63e anniversaire des manifestations du 11 décembre 1960 : Le cri de la liberté

Loin d'être le fait d'une spontanéité, encore moins d'une réductrice improvisation, la manifestation du 11 décembre a été bel et bien organisée. Et croire le contraire, c’est faire insulte aux chouhada Djilali Bounaâma, Bennaï Ahmed, Rouchaï Boualem dit Si Zoubir, qui avaient supervisé et mené ces manifestations, et à tous les autres martyrs qui ont laissé de côté leur individualisme, leurs intérêts personnels pour un projet unique et ô combien nationaliste.

Les manifestations du 11 décembre 1960 demeurent un symbole de la détermination du peuple à recouvrer sa liberté. Ce fut également une action forte significative et lourde de conséquences du soutien au Front de libération nationale (FLN) et à son aile politique et diplomatique, le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). La manifestation populaire est venue en réponse à la visite en Algérie du général De Gaulle, ressentie comme une vive provocation par les Algériens qui avaient, ce jour-là, répondu au mot d’ordre de grève générale lancé par le FLN. Des rassemblements populaires ont eu lieu sur les places publiques un peu partout en Algérie. À Alger, un regroupement populaire massif s’est formé sur la place du 1er-Mai et les manifestants, soudés et mobilisés derrière l’emblème national, ont commencé à marcher en scandant Tahya Djazaïr. Très vite, la manifestation gagnait dans tous les quartiers de la capitale. Devant l’ampleur de la mobilisation populaire, l’armée coloniale a tiré sur les manifestants, faisant des centaines de victimes. L’impact de ces manifestations a été considérable. D’une part, elles se sont soldées, le 19 décembre 1960, par l’adoption d’une résolution reconnaissant le droit des Algériens à l’autodétermination et à l’indépendance à l’Assemblée générale des Nations unies. D’autre part, elles marquent l’échec du Plan Challe destiné à détruire les groupes armés, en empêchant les ravitaillements depuis la Tunisie et en larguant du napalm sur les forêts pour tuer les combattants. En deux ans, ces opérations ont décimé la moitié des effectifs de l’Armée de libération nationale.
Me Benbraham, avocate qui s’investit depuis des années pour dénoncer les crimes contre l’humanité perpétrés par la France coloniale, estime, sans conteste, que les manifestations du 11 décembre ont permis aux nations entières de se rendre compte de la gravité de la situation en Algérie.
A l’extérieur, la cause algérienne fut portée avec célérité à l’ONU. Le peuple algérien a su attirer sur lui le regard des autres peuples et des dirigeants de plusieurs pays, qui ont soutenu avec ferveur et fermeté sa lutte.
 
Les enfants martyrs de décembre
 
Le 11 décembre 1960, c’est aussi des cortèges composés de femmes et d’enfants qui envahirent les quartiers européens au péril de leur vie. Ils seraient des centaines d’enfants à être tombés sous les balles lors de la répression sanglante des manifestations du 11 décembre 1960. Farid Magraoui, avait 10 ans. Ce 11 décembre, les manifestations commencent à Diar El Mahçoul. Un millier de manifestants défilent dans les rues de la cité. Une jeune fille à la tête du cortège brandissait le drapeau algérien. Au niveau du grand dispositif de sécurité précédé par des parachutistes, la percée que tentent les manifestants échoue et dans cette confusion un officier arrache le drapeau des mains de la jeune fille. Farid réalise que cet acte est grave, il saute sur l’officier, reprend l’étendard de la révolte et s’envole avec ce symbole. Un parachutiste stoppe sa course vers la liberté d’une longue rafale de mitraillette. Le corps criblé de balles, Farid tournoie, s’enveloppant de «son drapeau» et tombe, martyr à 10 ans !
On ne connaît pas avec exactitude leur nombre, mais selon les journaux de l’époque, ils seraient des centaines d’enfants à être tombés sous les balles lors de la répression sanglante des manifestations du 11 décembre 1960. A l’image des adultes, ils ont écrit avec leur sang l’une des pages les plus glorieuses de l’histoire de la Guerre d’Algérie. Ces enfants qui ont accompagné les adultes ce jour là pour crier leur refus du colonialisme, leur fierté d’être Algérien, leur amour pour l’Algérie. Ils avaient 10, 12, 14 ou 15 ans et ils ont abandonné leurs jeux pour se joindre aux manifestants. Ils s’appelaient Saliha, Farid, Omar et les rafales meurtrières les ont cueillis en plein envol vers la liberté. C’est la belle histoire de ces enfants qui ont fait l’événement durant les manifestations pacifiques du 11 décembre 1960. Ces enfants fous de liberté et d’espoir, au courage incroyable ont défié mains nues des soldats armés jusqu’aux dents. Ces enfants sont tombés pour la patrie, le drapeau algérien entre leurs mains.  «Il est temps de rendre justice à ces enfants martyrs, morts pour le pays». 
 
