
L'OPEP+ vient d’annoncer une baisse de sa production de 100.000 barils par jour en octobre, à l’issue de sa 32e réunion ministérielle. Une première depuis de nombreux mois.
Joint par El Moudjahid, Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine, estime que «l'OPEP+ prend en compte les incertitudes sur la demande, notamment issues de l'indétermination persistante concernant la conjoncture chinoise». A ses yeux, «dès lors que la guerre en Ukraine semble appelée à durer, il se confirmera que la conjoncture européenne est également nettement moins dynamique que ce qui aurait pu être espéré en sortie de crise sanitaire». Pour le Pr. Geoffron, «si l'on ajoute à tout cela la perspective (toutefois toujours reportée jusqu'alors) d'accord autour du nucléaire iranien (susceptible d'augmenter le volume de production), il est évident que de nombreux facteurs pèsent pour un soutien des cours via une réduction (modérée) du volume». L'ensemble des producteurs, fait-il savoir, «ont un intérêt à ce que les cours ne s'éloignent pas significativement des 100 $ par baril». En outre, argumente l’universitaire, «comme l'OPEP+ est une alliance étendue, mais fragile, il y a sans doute un intérêt du côté de l'Arabie saoudite (qui est structurellement en position de leadership) à ne pas laisser les cours filer à la baisse pour montrer au partenaire russe (contraint de vendre une part de ses barils à un prix discounté) que l'alliance concourt efficacement à réguler les cours». Quant à Mohamed Said Beghoul, expert en énergie, «classiquement, une réduction de la production pétrolière entraîne une augmentation du prix du baril lequel prix chute avec l’augmentation de la production». Mais, précise-t-il, «l’ampleur de la variation du prix dépend de celle de la production. Pour le cas présent, une réduction de 100 000 b/j ne représente que 0,2% de la production de l’OPEP+ (44 millions b/j) et 0,3% de celle de l’OPEP (30 millions b/j)». Pour Dr. Beghoul, la «modeste diminution» annoncée par l’Opep+ «peut juste servir à amortir, un tant soit peu, la dernière chute des prix liée essentiellement à des facteurs d’ordre économique dont une possibilité de récession, et géopolitique comme les réactions rapides de la Russie aux nouvelles menaces européennes, du G7». Après la réunion OPEP+, à ses yeux, «la santé du billet vert, les stocks hebdomadaires US… vont également faire fluctuer d’un ou deux dollars le prix du baril, mais sans pour autant constituer de véritables facteurs s’inscrivant dans la durée». Ainsi, tout porte à croire que «le marché va rester beaucoup plus à l’écoute de facteurs haussiers ou baissiers qui pèsent de tout leur poids sur l’offre et la demande». Par facteurs, le Dr. Beghoul désigne «la limite des capacités de production chez certains membres de l’OPEP, le surplus sur le marché (estimé à près d’un million de barils), sachant que les productions actuelles de l’OPEP (30 millions b/j) et des États-Unis (11,82 millions b/j) sont à leurs plus hauts niveaux depuis avril 2020». S’y ajoutent «la persistance de la crainte d’une récession (chute de la demande), le dossier du nucléaire iranien, les derniers reconfinements en Chine…». Pour le reste de l’année 2022, avec l’entrée en vigueur, le 5 décembre 2022, de l’embargo de l’UE sur le brut russe, «la production russe pourrait chuter de 2 millions b/j, ce qui va éponger le surplus actuel à la faveur des prix qui pourront dépasser les 100 dollars en cas de blocage du dossier nucléaire iranien et de la possibilité de la Russie de fermer toutes, ou une partie de ses vannes, à l’Union européenne».
Fouad Irnatene