
De Ghaza à Téhéran, en passant par le Liban et la Syrie, la complexité du Moyen-Orient est à la hauteur du pire qui pourrait s’enclencher à tout moment. Dans ce paysage où les connexions entre les crises sont de plus en plus inextricables, la communauté internationale, Etats-Unis en tête, se retrouve engluée dans ce bourbier sans solutions rationnelles ni réalistes sinon celle de cautionner, les puissances surtout, la stratégie va-t’en-guerre du boucher de Ghaza qui lui-même s’est pris dans le piège d’une guerre d’attrition. L’escalade de ces derniers jours dans le sud de la Syrie et les frappes israéliennes en plein centre de Damas, augmentent le degré d’instabilité, redouté par les pays de la région et au-delà, mais alimenté par Tel Aviv qui voit là une opportunité à pénétrer encore davantage l’espace arabe et pérenniser sa présence dans de nouveaux territoires. La démarche israélienne repose sur la fragilité structurelle des pays visés. Une instabilité provoquée par des crises internes, anciennes pour la plupart, parfois faussement gelées mais jamais résolues. Si les attaques du 7 octobre ont d’une part ravivé l’axe de résistance et attesté de la mort clinique du bloc arabe, en tant qu’acteur influent dans l’échiquier géostratégique de cette région, la chute de Bachar al Assad a surtout bouleversé les rapports dans ce pays et a fait sortir au grand jour des velléités séparatistes jusque-là étouffées par le règne des Assad. Réoccupation de la Bande de Ghaza, annexion de la Cisjordanie du plateau du Golan et de la région de Soueïda, Tel-Aviv avance sans être inquiété par la communauté internationale. Quant à Washington, il ne serait certainement pas contre une reconfiguration de la Syrie en république fédérative ou carrément en micro-États, selon l’appartenance religieuse de chaque région. Des arrangements qui viennent pour ainsi dire trancher avec les processus de résolution de conflits imaginés ces dix dernières années dans la région, notamment dans les espaces israélo-palestiniens, la Syrie et le Yémen, mais qui sont restés bloqués ou inefficients. Ces arrangements, qui sont loin d’être une analyse farfelue, sont stimulés par les Accords d’Abraham considérés par Washington comme remède aux maux du Moyen-Orient. Pour Washington, ces processus visaient avant tout à sortir Tel Aviv de l’isolement régional afin de constituer un front commun entre ses alliés régionaux contre l’Iran. Avec ces accords, la Maison-Blanche, sous Trump, espérait réduire son engagement dans la région et réorienter ses efforts militaires vers sa zone prioritaire d’intérêt stratégique, l’Indopacifique. Mais cette approche forcée ressemble à s’y méprendre à une fuite en avant militaire et sécuritaire qui n’est portée par aucune stratégie politique de long terme. La paix au Moyen-Orient n’est en fait, et pour bien longtemps, qu’une illusion.
El Moudjahid