
Par A. Mebtoul, expert international
Lors de leur dernière réunion en avril 2021 (4), les 20 pays au sein de l'OPEP+ se sont engagés à limiter leur production cumulée de pétrole brut à 37,3 Mb/j en mai 2021, soit près de 15% de moins que leur «production de référence» (niveau d'octobre 2018, sauf pour l'Arabie saoudite et la Russie, pays pour lesquels la production «de référence» est fixée à 11 Mb/j).
L’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés, désignés sous le nom d’OPEP+, ont décidé, lors de la 30e réunion ministérielle une augmentation mensuelle de 400.000 barils/jours avant de passer à 432.000 barils/jour, puis 648.000 barils/j. Avec 71,5 % des réserves mondiales, les pays du Moyen-Orient appartenant à l'OPEP représentent une part de marché dans la production mondiale estimée à 41%, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) étant un acteur central du marché pétrolier. Ainsi, il est prévu 842 milliards de dollars de revenus bénéficiant des cours élevés et des volumes en hausse.
Parmi les importants bénéfices qu’ont engrangé les membres non-OPEP, on citera la Russie par exemple dont les ventes de pétrole ont atteint 179 milliards de dollars en 2021, contre 62 milliards pour le gaz. Si l’augmentation des cours de l’or noir devait encore accroître les recettes en 2022 (100 dollars le baril en moyenne), celles-ci s’élèveraient à 306 milliards de dollars, soit 18% du PIB russe. Les tensions énergétiques concernent également le gaz du fait des tensions en Ukraine et de la stratégie de Gazprom (l’Europe dépend de plus de 40% du gaz russe). Le prix déconnecté du cours du pétrole (fin août 2022) a franchi la barre des 300 euros le mégawatt-heure. Précisons que les réserves pétrole-gaz dépendent à la fois du coût et du vecteur prix international, plus le prix est élevé plus certaines réserves marginales deviennent rentables.
Quels sont les sept déterminants du cours des hydrocarbures ?
1/ L’élément central qui détermine le prix du pétrole est la croissance de l’économie mondiale et les tensions géostratégiques. Aucun expert ne peut prévoir au-delà de 2025 du fait d’importantes nouvelles mutations du modèle de consommation énergétique.
Pour le court terme, les tensions géostratégiques, (la Russie et l’Ukraine représentent 30% des exportations alimentaires mondiales), peuvent créer une véritable crise alimentaire, source de déstabilisation de bon nombre de pays, notamment africains. Les tensions en Ukraine ont exacerbé les tensions énergétiques avec un taux d’inflation élevé dans la zone euro et aux États-Unis. L’inflation devrait atteindre, en 2022, 6,6% dans les pays avancés et 9,5% dans les pays émergents et les pays en développement. Conséquences : un durcissement des conditions financières mondiales étendu à de nombreux pays sous l’effet des tensions sur les prix provoquées par les perturbations des chaînes d’approvisionnement et une pénurie de main-d’œuvre historiquement forte.
Selon la Banque Mondiale, l’Europe subira une baisse de la croissance en 2022 des trois locomotives de l’économie mondiale, à savoir les USA, la Chine et l’Europe. Toujours selon les prévisions de la BM, la croissance globale devrait ralentir, passant de 6,1% en 2021 à 3,2% en 2022, soit 0,4 point de pourcentage de moins que prévu dans l'édition d'avril 2022.
2/ Le respect des accords de l’OPEP+. Rappelons que trois pays ne sont pas soumis aux quotas (lire ci-contre). Le retour sur le marché de la Libye (sous réserve d’une stabilisation politique à 42 milliards de barils de pétrole, plus de 1.500 milliards de mètres cubes gazeux, pour une population ne dépassant pas 6,5 millions d’habitants) et de l’Irak (3,7 millions de barils jour, réservoir mondial à un coût de production inférieur à 20% par rapport à ses concurrents, pouvant aller vers plus de 8 millions/jour). A ces deux pays, s’ajoute l’Iran (s’il y a accord sur le nucléaire avec la nouvelle administration américaine ayant des réserves de 160 milliards de barils de pétrole lui permettant facilement d’exporter entre 4/5 millions de barils/jour de pétrole et ayant le deuxième réservoir de gaz traditionnel mondial, plus de 30.000 milliards de mètres cubes gazeux). (1)
3/ Du côté de l’offre, nous assistons à une hausse plus rapide que prévu de la production de pétrole (non conventionnel) des USA qui a bouleversé toute la carte énergétique mondiale. Les gisements de pétrole et gaz de schistes moyens américains affichent une rentabilité de 60 dollars pour les petits gisements, 40 dollars pour les gisements moyens et 30 dollars pour les grands gisements.
