Le Général Bénat Zine-Eddine, Commandant du SNGC : «Les garde-côtes sont la dernière ligne en mer»

Ph. A. Asselah
Ph. A. Asselah

Entretien réalisé par : Neila Benrahal

Le Commandant du Service national de garde-côtes (SNGC), le général Bénat Zine-Eddine, précise, dans cet entretien, que les forces navales relevant du Haut Commandement de l’ANP sont la dernière ligne en mer.

El Moudjahid : Comment pouvez-vos définir le rôle du Service national de garde-côtes ?

Général Zine-Eddine Bénat : Je tiens d’abord à rappeler que le Service national des garde-côtes (SNGC) a été créé par l’ordonnance 7312 du 3 avril 1973. Nos intérêts en mer dans les domaines de la sécurité maritime et de la pêche n’étaient pas protégés. Cette création répondait aux préoccupations des pouvoirs publics dont la prise en charge intégrée des problèmes de défense nationale. Les missions du Service national des garde-côtes sont prévues par son ordonnance de création et par de nombreux textes législatifs publiés après sa création en 1973. Il s’agit du Code maritime (1976), du Code des pêches (1976), du Code des douanes (1979), ainsi que de la loi sur la protection de l’environnement (1983). Parallèlement, l’Algérie a ratifié de nombreuses conventions internationales à caractère maritime, dont l’application est confiée au SNGC pour une large part. Le Service national des garde-côtes exerce donc en mer des missions complexes et diversifiées. Dans ce cadre et en matière de police générale, les garde-côtes sont chargés de rechercher et de constater les crimes et délits commis à bord des navires. Dans le domaine des polices spéciales, le SNGC est chargé de veiller au respect et à l’application de la réglementation en matière de douane, de pêche, de navigation maritime, de balisage et câble sous-marins, de surveillance des eaux territoriales, ainsi que de protection du domaine public maritime. Le SNGC est aussi chargé du sauvetage en mer des navires en détresse, ainsi que des enquêtes nautiques. Il participe également aux activités et exercices à caractère militaire qui ont lieu avec les forces navales dont il est une composante. Doté de moyens humains et matériels appropriés, le Service national des garde-côtes est organisé de manière à assurer une couverture complète de notre espace maritime national. Il dispose d’une station maritime dotée de moyens de surveillance et d’intervention dans chaque port algérien. Relevant de circonscriptions maritimes, ces stations maritimes sont implantées respectivement à Alger, à Oran et à Annaba. Au niveau national, le SNGC dispose d’une administration centrale, dont le siège est l’Amirauté à Alger. En plus des missions de défense, le service national des gardes côtes est investi dans plusieurs missions de service public, surtout la sauvegarde de la vie humaine en mer. En plus, on a un droit de regard sur la sécurité, à travers les visites de sécurité. Aussi, le SNGC assure la lutte contre la pollution. Il est chargé de la coordination des opérations en mer.

Qu’en est-il de la lutte contre l’émigration clandestine ?

La lutte contre ce phénomène est une préoccupation majeure du Haut Commandement de l’ANP, mais la lutte à vrai dire repose sur le principe du sauvetage des vies humaines, c’est là un souci majeur. À l’instar des services de police et de la Gendarmerie, les garde-côtes protègent d’abord l’environnement marin et luttent contre toutes les formes de criminalité. Concernant la lutte contre le phénomène de la migration clandestine, il faut souligner que les garde-côtes ou les forces navales sont la dernière ligne en mer. Il faut se poser la question, pourquoi ce flux migratoire ? Avant d’arriver en mer, il y a toute une organisation, une préparation des traversées illégales. Les candidats passent par les villes en possession de jerricans remplis de grandes quantités de carburant et traversent les routes. Ils se regroupent dans un lieu de départ et sont issus de plusieurs localités. Les garde-côtes, conformément aux lois nationales et internationales, doivent lutter contre ce phénomène. En premier, c’est un voyage sans documents. Les candidats vont utiliser un moyen qui n’est pas approprié et dépourvu de moyens de sécurité et même les conditions ne sont pas adéquates. Pour le haut Commandement de l’ANP, l’action majeure et prioritaire dans la lutte contre l’émigration clandestine est le sauvetage des vies humaines. Pour nous, c’est un sauvetage et non pas une interception ou une poursuite en mer. On agit dans le cadre humanitaire pour le sauvetage et le secours. Ces derniers temps, on découvre beaucoup de cadavres d’enfants et de femmes. On opte pour l’anticipation et la prévention. Il faut aussi une prise de conscience et une sensibilisation, car les jeunes qui s’y aventurent ne connaissent pas le danger, même une fois arrivés à destination, ils ne sont pas pris en charge, ils sont plutôt refoulés. Les autorités espagnoles refoulent 20 à 30 migrants par voyage. Certains s’identifient en tant qu’algériens pour compliquer les procédures du refoulement. Je peux juste vous assurer que la situation est maîtrisée. On a mis en œuvre un numéro bleu, et on développe un site web.

