
En bâtissant des liens plus directs entre les continents, à travers ports, routes, voies ferrées, câbles de télécommunication, réseaux internet, «la Chine module désormais les relations politiques et les dynamiques géoéconomiques », estime Wu Yihong, chercheur à l’Institut des civilisations Taihe. Un think tank indépendant, qui précise que l’initiative de la «Ceinture et la Route» est aujourd’hui perçue, en Afrique et dans le Sud global, «comme une véritable plateforme, un réseau et un espace alternatif crédible et pragmatique». Au premier semestre 2024, la Chine était le premier partenaire commercial de l'Afrique dans le monde, avec des échanges commerciaux s'élevant à environ 166,3 milliards de dollars, selon des données publiées, en août dernier, par la douane chinoise. Entre le 1er janvier et le 31 juillet, les exportations du géant asiatique vers les pays africains ont atteint 97,6 milliards de dollars, a précisé de même source. Les importations chinoises en provenance du continent se sont quant à elles établies à 68,7 milliards de dollars. Les échanges de biens intermédiaires (destinés à être transformés par des entreprises par incorporation ou par destruction pour la production d’autres biens) entre Pékin et l’Afrique représentent 68% de la valeur totale du commerce bilatéral. Le gouvernement chinois prévoit d’investir 60 milliards de dollars d’ici 2035, pour financer des projets structurants sur le continent. D’autres secteurs porteurs de croissance, notamment les infrastructures (routières, aéroportuaires, portuaires et ferroviaires… ) reçoivent des investissements massifs de la Chine. Ce qui fait d’elle, et de loin, le premier partenaire commercial et économique de l’Afrique depuis plus de dix ans. Un partenariat dont les résultats commencent à fortement impacter l’essor économique des pays africains ayant déjà bénéficié de ces échanges. D’Égypte à l’Angola, en passant par le Kenya, la Tanzanie, Djibouti, l’Éthiopie, la Zambie, la Namibie, le Mozambique, le Zimbabwe, Madagascar, la Guinée, le Nigeria… les réalisations de mégaprojets ont entraîné des mutations physiques et économiques profondes de ces pays vers un développement accéléré et durable. Entre 2000 et 2020, selon le People’s Daily, la Chine a contribué, par exemple, à construire plus de 13.000 km de chemins de fer, environ 100.000 km d’autoroutes, près de 1.000 ponts, 100 ports et plus de 80 grandes centrales hydroélectriques. Ces infrastructures témoignent de la vitalité des relations entre l’Afrique et la Chine. Contrairement aux relations que le continent entretient traditionnellement avec l’Occident, qui octroie des «aides au développement ou budgétaires», plus contraignantes et très condescendantes, estime le chercheur sud-africain, Iqbal Survé, participant au Forum.
Une nouvelle opportunité pour les médias africains
Pour lui, rarement, une institution ou organisation mondiale dévolue au développement économique n’a aussi fait la part belle aux médias que l’initiative «Belt and Road». «Des opportunités de perfectionnement, de formation et de stage ont été initiées, afin de permettre aux journalistes d’être mieux outillés pour faire des reportages, investigations et analyses concrets sur les projets financés et leur évolution», a-t-il rappelé, précisant que «la Chine, ayant de nombreux investissements en Afrique, a besoin de renforcer sa coopération sous d'autres axes, parce que la coopération économique s'accompagne d'autres domaines, au rang desquels le volet culturel». Ces propos faisaient référence à la proposition du Président Xi de promouvoir les échanges scientifiques et culturels, de créer des laboratoires scientifiques conjoints, de construire des parcs scientifiques et technologiques, et de promouvoir le transfert de technologies entre la Chine et les autres participants à l'ICR. «Cette forme de coopération multilatérale offre également aux pays du continent africain, une plate-forme de développement égale, en vue d'éliminer la pauvreté et d'assurer la stabilité sociale, en favorisant un développement économique durable», a affirmé, pour sa part, le Nigérian Olusegun Abe Adeniyl, du Thisday Newspaper, qui souligne que ces dernières années, «la Chine est devenue un fervent partisan de la croissance inclusive, commune et durable, du développement vert, de la libéralisation du commerce international et d'une bonne gouvernance mondiale». C’est d’ailleurs dans cette optique que le Président Xi a annoncé, ce mois-ci, de nouvelles mesures, dont l'élargissement de l'accès à son marché, le renforcement de la protection des droits de propriété intellectuelle, l'augmentation de ses importations et l'installation de nouvelles zones-pilotes de libre-échange. Force est de constater que, fortement intégrée à l’économie mondiale, la Chine n’a pas d’autre choix que de poursuivre ses investissements massifs, en vue d’assurer sa croissance et d’ouvrir de nouveaux marchés. Ainsi, en dépit des effets de la pandémie de Covid-19 et des problèmes rencontrés dans plusieurs pays bénéficiaires des investissements chinois, la BRI s’imposera dans la durée, avec des projets remaniés et parfois corrigés, une concurrence plus âpre, mais une dynamique qui n’a pas vocation à s’arrêter.
A. Z.