Tayara Safra de Hadjer Sebata primé à Montréal

Dans une salle chargée d’émotion et d’enthousiasme, ponctuée de youyous résonnant comme un écho venu d’Algérie, le film Tayara Safra (L’Avion jaune) de la réalisatrice Hadjer Sebata a été couronné Meilleure fiction court et moyen métrage à la 41ᵉ édition du prestigieux Festival Vues d’Afrique de Montréal. Une récompense saluée unanimement par le jury qui a souligné «l’alternance réussie entre le passé et le présent, un choix esthétique très original, une grande maîtrise des aspects techniques, ainsi qu’un cadre et un décor d’une justesse rare». Mais plus encore, c’est l’interprétation puissante et habitée de Souhila Maâlem, dans le rôle de l’héroïne, qui a profondément marqué les esprits. Une vidéo de l’annonce du prix et de la montée sur scène de Hadjer Sebata, sous les applaudissements et les youyous de la salle, circule depuis sur les réseaux sociaux, émouvant de nombreux internautes, notamment en Algérie, fiers de voir une œuvre locale rayonner à l’international. Tayara Safra, d’une durée de 40 minutes, s’ancre dans une période sombre mais cruciale de l’histoire algérienne, entre 1956 et 1957, au cœur de la guerre de Libération nationale. Le film suit Djamila, une jeune fille bouleversée par la perte de son frère Mustapha, lâchement assassiné par l’armée coloniale française. Le drame familial prend une tournure encore plus tragique lorsque le père, Saïd, est accusé d’être indirectement responsable de la mort de son fils, pour avoir tenté de le convaincre de rejoindre la police coloniale une institution qu’il avait lui-même intégrée, dans l’illusion d’y trouver un avenir. Dévastée mais déterminée, Djamila s’engage dans une quête de justice qui se transforme en un parcours initiatique entre douleur, mémoire et résistance. Porté par une réalisation sobre et sensible, le film met en lumière la complexité des choix personnels en période de guerre, et surtout la force intérieure des femmes, souvent reléguées à l’arrière-plan des récits historiques. Avec Tayara Safra, Hadjer Sebata confirme son talent singulier pour conter l’histoire à travers le regard intime de ses personnages. Elle réussit à mêler poésie visuelle, rigueur historique et engagement émotionnel dans une œuvre qui résonne aussi bien auprès du public algérien qu’international. Le prix décerné à Montréal s’inscrit dans cette reconnaissance croissante du cinéma algérien féminin, qui ose questionner le passé et en tirer des récits puissants et universels. Ce prix, au-delà de la récompense artistique, vient saluer le courage de raconter, la mémoire ravivée d’une période douloureuse, et l’acte de transmission intergénérationnelle. En portant à l’écran le destin de Djamila, Hadjer Sebata redonne voix à toutes ces femmes dont le courage n’a pas faibli face à l’oppression. Tayara Safra est bien plus qu’un film historique. C’est un cri du cœur, une déclaration d’amour au pays et à ses martyrs, portée par une héroïne bouleversante incarnée avec intensité par Souhila Maâlem.

M. K.

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