
Dans cet entretien, le directeur de l’Organisation et de la coordination des secours (DOCS), le colonel Khelifa Moulay a annoncé la révision de la composante des colonnes mobiles, sur instruction du DGPC, le colonel Boualem Boughlaf. Il a précisé, que le dispositif de lutte contre les feux de forêts repose sur l’anticipation et la prévention, afin de détecter le plus tôt possible les départs de feux, en particulier dans les zones considérées à haut risque. Il a également mis en avant «le retour d’expérience» en matière de risques majeurs, notamment les incendies de forêts.
El Moudjahid : Avec la hausse des températures, le risque de grands feux est élevé et la menace est réelle. Quelle est l’action de la protection Civile pour y faire face ?
Colonel Moulay : Il faut savoir qu’il n’y a pas de sinistre qui n’est pas gérable, mais cela dépend de plusieurs aspects. Le dispositif de lutte contre les feux de forêts repose essentiellement sur l’anticipation et la prévention. Nous avons toujours opté pour l’anticipation pour garantir la réussite du dispositif qui consiste également en la préparation. La DGPC a également introduit «le retour d'expérience», en tant que culture et approche de gestion des risques. Chaque année après la clôture de la saison estivale, on organisait des séances de travail avec des DPC de wilaya. Aujourd’hui, dans le cadre du retour d’expériences, on tient jusqu’à trois réunions par an avec des chefs d’unités de proximité qui sont sur le terrain, les chefs de services qui sont chargés de la mise en place du dispositif. Les réalités de terrains rencontrées par les services de secours sont débattues lors des réunions à haut niveau présidées par le DG avec les DPC. Cette approche a été fructueuse et a donné des résultats. Aussi, nous avons intensifié les manœuvres de simulation d’une catastrophe. Nous organisons jusqu’à 2 à 3 exercices de grande nature par an. En effet, après la clôture de la saison 2024, lors du retour d’expérience, nous avons constaté le grand apport des DRIFF, les détachements de renfort d’intervention en feux de forêts. Nous avons commencé par la mise en place de quatre DRIFF, on a ajouté un 5ème détachement par la suite. Ces détachements ont grandement contribué dans la lutte, ils ont stoppé les feux. Ils sont spécifiques et différents des colonnes mobiles qui sont composées de 11 moyens à savoir six véhicules légers et quatre autres grands, plus un véhicule de transport pour les interventions pédestres. Par contre, les DRIFF sont composés de neuf camions de grande capacité, utilisés pour stopper les feux. Ces détachements sont une ligne d’arrêt des feux. En raison de leur efficacité, on a ajouté un autre DRIFF, soit un total de six détachements avec un objectif de reprendre la composition au cours de cette année. On va essayer de regrouper nos conseillers techniques en feux de forêts F5 autour d’une table pour revoir la composition de notre colonne mobile. Ce sont les instructions du DGPC, le colonel Boualem Boughelaf. On va diminuer un peu les petits véhicules et les remplacer par de grands moyens, ça sera 2 en 1 : une colonne mobile et un DRIFF en même temps. Cela va nous permettre d’avoir des mini-DRIFF dans chaque wilaya. La réussite de chaque opération ou sinistre repose sur un bon départ avec une bonne prévention sinon l’intervention sera rude et dangereuse. Il y a cinq pivots de la prévention, notamment l’alerte précoce à travers une bonne surveillance. Il s’agit également des voies d’accès, à savoir les pistes forestières. C’est vrai que parfois, on mobilise un arsenal de moyens, mais on ne peut pas les utiliser à cause des difficultés d’accès. On revient dans ces cas à l’intervention avec des moyens pédestres avec des sous-pompes qui ne sont pas faits pour l’attaque du feu. A cela s’ajoutent les TPF (tranchées pare- feu) sont très importantes pour limiter la propagation des incendies de forêts. Il faut du temps pour regrouper toutes nos forces. Les TPF sont conçues pour arrêter un feu, mais pas toujours. On a vécu des feux qui traversaient l’autoroute à un autre côté, d’une rive à une autre rive d’une forêt, comme c’est le cas de Zbarbar. Il a traversé la queue du barrage Koudiat Acerdoune. Les TPF constituent un dispositif de prévention. Les points d’eau de ravitaillement sont très importants dans la lutte contre les feux de forêts, aller sans eau, c’est comme un soldat sans munitions. Chaque opération est basée sur trois critères, le délai de réponse, les moyens et la formation. L’objectif majeur est de réduire le délai de réponse . On doit utiliser les moyens adéquats. Nos agents doivent être formés sur les moyens et les techniques opérationnelles. Les manœuvres organisées visent à inculquer les techniques opérationnelles aux agents.
