
Le fondateur de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Aïssat Idir, était un leader en toutes circonstances, témoigne le moudjahid Amar Hadj Saïd, dont le destin a croisé celui du leader syndical dans la prison coloniale de Béthioua, dans l’Oranie. Rencontré à Tizi Ouzou, le moudjahid se rappelle du «charisme et de l’intelligence» du fondateur de l’UGTA et de son «engagement permanent à prendre la défense des détenus au détriment de sa propre personne». Dès son arrivée à la prison de Béthioua, qui comptait alors quelque 1.500 prisonniers, en compagnie d’autres syndicalistes, dont le docteur Boukadoum et Madjid Ali Yahia, Aïssat Idir s’est employé à aider les prisonniers dans leurs petites contraintes quotidiennes face à l’administration et aussi à les organiser. «Il s’est vite imposé comme interface entre les prisonniers et l’administration pénitentiaire, en rédigeant leur courrier notamment et en prenant leur défense à chaque fois que l’un d’eux subissait une injustice, ce qui remontait le moral aux détenus et animait leurs convictions», témoigne Hadj Saïd. Très vite, l’administration pénitentiaire, agacée par l’activisme et l’autorité grandissants d’Aïssat Idir et ses compagnons sur les prisonniers, a procédé à la construction d’un mur de séparation entre eux. «Ils ont aménagé une cour spéciale pour Aïssat Idir et ses compagnons, pour les séparer du reste des prisonniers, mais, trois jours après, trouvant toujours les outils de la construction sur place, ils ont détruit le mur de nuit et regagné la cour des prisonniers», raconte-t-il. Il se souvient aussi du rôle joué par Aïssat Idir et ses compagnons, lors de la grève de la faim organisée par les détenus en soutien à la grève des 8 jours déclenchée par le Comité de coordination et d'exécution (CEE) du Front de libération nationale (FLN), entre le 28 janvier et le 7 février 1957, pour démontrer l'appui du peuple à la révolution de Libération, et des tortures subies, lui et ses camarades. «Lors de la grève, Aïssat Idir a mobilisé les détenus et les a convaincus de l’importance de soutenir cette grève, en engageant une grève de la faim à la prison. Mot d’ordre auquel l’ensemble des prisonniers ont adhéré», se rappelle-t-il. Aïssat Idir et ses camarades furent alors isolés et torturés au chalumeau. «Je me souviens de son retour en cellule, affaibli, tout noir et saignant de toutes parts des sévices subis», se remémore l’ancien détenu. Quelque temps après, et face à son entêtement à défendre la cause des détenus, il a été emmené à une destination inconnue. Certains disaient qu’il était transféré à Berouaghia, dans la wilaya de Médéa, et d’autres à Aflou, dans la wilaya de Laghouat.