
La date du 24 févier fut une étape décisive. La décision historique de nationalisation des hydrocarbures, annoncée le 24 février 1971 par le défunt Président Houari Boumediène, a permis le recouvrement de la souveraineté de l'Algérie sur l'ensemble des richesses de son sous-sol, et a favorisé l'émergence d'une industrie pétrolière et gazière. Le professeur Boukrif Moussa, économiste et consultant en management et formateur dans les entreprises, a répondu aux questions d’El Moudjahid.
El Moudjahid : Tout en préparant sa transition énergétique, l’Algérie veut développer davantage son industrie gazière et pétrolière. Quel rôle pour la Sonatrach ?
Moussa Boukrif : La stratégie adoptée est sur la bonne voie. L’Algérie occupe une grande place mais aussi sa voix est bien écoutée parmi les pays producteurs. Créée en 1963, la Sonatrach est véritablement née, selon de nombreux experts, le 24 février 1971, date de la nationalisation des hydrocarbures. L’entreprise Sonatrach est une source de fierté pour la nation algérienne. La Sonatrach est appelée à assurer un double rôle : celui d’accompagner l’Algérie dans ses efforts d’assurer une transition de l’économie rentière vers une économie productive et donc de sortir de la dépendance aux hydrocarbures. Mais également celui d’assurer la transition énergétique. Sonatrach n’est pas qu’une entreprise de commercialisation du pétrole et du gaz, mais bien plus : une entreprise qui a accumulé 60 années d’expérience et d’expertise du secteur des énergies, dans la gestion de grands projets, qui peut être valorisé et mis au profit dans le cadre du partenariat. Sonatrach doit envisager, dans le cadre de sa politique de diversification, d’exporter les services notamment les services liés à l’activité d’exploration et l’exploitation. La Sonatrach est appelée à se déployer d’une maniéré plus agressives à l’international, notamment vers les pays africains pour la prospection et la recherche des hydrocarbures. Il n’est pas normal qu’un pays comme la France, qui ne dispose pas de gisements pétroliers, puisse avoir une multinationale qui figure dans les 5 majors du pétrole et l’Algérie avec 1.340 millions de tonnes de réserves prouvées du pétrole et 2.368 milliards de mètres cubes de gaz se contente d’un statut d’entreprise nationale. Je salue le projet de son PDG de faire de la Sonatrach, la 5e firme au monde. Mais pour cela, elle doit se moderniser et surtout investir dans la recherche, dans la formation, le développement et dans son management. Je crois que la nouvelle équipe est consciente de ces enjeux, puisqu’un projet de recensement des compétences nationales et lancé par Sonatrach. Cependant, il ne suffit pas d’attirer les compétences, mais il faut savoir les garder et éviter les expériences précédentes ou les meilleurs cadres de la Sonatrach sont partis vers d’autres entreprises concurrentes. Sonatrach est appelé à accompagner l’Algérie dans sa transition énergétique, puisqu’elle est déjà présente en Egypte, au Pérou, en Libye, au Nigeria, en Tunisie au Mali, en Mauritanie et dans divers pays du Sahel à travers le projet de Gazoduc TSGP qui reliera le Nigeria a l’Europe.
L’Algérie est également appelée à exploiter d'autres ressources énergétiques pour réussir sa transition. Ces efforts sont-ils suffisants ?
Dans le domaine de la transition énergique, l’ensemble des spécialistes voient dans le gaz une énergie appelée à jouer un rôle primordial dans la transition énergétique. Notre pays est d’abord un pays gazier, il est donc important d’œuvrer pour renforcer notre capacité de production et d’exportation, notamment vers l’Europe qui cherche des partenaires fiables, une attente accentuée par les événements géopolitiques en Ukraine. Je pense que l’Algérie et d’autres pays gaziers doivent créer un équivalent d’OPEP Gaz. La présence très remarquée de l’Algérie au 6e Forum des pays producteurs de gaz est très importante et témoigne du rôle efficace que joue les dirigeants du pays en s’imposant dans les décisions engagées mais aussi en assurant que l’Algérie est un partenaire gazier fiable et sûr.
Sonatrach est appelée à renforcer son rôle économique structurant et se déployer à international. Comment articuler sur ses fronts ?
Sonatrach est appelée à investir davantage dans les énergies renouvelables et concrétiser le plan national des ENR, développer l’efficacité énergétique. Lancé en 2011, ce programme cumule un immense retard. Nous attendons aussi l’implication de la Sonatrach dans la recherche et développement et l’accompagnement des centres de recherches et les universités algériennes dans les domaines des énergies renouvelables, son expertise doit aider les chercheurs dans ce domaine. Enfin, la Sonatrach, dans sa démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises), est appelée à contribuer au développement des zones d’ombre notamment au sud algérien.
L’Algérie dispose donc de tous les atouts pour améliorer sa production gazière et renforcer sa place dans le marché mondial ?
Je pense que même si la Sonatrach est appelée à investir pour augmenter ses réserves et sa capacité de production (un plan d’investissement de 60 milliards de dollars pour la période 2011/2015 afin de renforcer ses capacités de production), il est impératif de revenir à la valorisation des produits des hydrocarbures par l’industrie de la pétrochimie qui peut vraiment renforcer nos exportations. Un projet déjà envisagé par Sonatrach «le projet complémentaire de phosphate» et «le projet de fabrication des produits de phosphates pour la nutrition animale et végétale». A travers une stratégie d’essaimage et d’externalisation des activités qui ne rentrent pas dans le cœur du métier de la Sonatrach, elle peut créer un marché de sous-traitance et booster ainsi, l’entrepreneuriat dans les secteurs liés aux activités de l’industrie de pétrochimie.
M. L.