
Expert en hydraulique de renommée, le Pr Messahel juge nécessaire de réfléchir sur des objectifs à long terme, parallèlement aux actions d’urgence entreprises pour faire face à la crise des ressources en eau, et plaide, dans un autre registre, pour la valorisation et l’exploitation des produits issus des eaux épurées.
Entretien réalisé par Kamélia Hadjib
El Moudjahid : Comment qualifiez-vous le Plan d’action du gouvernement en termes d’amélioration de l’accès en eau potable et de l’assainissement ?
Pr Messahel : Le programme du gouvernement tend à trouver des solutions à la crise d’eau, à court terme, en procédant à la réduction des fuites d’eau pour économiser l’eau. Il faut savoir que le problème de l’eau en Algérie ne se pose pas uniquement en termes de quantité et de disponibilité mais plutôt en tant que gestion de la stratégie d’eau.
Lorsqu’on prend le code des eaux de 2005, c’est un texte réglementaire dont la moitié des dispositions n’ont pas été appliquées. Parmi ces dernières, on trouve la création de la police des eaux. Et parmi les dispositions contenues dans le Plan d’action du gouvernement, figure la nécessité de réduire les fuites d’eau et les piquages illicites. Et qui mieux que la police des eaux de se charger de cette mission ? C’est un moyen légal qui existe dans le code. Les dispositions qui sont dans le code de l’eau doivent être appliquées. Ce texte existe et est valable. On peut juste le revoir et faire des amendements pour l’enrichir. La police des eaux est une nécessité dans la gestion de l’eau. C’est de la rigueur dont on a besoin pour éliminer les piquages illicites qui engendrent des pertes énormes en eau. Seulement il faut avoir les moyens juridiques pour poursuivre les pilleurs.
Comment optimiser cette gestion pour améliorer l’accès à l’eau potable ?
Je suis tout a fait d’accord avec le plan d’urgence qui est très important, à même de palier au déficit d’eau pendant les trois ou quatre années à venir à travers la réalisation de cinq grandes stations de dessalement d’eau de mer d’une capacité de production de plus de 300.000 M3/jour chacune. Ces stations vont apaiser un peu la crise d’eau mais il est nécessaire de réfléchir en même temps sur des objectifs à long terme. Il faut avoir une vision à cour terme ou d’urgence, à moyen terme et à long terme. Il faut, également, étudier l’impact du dessalement sur l’environnement en associant les instituts, comme l’école d’hydraulique et les universitaires dans le cadre du projet national de recherche. Le ministère des Ressources en eau et de la Sécurité hydrique doit être partie prenante avec les chercheurs pour initier des projets sur l’impact de dessalement.
Qu’en est-il de la valorisation des produits issus de l’épuration ?
En Algérie, on utilise moins de 10% des eaux épurées, le reste est versé dans la mer. Il est important de multiplier les stations de traitement des eaux et d’épuration mais aussi de valoriser les produits issus des eaux épurées. Ces produits sont des éléments nutritifs qu’on appelle le compostage. Ils peuvent rapporter de l’argent et contribuer à la protection de l’environnement. Ils sont utilisés dans l’agriculture. Je cite l’exemple de la station d’épuration de Beni Merad, à Blida, qui existe depuis une vingtaine d’années. Elle est dotée d’une station de compostage qui a fonctionné une année seulement. Il faut absolument la réactiver.
Avons-nous les capacités nécessaires pour une solution radicale de la crise d’eau en Algérie ?
L’Algérie a l’avantage d’avoir des sources d’eaux sur son territoire, contrairement à plusieurs pays arabes. 99% des ses ressources se trouvent sur son territoire. Il faut juste avoir une vision avec des perspectives et faire confiance aux compétences nationales. Il est nécessaire de réactiver la commission d’arbitrage qui a été gelée depuis 3 ans.
La réactivation du travail de cette commission multisectorielle, qui a le pouvoir de décider et de se prononcer sur la distribution de l’eau selon les besoins de chaque secteur pourrait contribuer à solutionner le problème de l’eau en Algérie et améliorer sa disponibilité.
K. H.