Les Etats-Unis, importateurs par le passé, sont devenus le plus grand producteur de pétrole brut dépassant l’Arabie Saoudite et la Russie. Selon The Telegraph, les Etats-Unis devraient pénétrer fortement le marché mondial avec des quantités sans précédent de gaz naturel liquéfié (GNL) ; 30 projets sont en cours de réalisation grace au gaz et pétrole de schiste pesant ainsi sur le marché mondial du GNL.
4/ La stratégie expansionniste russe pour le gaz (45.000 milliards de mètres cubes gazeux de réserve) qui, pour lever les sanctions, s’oriente vers l’Asie avec deux gros consommateurs d’hydrocarbures à savoir l’Inde et la Chine. La Russie a ouvert de nouveaux gisements en Sibérie dont le fameux gazoduc Sibérie-Chine
5/ Les nouvelles découvertes dans le monde en offshore, notamment en Méditerranée orientale (20.000 milliards de mètres cubes gazeux expliquant en partie les tensions au niveau de cette région) et en Afrique, dont le Mozambique, qui pourrait être le troisième réservoir d’or noir en Afrique (en plus de l’important gisement qui est entré en production au Kazazthan, fin 2016)
6/ La crise énergétique actuelle combinée aux dangers du réchauffement climatique (2) poussent les grands pays -Inde, Chine, USA, Europe- à accélérer la transition énergétique. Il est prévu sur les 30 prochaines années 4.000 milliards de dollars d'investissement dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, avec une prévision de réduction de 30/40% de la consommation des énergies fossiles à l’ horizon 2030.
L’énergie de l’avenir horizon 2030/2040 étant l’hydrogène où la recherche développement connaît un réel essor.
7/ L’évolution des cotations du dollar et l’euro. Toute hausse ou baisse du dollar pourrait entraîner un écart de 10/15% ainsi que l’évolution des stocks américains et chinois.
Quelles conclusions tirer pour l’Algérie ?
Sans bonne gouvernance et de profondes réformes structurelles, l’Algérie restera éternellement dépendante de cette ressource éphémère. En cette période difficile de tensions budgétaires, l’Algérie doit mobiliser tous ses enfants sans exclusive et favoriser le dialogue productif. Une croissance faible, inférieure au taux de croissance démographique peut avoir des répercussions nationales, tant sociales, politiques que géostratégiques au niveau de la région, partant du fait qu’il existe un lien dialectique entre sécurité et développement. Évitons de fonder une politique économique sur des modèles économétriques appliqués aux pays développés, déconnectés des réalités nationales.
Les enjeux géostratégiques mondiaux et le nouveau modèle de consommation devront faire émerger un nouveau pouvoir mondial à l’horizon 2030. L’Algérie doit profiter de cette conjoncture particulière pour asseoir une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, supposant un renouveau de la gouvernance et la valorisation du savoir loin des logiques rentières.
A. M.
Notes :
(1) L’Iran se place derrière la Russie (45.000) et avant le Qatar (environ 20.000), sans compter qu’il aura alors accès aux quelque 100 milliards de dollars bloqués dans les banques étrangères, qui pourront augmenter ses exportations et attirer les investissements étrangers.
(2) Selon le rapport de l’ONU, une sécheresse sans précédent frappera l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne entre 2025/2030, posant la problématique de l’eau et de la sécurité alimentaire.
(2) Selon le rapport de l’ONU, une sécheresse sans précédent frappera l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne entre 2025/2030, posant la problématique de l’eau et de la sécurité alimentaire.
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13 pays membres de l’OPEP et 10 autres réunis au sein de l’OPEP+
L’Arabie saoudite - l’Irak - les Émirats arabes unis - l’Iran - le Koweït - le Nigéria - la Libye - l’Algérie - l’Angola - le Venezuela - le Congo - le Gabon et la Guinée équatoriale. Les 10 autres pays producteurs réunis au sein de l’OPEP+ mais non membres de l’OPEP sont la Russie - le Mexique - le Kazakhstan - Oman - l’Azerbaïdjan - la Malaisie - Bahreïn - Brunei - le Soudan et le Soudan du Sud. Précisons que 3 pays de l'OPEP sont exemptés d'un effort de réduction de leur production à savoir l’Iran, la Libye et le Venezuela.