Justement, les dernières manœuvres de simulation ont été marquées par la participation active des détachements de l’ANP, des unités de police et des collectivités locales. S’agit-il d’une nécessité du renforcement de la coordination opérationnelle ?
Ils ont toujours étaient partenaires avec la Protection civile dans la gestion du risque majeur. Aujourd’hui, nous disposons du décret exécutif de la gestion des risques 19/59. Il définit certaines situations, Catastrophe, module d'intervention, site sensible et précise l'objet de la mise en place du plan ORSEC. Il définit les missions sur le terrain. Chaque acteur doit recenser, gérer et orienter ses moyens. Avant, on se contentait juste de mettre les moyens à la disposition de la PC et des collectivités locales. La mission de la PC est le secours et le sauvetage. La définition des missions nous permet de bien accomplir notre mission. Ce décret assure une continuité pour un seul objectif, à savoir la prise en charge du sinistre. Aujourd’hui, on organise des exercices inopinés pour tester le plan ORSEC. Seul le wali est au courant du lieu et du thème de l’exercice, comme s’il s’agit d’une intervention réelle, pour relever les défaillances. Si on ne connait pas nos faiblesses, on ne peut jamais les corriger. Notre souci est l’efficacité de l’intervention, car chaque incident est une nouvelle expérience pour nous. Justement, c’est dans ce sens que des jeunes officiers de la Protection civile ont réussi l’installation d’une application numérique du retour d’expériences «RETEX». C’est une plateforme avec l’Intelligence artificielle, qui calcule et oriente suivant les données. Elle est sous essai. On l’a testé avec la manœuvre de Skikda. On a récupéré les données de l’application de gestion des catastrophes et introduites dans cette application. Je suis très convaincu de son utilité.
Parlant de vigilance, le président de la République a décrété la vigilance maximale durant le Conseil des ministres. Quelles en sont les motivations ?
La décision est motivée par les changements climatiques et les perturbations et la prévision devient difficile. L’Algérie est un continent. Hier, d’un côté il y avait des inondations et de l’autre côté des feux de forêts dans la même journée. Il y a des feux de forêts énormes et des inondations à travers le monde. La nature est devenue imprévisible. Aussi, il est temps d’arrêter le carnage de notre végétal et éviter des pertes humaines. Il faut protéger notre patrimoine forestier, les biens et l’environnement. La vigilance c’est travailler aussi dans le cadre de l’anticipation qui est un élément essentiel qui réduit et limite les pertes, car le risque zéro n’existe pas.
Le Président a également mis l’accent sur la mobilisation de tous les moyens, un dispositif important a été mis par la DGPC ?
Il y a une montée en puissance des moyens. Nous avons développé les DRIFF outre le renforcement par des camions CCFM orientés pour les feux de forêts dans le cadre d’une nouvelle acquisition, c’est leur première année de service. Les DRIFF sont d’un apport extraordinaire, ce qui a aidé à créer un 6ème DRIFF. Nous avons également équipé les unités de proximité pour réduire les délais de réponse, notamment les unités installées à proximité des massifs forestiers, équipées pour prendre en charge le départ des feux.
Vous avez parlé de conseillers techniques. Est-il possible d’avoir des détails sur leur mission ?
Oui, des conseillers techniques dans les techniques opérationnels, des doyens ayant acquis une grande expérience dans différents risques. Ils sont désignés pour le choix des équipements et sélection du programmes de formation. Il y a des commissions installées pour chaque technique et spécialités pour répondre à des questions techniques. La direction des Ressources humaines (DRH) à la PC veille également à la formation dans le domaine opérationnel, la gestion, le maintien des acquis en coordination avec des universitaires et chercheurs. La maîtrise des équipements passe par la formation.
N. B.