Esquisse : Mejdoub le sarcastique

Depuis le fin fond du XVIe siècle, les quatrains du poète itinérant marquent, d’une manière indélébile, le melhoun maghrébin. On retrouve aussi leur trace dans la poésie populaire et surtout dans les citations et les proverbes du quotidien jusqu’à nos jours. Malgré l’absence d’écrits ou de diwans, les bons mots de cheikh El Mejdoub nous sont arrivés intacts. Ils ont traversé les siècles par la sacrosainte transmission orale. Ce chantre, Sidi Abderrahmane El Mejdoub, est né à Tit, dans la région d’Azemmour, et a longtemps baladé son bâton de pèlerin dans les Hauts-Plateaux algériens. Il y a trouvé écoute, paix et érudition. La preuve est perceptible dans ses tournures linguistiques, selon les historiens et les linguistes maghrébins. Mejdoub est aussi un chroniqueur (oral) d’un siècle épique truffé de guerres, de conquêtes et de jeux de dynasties pour le pouvoir. Il rapporta tout cela dans son style pointu, acerbe et dénué de toute complaisance. Il n’était pas un poète de palais, mais plutôt un griot de souks et de caravansérails. Il se disait libre de toute servitude. Ce qui le jeta sur les chemins du Maghreb, dans le dénuement le plus total. Ces quatrains racontent la misère, l’amour, la déception, les relations humaines et distillent quelques vérités sur les secrets de la nature humaine. Aussi, on y trouve des vérités sur les terres et les peuples qu’il côtoya. L’une de ses meilleures salves reste Aayta Hnina : «Je les ai appelés avec un cri farouche, Qui a fait sursauter les gens en sommeil ;Des cœurs compatissants, ce fut le prompt réveil, Et ceux comme des bêtes ont préféré leur couche ! » Visionnaire, inspiré et audacieux, Mejdoub a tellement, et magistralement, bien mené son art, le sarcasme, que ses paroles ont traversé les âges sans beaucoup d’altérations. Ainsi parlaient nos aïeux.

K. Morsli

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