Aïssa MANSEUR, Consultant en développement agricole : «Priorité au marché local»

D’importantes décisions ont été prises, lors du dernier Conseil des ministres, dont l’interdiction de l’importation de viande rouge congelée et des mesures incitatives au profit des agriculteurs. M. Aïssa Manseur, consultant en développement agricole, nous explique les effets positifs de telles mesures sur le marché national, tout en insistant sur l’impératif de «combattre énergiquement» la contrebande des produits de base et autres actes portant préjudice à l’économie nationale.

Entretien réalisé par D. Akila

El Moudjahid : Le président de la République a ordonné d'interdire l'exportation des produits de consommation importés. Votre avis ?
Aïssa Manseur :
Même si le niveau de nos exportations en produits alimentaires reste relativement faible par rapport aux exportations hors hydrocarbures, il s’agit cependant de produits dont la matière première est, dans sa quasi-totalité, importée. Mais, c’est dans la logique des choses que le marché local soit prioritaire car il est extrêmement important d’approvisionner le marché avec différents produits, de façon régulière, et en quantités suffisantes, afin de pallier à toute pénurie, qui se traduit inévitablement par une flambée des prix. Interdire même temporairement l’exportation de certains produits essentiels est un moyen d’éviter tout dysfonctionnement du marché local. On a pu constater durant la pandémie du Covid-19 que plusieurs pays ont émis des restrictions aux exportations de certains produits essentiels et stratégiques. L’exportation, quels que soient son niveau et son apport au Trésor public, ne pourra jamais se faire au détriment du marché local. Les opérations de contrebande ou encore toute exportation de marchandises, en dehors de l’autorité des douanes, doivent être combattues énergiquement car ces actes portent un énorme préjudice à l’économie nationale et déstabilisent le marché local.

Il a été décidé une interdiction stricte de l'importation des viandes congelées. La production nationale est-elle en mesure de satisfaire la demande du marché local ?
Le gel des importations des viandes rouges, fraîches et congelées, a été décidé par les pouvoirs publics, depuis le 4e trimestre 2020. L’importation des viandes congelées coûtait au Trésor public plus de 80 millions USD. Avec une production qui ne dépasse pas les 500.000 tonnes, notre pays peine à répondre aux besoins du marché de ce produit vital.  Et même si on n’observe pas de pénurie, le produit reste inaccessible pour une grande partie des consommateurs. Pour renforcer l’approvisionnement du marché en viandes rouges bovines, les pouvoirs publics ont recours à l’importation de veaux et taurillons. Ainsi, selon le responsable d’ALVIAR cité par la presse nationale, la société s’apprête à mettre en œuvre un programme importer de 10.000 veaux destinés à l’abattage, après une première opération d’acquisition de 1.000 veaux, il indique que, dans le cadre des autorisations sanitaires, le ministère de l’Agriculture à délivré des autorisations pour l’importation de 20.000 taurillons, entre taurillons d’engraissement et d’embouche, pour approvisionner le marché national en viandes rouges. Ces opérations contribuent à satisfaire les besoins du marché surtout pendant la période du mois sacré du Ramadhan.

Une autre mesure décidée en Conseil des ministres consiste à encourager les agriculteurs qui approvisionnent le stock stratégique de l'Etat en blé dur et tendre et en légumineuses. Quel impact sur la filière céréalière ?
Avant tout, les céréaliculteurs ont besoin de soutien et d’accompagnement pour améliorer la production et cela suppose la satisfaction de plusieurs exigences autres que financières. Les céréaliculteurs ont besoin de soutien technique pour mieux maîtriser l’itinéraire technique des cultures, car actuellement, les céréales sont cultivées de façon traditionnelle et la filière compte exclusivement sur les précipitations pour l’irrigation. Cette situation doit changer si on espère booster la production et constituer le stock nécessaire en toute aisance. Les instituts techniques doivent apporter leur contribution dans ce sens en organisant des journées de formation et de vulgarisation à l’intention des producteurs de ces graminées stratégiques. Le soutien financier doit également être fourni aux agriculteurs d’autant plus que les intrants connaissent une flambée des prix sans précédent et les charges de production sont difficilement supportées par ces derniers. On doit considérer les céréales comme des cultures hautement stratégiques, et il est impératif de concevoir des programmes prometteurs avec l’utilisation de tous les moyens nécessaires pour se débarrasser de ce «casse-tête» qui a trop duré. En fait, notre dépendance vis-à-vis de ces produits stratégiques nous rend trop vulnérables aux influences sur les échanges commerciaux internationaux.
D. A.

 

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