
Les éditions Hibr viennent de sortir des presses Mauguin, un roman de Walid Bissa, intitulé En panne de clepsydre. L’auteur, médecin et chercheur, entre autres, plonge le lecteur dans le monde du sacerdoce.
L’immersion dans l’ambiance du docteur Abbas, le personnage principal de ce roman, tient, dès les premières pages, le lecteur en haleine. Le côté descriptif de Bissa dénote d’un sens aigu de l’observation. Le quotidien du monde hospitalier et l’importance que devrait jouer la médecine psychiatrique rythment l’amorce du roman. L’auteur plante le décor sous l’angle philosophique. Qu’est-ce que la notion de temps ?
«Tout se passe comme si le temps n'avait aucune signification, d'ailleurs pratiquement personne ne semble connaître ce mot ! Par contre, le contexte diffère selon les personnes, avec un début soit facile à déterminer (perte de travail, disparition d'un être cher, difficulté à trouver du travail…) soit plus difficile à objectiver, l'entourage lui-même étant incapable de donner une date même approximative : d'abord une sensation de mal-vie et de mal-être avec un sentiment d'exil intérieur, de non-appartenance à la communauté, d'incompréhension de la société environnante, de mélancolie, lassitude à être, difficulté à vivre, fatigue d'être soi...».
Les relations qui régissent la pyramide de la hiérarchie de l’Administration sont mises à nu, sous une forme littéraire épistolaire. Et la trame romanesque accentue les mille et une réalités et vérités que Walid Bessa assène. Un vrai réquisitoire contre la pleutrerie et l’arrivisme de certains responsables qui ont vendu leur âme au diable. «J'ai compris qu'il ne suffisait pas de dénoncer l'injustice. Il fallait donner sa vie pour la combattre.»
Autour de l’histoire des péripéties du docteur Abbes, l’auteur se désole de la mièvrerie complice et ambiante : «(…) une partie des ‘’intellectuels’’ semble s'être prêtée à cette conversion collective. Pratiquant l'amalgame, ils ont travaillé à montrer que ‘’le libéralisme économique est la condition nécessaire et suffisante de la liberté politique’’, oubliant que l'Etat a pour but officiel et essentiel le service public et le dévouement à l'intérêt général, et ses ‘’clercs’’ sont mandatés pour servir, non pour se servir.»
La responsabilité de tous les corps de métiers concernés est pointée par l’auteur : «Les journalistes ont un rôle capital à jouer, qui va bien au-delà de la dénonciation des ‘’affaires’’. A condition, bien sûr, que les uns et les autres soient eux-mêmes soumis à des contrôles croisés et que disparaissent la diffamation ou la dégradation d'autrui, si fréquentes dans certains quotidiens. La déontologie ne doit pas être de façade mais un réel credo. On assiste malheureusement à l'émergence de plumitifs plus soucieux de plaire en haut lieu que de faire leur travail, dire la vérité rien que la vérité.»
La situation est très complexe et ubuesque dans ce pays «fictif» (comme l’annonce l’auteur en avertissement au début du livre). Mais certains lecteurs verront peut-être là une expérience vécue (?)… Voici un livre à lire comme on déchiffre un tableau réaliste d’un présent incertain.
K. Morsli
En panne de clepsydre, de Walid Bissa, Éditions HIBR, 276 pages, 950 DA