Mohamed Zaouaoui, plus connu sous le nom de «Mustapha le Noir» : le stratège de l’ombre des manifestations

Acteur clé des manifestations du 17 octobre 1961 à Paris, Mohamed Zouaoui, plus connu sous le nom de «Mustapha le Noir», demeure pourtant une figure pas assez étudiée du mouvement national. Son parcours exceptionnel, mené dans la plus grande discrétion, illustre ces destins silencieux sans lesquels l’histoire de la lutte pour l’indépendance ne saurait être complète.

Comme chaque année, la commémoration du 64e anniversaire des massacres du 17 octobre 1961, perpétrés par la France coloniale contre les membres de la communauté nationale à l’étranger, ravive la mémoire de ceux qui furent les artisans de ces manifestations pacifiques, tragiquement transformées en bain de sang. Parmi eux, Mohamed Zouaoui, alias Mustapha le Noir, demeure une figure essentielle de ce drame historique. Mohamed Zouaoui, alias Mustapha le Noir, en fait partie. Décédé le 3 octobre 2000 à l’âge de quatre-vingts ans, cet homme fut l’un des stratèges les plus discrets et les plus efficaces de la lutte en métropole. Identifié par la DST française le jour de son arrestation, le 10 novembre 1961, il était considéré comme le chef des opérations du FLN sur l’ensemble du territoire de la France métropolitaine.

C’est sous sa supervision que furent prises les décisions cruciales relatives à l’organisation des manifestations des 17 au 20 octobre 1961, au sein du comité restreint connu sous le nom de «Comité des quatre». Selon l’historien Mohamed Belhadj, enseignant et docteur en histoire, Mohamed Zouaoui, surnommé El-Aswad (le Noir), était un moudjahid de la trempe des grands et un patriote forgé dans un milieu familial profondément attaché aux valeurs nationales. «C’était un moudjahid d’exception, façonné dans un environnement imprégné de patriotisme. Il travaillait dans le silence, et cette discrétion fut sa plus grande force», confie l’historien. Belhadj explique que cette capacité à agir dans l’ombre lui permit de mener à bien les missions les plus délicates, loin des projecteurs.

C’est d’ailleurs cette même qualité de réserve qui le désigna pour encadrer les manifestations d’octobre 1961 à Paris, un rôle stratégique confié en raison de sa compétence, de sa rigueur et de son sens de la responsabilité. L’historien ajoute que le parcours de Zouaoui illustre la nécessité des travaux de micro-histoire, un champ de recherche qui permet de redonner toute leur place aux figures locales du mouvement national. «Mohamed Zouaoui fait partie de ces personnalités qui n’ont pas reçu toute l’attention qu’elles méritent dans les études historiques consacrées au 17 octobre 1961 et à ses suites tragiques. D’où l’importance de la micro-histoire, qui incite les chercheurs à s’intéresser davantage aux acteurs issus de leurs régions», souligne Mohamed Belhadj. Les travaux des historiens Neil MacMaster et Jim House, dans leur ouvrage de référence Paris : Algériens, terreur d’État et mémoire, confirment ce rôle majeur. Les auteurs y décrivent Mohamed Zouaoui comme un responsable fédéral à Paris, pivot central de la coordination du FLN en métropole. Il fut, selon eux, le principal relais de surveillance et de liaison, non seulement sur Paris, mais sur tout le territoire français. En reconnaissance de son engagement, les autorités locales de Sidi Bel-Abbès ont donné son nom à un établissement moyen du quartier El-Rocher, perpétuant ainsi la mémoire d’un homme dont la vie fut vouée au service de la patrie.

Un hommage à la hauteur de ce moudjahid silencieux, artisan infatigable d’un combat, qui, des rues de Paris à celles d’Algérie, marqua à jamais l’histoire contemporaine.

A. S.

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