout résistant au viol de son domicile ou à toute tentative d’expulsion de sa terre, cet envahisseur n’est plus un civil. De fait, s’il est capturé, il devient un prisonnier de guerre dans une situation de conflit.
Mohamed Kaci, journaliste de TV5, interrogeait Olivier Rafowicz, porte-parole de l’armée d’occupation israélienne. Ce dernier justifie la loi du Talion («œil pour œil, dent pour dent»), appliquée aux habitants de Ghaza, face au «terrorisme» de Hamas. Question du journaliste : «Donc vous vous comportez comme le Hamas, c’est ce que vous nous dites ? » Une question logique, professionnelle, que sa chaîne a désavouée dans un communiqué. Les médias de l’Occident global n’acceptent l’information ou le commentaire que si leur contenu condamne d’abord les actes présumés de Hamas envers les civils. Les hôpitaux, les lieux de culte, les écoles ou les camps de réfugiés, bombardés systématiquement, avec un nombre effroyable d’enfants, de femmes, de nourrissons, de personnes âgées, de blessées, d’humanitaires d’agences onusiennes, de journalistes tués, importent peu. Ce dont il s’agit, c’est d’imposer aux médias une histoire sioniste de la vérité. «Les règles journalistiques n’ont pas été respectées», a estimé, dans un cynisme qui n’étonne plus, TV5, dans son communiqué.
Des adolescents, jeunes femmes et jeunes hommes n’ont connu que les barbelés comme horizons depuis leur naissance dans cette prison (devenue cimetière depuis plus d’un mois), appelée Ghaza, et que les sionistes bombardent sans relâche, sachant que cette enclave est la plus densément peuplée au monde. Tout n’a pas commencé le 7 octobre 2023. Depuis bientôt 80 ans, l’entité sioniste n’a cessé d’expulser, d’assassiner, de spolier, de bombarder, de raser, de démolir même les camps de refugiés… Que s’est-il passé à Sabra et à Chatila en septembre 1982 ? (Lire notre dossier La faillite morale de l’Occident, revue Politis-El Moudjahid, novembre 2023)
S’il y a des otages, c’est bien les Ghazaouis qu’il faut qualifier en tant que tel. La résolution adoptée, le 15 décembre 1976, par l'Assemblée générale des Nations unies affirme que la prise d'otages est un acte qui met en danger des vies humaines innocentes et viole la dignité de l'homme. Comment qualifier dans ce cas le quotidien des Ghazaouis ? La Convention internationale contre la prise d'otages de 1979 a défini la prise d'otage comme «l’acte d’une personne qui s'empare d'une autre — l'otage — ou la détient et menace de la tuer, de la blesser ou de la garder prisonnière, afin d'obliger un tiers à une action ou omission comme condition explicite ou implicite de la libération dudit otage».
Netanyahu a juré de raser Ghaza. Et si son ministre du Patrimoine, Amichai Eliyahu, a appelé au largage d'une bombe nucléaire sur Ghaza. On est le 23 novembre 2023, les sionistes n’ont pas cessé leur bombardement sur Ghaza et la Cisjordanie. Six semaines d’un pilonnage sans interruption. Le 2 novembre, c’est-à-dire il y a trois semaines, l’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l'homme a déclaré qu'Israël a largué plus de 25.000 tonnes d'explosifs sur la bande de Ghaza, ce qui est équivaut à deux bombes nucléaires.
L’article 3 de la Convention de Genève pose le principe selon lequel les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités «doivent être respectées en toutes circonstances ; elles doivent également être traitées humainement, sans aucune discrimination fondée sur le sexe, la race, la nationalité, la religion, les opinions politiques ou autres motifs similaires». En droit international humanitaire, il est interdit l'usage délibéré de la terreur comme moyen de guerre. Faut-il rappeler les cibles de l’entité sioniste ? Ambulances, hôpitaux, camps de réfugiés… «les peines collectives, de même que toute mesure d'intimidation ou de terrorisme sont interdites» précise la Convention de Genève.
19 juillet 2018, la Knesset vote une nouvelle loi fondamentale qui précise que «l’exercice du droit à l’autodétermination est réservé au peuple juif» et que «le développement de la colonisation juive est un objectif à encourager, à promouvoir et à renforcer».
En fait, bien avant, en 1967, l’orientaliste français Maxime Rodinson (de confession juive) écrivait, dans la revue Les Temps modernes, Israël, fait colonial ? : «Je crois avoir démontré que la formation de l’État d’Israël sur la terre palestinienne est l’aboutissement d’un long processus qui s’insère parfaitement dans le grand mouvement d’expansion européo-américain des XIXe et XXe siècles, pour peupler et dominer économiquement et politiquement les autres peuples.» Rappelons que Theodor Herzl le revendiquait dans une lettre à Cecil Rhodes, l’un des conquérants britanniques de l’Afrique australe : «Mon programme est un programme colonial.»
Journalistes, intellectuels n’ont eu de cesse de dénoncer cette discrimination permanente dont sont victimes les Palestiniens dans les territoires occupés. Un plan systématique de transformer les Palestiniens en peuple dispersé qui n’a d’autre choix face à l’assassinat ou à l’emprisonnement sans procès que l’exil, devenir un peuple dispersé. Les Palestiniens seront-ils réduits à s’entasser dans des réserves de «Peaux-Rouges» et à danser la dabkeh pour quelques touristes en mal d’exotisme ? se demandait Alain Gresh, dans Le Monde diplomatique de septembre 2022.
Février 2022, Amnesty dénonce «l'apartheid israélien» et énumère les atteintes aux droits de l'homme commises par Israël : «Les confiscations massives de terres et de biens palestiniens, les meurtres illégaux, les transferts forcés, les restrictions de déplacement drastiques et le déni de nationalité et de citoyenneté aux Palestiniens», qui sont «les composantes d'un système discriminatoire s'apparentant, sous les dispositions du droit international, à des crimes contre l'humanité». «Les politiques cruelles d'Israël de ségrégation, de dépossession et d'exclusion à travers ces territoires tiennent clairement de l'apartheid», a déclaré la secrétaire générale d'Amnesty, Agnès Callamard, lors d'une conférence de presse à Jérusalem, peu après la publication du rapport. «Qu'ils vivent à Ghaza, à Jérusalem-Est, dans le reste de la Cisjordanie ou en Israël, les Palestiniens sont traités comme un groupe racial inférieur et systématiquement dépossédés de leurs droits», a-t-elle déclaré. Comment accepter l’inacceptable ? Jérôme Lindon, directeur des Éditions de Minuit, créées pendant l’occupation de la France, farouche défenseur de l’indépendance algérienne, soulignait, dans Pour les fidayine (Paris, 1969) : «Pourquoi les Palestiniens observeraient-ils les règles du jeu de la guerre moderne, édictées à leur propre avantage par les nations installées ?»
M. K.