
Récemment, le premier musée virtuel d'art exclusivement consacré à la grande artiste peintre et l'un des piliers de l'art algérien, Baya, a fait son apparition sur le médiateur culturel « Ineffable art & culture » qui vise à populariser et vulgariser les arts et le patrimoine culturel à travers des solutions digitales et une démarche participative. Comme il nous a été précisé par Ahlem Kebir, co-fondatrice de » Ineffable art & culture », qui est aussi architecte et doctorante en Patrimoine et cadre bâti ancien : «J’ai co-fondé Ineffable art & culture en 2017 avec Aîmen Bennouna qui est graphiste et formé en gestion d’entreprise. Nous avons commencé il y a tout juste 3 ans par créer un magazine digital participatif et multilingue. Le principe est que tout le monde peut participer en envoyant un article sur une thématique prédéfinie», nous explique-t-elle.
Elle souligne qu'un «comité de lecture va sélectionner les meilleurs articles sur l’idée et le respect de la thématique et aider, si besoin, le rédacteur à retravailler son article, car nous sommes conscients que tout le monde n’est pas journaliste, mais dans le monde de la culture, chacun à quelque chose à dire car la culture est subjective et personnelle».
Créé par des Algériens amoureux de l'art et du patrimoine de leur pays, ce musée virtuel offre une palette artistique surprenante ! Des œuvres bien choisies pour rendre hommage à cette grande dame de la peinture algérienne. Le grand public se réjouira en faisant juste des petits clics sur leur ordinateur ou téléphone portable. C'est un moment d'évasion, de détente et de voyage artistique. Cette initiative ne peut pas passer inaperçue, elle mérite beaucoup d'encouragement parce qu'elle permet de pallier le vide laissé par la fermeture des espaces culturels, notamment des galeries d'art et des musées comme mesure de sécurité sanitaire évitant la propagation du Covid-19. Ainsi, la cofondatrice, Ahlem Kebir, nous parle de l’idée de création de ce musée virtuel en expliquant que « c'est une idée qui a toujours été un de nos objectifs. Pour nous c’était LA solution pour casser les barrières géographiques et pouvoir partager avec tout le monde, peu importe où il se trouve, le contenu des musées et des galeries d’art. Sauf qu’il y a trois ans, nous n’avions pas les connaissances nécessaires pour mettre en place ce projet. J’ai donc décidé de poursuivre mes études en me lançant dans un doctorat sur le sujet de la médiation culturelle à travers la réalité virtuelle. Cette étude me permet d’un côté d’avoir une assise théorique sur laquelle se base le projet mais aussi de connaître les techniques que je pourrais mettre en place pour pouvoir modéliser des musées, existants ou fictifs, de la manière la plus efficiente possible. Car ce n’est pas un secret, la mise en place d’un musée virtuel est en général un processus long, coûteux et nécessitant une équipe pluridisciplinaire. Or, les solutions que je cherche, permettent de réduire les coûts et simplifier le processus pour qu’il puisse être reproduit par n’importe quelle personne intéressée sans forcément être informaticien. D’ailleurs ce premier musée, j’ai pu le développer moi-même depuis la phase de modélisation jusqu’au développement et la mise en ligne », nous explique-t-elle.
Digitalisation des arts et du patrimoine
Par ailleurs, Ahlem regrette que ce genre d'initiative reste minime et peu développé en Algérie. «Aujourd’hui l’Algérie est très loin dans le domaine de la digitalisation des arts et du patrimoine, ce qui est triste car c’est un moyen de partage et de communication au-delà des limites physiques, mais c’est aussi quelque part un moyen de protection de ce patrimoine, car même si on vient à le perdre un jour, pour une raison ou pour une autre, il y aura toujours cette version qui le préserve de l’oubli et qui permettra même sa reconstruction».
Elle nous donne plus de détails sur le site culturel, indiquant qu'ils ont opté, dans un premier temps, pour une galerie interactive où ils ont regroupé quelques oeuvres de l’artiste Baya. « Il est possible, à partir d’un simple ordinateur, de naviguer, marcher à l’intérieur de la galerie comme dans un espace physique traditionnel. Il y a la possibilité de s’approcher des œuvres pour avoir plus d’information sur celle-ci et sur la vie et le travail de l’artiste».
Pour ce qui est du choix de Baya comme première artiste, Ahlem précise qu'il est « subjectif ». «C’est une artiste que j’admire particulièrement, autant pour son art, que pour son parcours. C’est le fait d’être autodidacte, d’avoir évolué malgré les difficultés de la vie et de l’époque. Et surtout il y a ce moment de son existence qui m’interpelle. Elle a complètement cessé son activité d’artiste pendant plusieurs années quand elle a épousé El Hadj Mahfoud Mahieddine et repris son oeuvre quand celui-ci est mort. Son âme d’artiste est toujours restée là… ça me pousse aussi à penser à toutes ces femmes contraintes d’éteindre leur lumière à cause d’un homme ou des pressions sociales.
Et puis il y a son obstination à signer ses oeuvres simplement de «Baya», pas de nom de famille, pas même son prénom de naissance, comme pour dire qu’elle ne doit son art qu’à elle-même, en tout cas c’est mon interprétation ».
La photogrammétrie à la rescousse
Concernant les projets, notre interlocutrice révèle que dans le futur proche il y aura d’autres artistes, anciens ou contemporains. Il y aura aussi des musées thématiques autour du patrimoine. A l’aide de la technique de la photogrammétrie, «nous pouvons créer des oeuvres en 3 dimensions à partir de photographies que nous allons ensuite regrouper par thématique dans des galeries virtuelles».
« Et c’est là où intervient le caractère participatif de ce projet puisque n’importe qui peut contribuer avec des photos (on doit bien sûr d’abord expliquer la méthode du relevé photographique au contributeur mais ça reste facile et à la portée de n’importe quelle personne munie d’un simple appareil à photo).»
Les ambitions ne s'arrêtent pas là. Cette équipe projette aussi de travailler en collaboration avec des galeries d’art et des musées qui souhaitent allier le physique au virtuel. «Surtout avec ce que nous vivons aujourd’hui avec cette pandémie, je pense qu’il est grand temps d’intégrer ces technologies dans le monde culturel algérien. C’est aussi une manière de partager le contenu de ces établissements physiques avec un nouveau public, notamment des personnes qui ne peuvent pas forcément se déplacer et visiter le patrimoine de leur pays et découvrir des œuvres et des artistes. Et puis l’Algérie est tellement grande. Moi-même je n’ai pas visité tous les musées ni toutes les galeries. De pouvoir le faire en un clic c’est quand-même une éventualité qui me séduit.» Les musées consacrés au patrimoine et aux artistes d’antan vont être permanents. Il y aura aussi forcément des projets qui vont être périodiques, avec des artistes contemporains.
« Nous continuerons à développer d’autres projets basés sur le digital pour permettre un accès à la culture pour tous, et pour la promotion et la sensibilisation au patrimoine algérien en vue de sa protection et sa mise en valeur», conclut-elle.
Kafia Aït Allouache