Le syndicalisme à la croisée des chemins : Repenser l’action syndicale

24 février 1956-24 février 2022. 66 années sont ainsi passées depuis la création de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA). À sa naissance, action politique et lutte syndicale se confondaient. Dix-huit jours après la création de l’UGTA, son secrétaire général, le chahid Aïssat Idir, devait préciser, à l’occasion d’une conférence de presse, les raisons de la création de l’organisation syndicale : «Notre syndicat central est né de la volonté des travailleurs algériens de mettre fin à l’exploitation exercée sur eux par l’administration coloniale et de la remplacer par un régime démocratique et social. En outre, notre révolution ne peut se concrétiser que dans le cadre d’une organisation de travailleurs nationale et indépendante.»

Lors du Congrès de la Soummam, le Front de libération nationale indiquait que «le nouvel organe diffère sur tous les plans de ceux des autres organisations, notamment le choix de la tutelle, des dirigeants, d’une orientation saine et de la solidarité en Algérie, en Afrique du Nord et dans le reste du monde». À l’échelle nationale, le rôle de l’UGTA a consisté en la sensibilisation et la mobilisation des travailleurs algériens autour de la cause nationale, en inscrivant pleinement son action dans la lutte politique et l’organisation de grèves paralysant l’économie coloniale. A l’indépendance, l’UGTA s’employa à se réorganiser en recréant ses structures centrales et ses sections au niveau local. Dès l'indépendance du pays, le syndicalisme algérien s'est arrimé à la nouvelle étape, celle de l'édification nationale. Cette étape a fait des travailleurs et leur syndicat un levier de choix pour mobiliser les forces vives à entamer l'épopée de la construction de l'Etat national naissant et le doter d'institutions fortes et solides. Cette étape a permis aux syndicalistes de s'armer de formation profonde leur permettant d'aiguiser leurs luttes et élever le niveau de l'action syndicale, dont l'apport politique est pour beaucoup dans la consécration desdites luttes. L'unité syndicale était le leitmotiv des syndicats des années 70 et 80. Toutefois, le pluralisme, né du soulèvement d'octobre 1988, n'a pas permis aux syndicats d'avoir une démarche unitaire et homogène, bien au contraire, il a émietté les forces et la capacité de la mobilisation dans le secteur économique et dans les établissements administratifs. La naissance des syndicats «autonomes» n'a pas aidé à l'approfondissement de la conscience syndicale des travailleurs, elle était un élément de division et de fragilisation de l'unité syndicale des travailleurs, en quête de force de mobilisation et de solidarité syndicale dans le but de défendre l'outil de travail et les intérêts des travailleurs.

L’UGTA sous l’ère de Benhamouda
Abdelhak Benhamouda pèsera de tout son poids et de son intégrité pour que l’héritage d’Aissat Idir ne parte pas en fumée. Le syndicat sera aux avant-postes de la lutte pour la sauvegarde de la République et sa modernisation. Abdelhak Benhamouda sera en première ligne en lançant la formation d’un rassemblement à même de fédérer les forces patriotiques et démocratiques du pays. Malheureusement, après son assassinat, la situation s’est aggravée. Cette organisation a perdu du terrain. De l’autre côté, on assistait à la myopie de certains syndicats «autonomes» qui ne se soucient pas des questions essentielles de la pratique syndicale. Cette multiplication, tels des champignons, de syndicats «autonomes» a vite contribué dans l'effacement et la mise à l'écart de ce qui restait comme expérience syndicale, qui s'est cristallisée dans le feu des luttes et au prix des sacrifices inouïs des travailleurs et des travailleuses pendant plus de deux décades. Les syndicats sont aujourd'hui face à une réalité, le moins que l'on puisse dire de crise.

L’activité syndicale rénovée
Dans le souci de recadrer l'action des syndicats et de la remettre dans le cadre qui lui est dévolu, le président de la République a donné des orientations, conformément à la teneur de la Constitution, des lois de la République et des lois internationales en vigueur. Elles s'articulent autour de la nécessité de s'éloigner définitivement — dans le cadre de la loi — des pratiques politiciennes et du lien organique entre les syndicats et les partis et d'entamer un large débat autour des propositions inhérentes aux modalités d'exercice du droit syndical. Il est question de prendre en considération le fait que l'action syndicale est l'un des fondements de la démocratie, tel que stipulé dans la Constitution». Un recadrage qui vise à réorienter l'action syndicale à sa mission première, en l'occurrence la défense des intérêts des travailleurs, dans un cadre légal, et l'amélioration des conditions socioprofessionnelles. Chose qui confère aux travailleurs, dans les limites des dispositions de la Constitution, la possibilité d'exprimer leurs préoccupations à travers l'organisation de manifestations et de grèves autorisées et l'instauration d'un dialogue pour la recherche de solutions et de visions afin de faire face aux défis de l'heure et mette le pays sur la voie du développement et de la croissance. Il faut rappeler que pendant longtemps les partis politiques tentaient d'exploiter les syndicats, en les utilisant comme des relais et des moyens d'influence afin de réaliser des dividendes purement politiciennes, sans aucun retour pour les travailleurs. Cela a contribué à créer de la méfiance envers ces syndicats. Redéfinir le rôle des syndicats professionnels s'avère ainsi plus que nécessaire pour accompagner le développement économique, social et politique de la Nouvelle Algérie.
Farida Larbi

 

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