Perpétuer les valeurs d’abnégation et de sacrifice
 
 C’est à la mesure de la symbolique de cette journée que s’apprécient les valeurs d’abnégation et de sacrifice et c’est en pareil événement que l’opportunité se présente à nous pour renouer avec ces valeurs et œuvrer à en imprégner davantage nos jeunes afin de les préparer à relever les défis avec autant de détermination.
La Révolution contre le colonialisme sauvage français a enfanté dans la douleur, dans le sang et les sacrifices, la Liberté, celle du peuple algérien. Ceux qui ont mis fin à l’obscurité coloniale afin que l'aube de la liberté se lève sur l’Algérie, ceux qui se sont battus pour la liberté dont le peuple algérien était privé, dans les maquis, les prisons, ceux qui ont vécu le temps du vrai courage et du grand sacrifice et ont connu le prix des larmes et du sang, ceux qui ont lutté pour être des hommes libres dans un pays libre, ont combattu, sans relâche, non seulement pour l'indépendance du pays, mais pour vivre dans la dignité et la liberté.
 
Farida Larbi
 
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 
 
Un statut juridique du martyr pour les enfants
 
Me Benbraham a depuis longtemps plaidé en faveur d’un statut juridique du martyr pour les enfants assassinés lors des manifestations du 11 décembre 1960. L’avocate, très engagée dans la défense des droits moraux et matériels des victimes de l’ordre colonial, est allée jusqu'à saisir officiellement le ministère des Moudjahidine sur cette question. «Ce statut permettra aux enfants ayant survécu aux tueries de l'armée coloniale française de bénéficier de tous leurs droits, à l'exemple de l'octroi d'une pension», précise-t-elle. 
Pour ce faire, elle a appelé au recensement du nombre d'enfants morts lors de ces manifestations, entre les 10 et 13 décembre 1961, et suggéré d'effectuer des déplacments aux cimetières et de se référer à l'état civil de l'époque. Dans son plaidoyer pour la réhabilitation des victimes des événements de décembre 1960, l’avocate propose d'ériger un monument à la mémoire de ces jeunes martyrs.
 
F. L.
 
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 
 
Saliha Ouatiki, 12 ans, assassinée le drapeau à la main…
 
Elle s’appelait Saliha Ouatiki, elle avait 12 ans, elle est tombée sous les balles assassines de la police française, le 11 décembre 1960. Ce jour-là, elle se joint au cortège et se laisse emporter derrière le drapeau algérien tenu par un jeune homme, se mêlant au défilé. Saliha se place en tête du cortège et crie comme les adultes Tahia Djazair, Algérie algérienne. 
Devant les éléments du CRS, la petite fille se mêle à ceux qui ont forcé le barrage et poursuivent leur marche. Elle est heureuse d’être en tête du cortège et juste au-dessus d’elle, flotte le drapeau comme une récompense à son courage. Le jeune homme qui le tient lui propose de grimper sur ses épaules pour avoir l’honneur de tenir le drapeau. Elle accepte immédiatement. Le drapeau flotte et le cortège avance. Arrivé au quartier européen, la vue du drapeau est insupportable aux pieds noirs armés. Des balcons des coups de feu sont tirés, des coups de feu mortels ont eu raison de Saliha. 
 
F. L.
 

Sur le même thème

Multimedia