Quelle évaluation faites-vous de la coopération bilatérale dans ce domaine ?

Lors de la dernière réunion tenue le mois de décembre dernier avec la garde civile espagnole, nous avons étalé les deux bilans des services des deux pays, et finalement nous avons constaté que les services algériens ont réalisé de très bons résultats par rapport à eux. Dans leur cas, c’est l’Union européenne qui est engagée dans la lutte contre la migration clandestine, alors que nous agissons avec nos propres moyens : les moyens des forces navales nationales sans aucune assistance étrangère. Lorsqu’on compare le bilan, pratiquement la comparaison porte sur les moyens engagés, à l’instar des radars très sophistiqués, ainsi que les navires de contrôle, dont ceux mobilisés par l’UE dans le cadre de Frontex (Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes)*. Du côté du Sénégal ou de la Mauritanie, ce sont les autorités espagnoles qui sont engagées dans la lutte, en mobilisant les moyens dans le cadre d’un accord bilatéral. L’Algérie n’a jamais demandé assistance et aide.

ous affirmez que la lutte contre le phénomène de l’émigration clandestine est l’affaire de tous…

La lutte contre l’émigration clandestine nécessite un travail qui doit se faire à la base. Il est à rappeler que des parents sont complices et incitent leurs enfants, et ce sont eux-mêmes qui financent les traversées dangereuses et parfois mortelles. Ce n’est qu’après leur disparition, qu’ils alertent les services de sécurité. Outre la famille, la mosquée doit aussi s’impliquer, car il ne s’agit pas de raisons sociales, c’est devenu un business lucratif. À voir la catégorie des harraga, il ne s’agit pas de nécessiteux, mais de gens aisés, à l’instar d’un footballeur à l’est de la capitale qui possède deux villas et un véhicule haut de gamme. Aujourd’hui, il faut mettre en exergue les mesures prises par l’État en faveur de la jeunesse, dont l’allocation chômage. Notre mission en tant que service national des garde-côtes n’est pas la traque des harraga. Notre mission principale est de surveiller les approches maritimes de toute infiltration ou introduction illégale, à travers une présence permanente en mer. Des efforts colossaux sont consentis pour le sauvetage des vies humaines, par la mobilisation des moyens humains et matériels importants, soit des navires, des vedettes de sauvetage et aussi des moyens aériens, soit des hélicoptères destinés exclusivement au secours aérien.

La féminisation du SNGC n’est-elle pas devenue nécessaire, au regard du nombre de plus en plus important des candidats femmes à l’émigration clandestine ?

À l’instar des autres unités de l’ANP, la femme est présente au sein des forces navales, et particulièrement au niveau du service national des garde-côtes qui compte des femmes embarquées dans les unités flottantes. Elles sont plus nombreuses au niveau des administrations maritimes locales et centrales, en tant qu’officiers, sous-officiers et agents garde-côtes. On essaye de les impliquer davantage dans l’activité maritime et nous sommes en train d’améliorer l’intégration de la gent féminine au niveau de la station maritime. Dans ce cadre, nous avons envoyé, pour la première fois, quatre femmes sous-officiers à l’École supérieure de la Gendarmerie nationale parmi 46 sous-officiers des garde-côtes, dans le cadre d’une formation pour l’acquisition de la qualité d’officier de la police judiciaire.

N. B.

 

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