Ségolène Royal et Mélenchon fustigent sa politique envers l’Algérie : Macron sous le feu des critiques

Deux figures majeures de la politique française accusent le président français d’exploiter «la carte polémique» avec l’Algérie pour détourner l’attention des crises internes. Elles dénoncent aussi une stratégie «coloniale», appelant à des relations d’égal à égal avec Alger.

Les décisions surprenantes de l’État français concernant la circulation des personnels diplomatiques et de service et les restrictions dans la délivrance des visas sont dénoncées en France même, par des Français pure souche, exerçant ou ayant exercé, de surcroît, de hautes responsabilités.

Il en est ainsi de l’ancienne ministre et ancienne députée françaisebSégolène Royal, qui a fustigé le président Emmanuel Macron dans la politique menée envers l’Algérie, dénonçant notamment sa «carte polémique» dans la gestion des relations entre les deux pays.

Dans un message publié, vendredi dernier, sur les réseaux sociaux, Ségolène Royal a dénoncé les dernières sorties d’Emmanuel Macron à l’égard de l’Algérie comme une «diversion» visant à «détourner l’attention des graves enjeux internes auxquels la France fait face, notamment les incendies dévastateurs dans l’Aude et les carences de la sécurité civile». «Donc, la carte polémique avec l’Algérie est ressortie, comme à chaque fois qu’il faut faire diversion, pour que nous regardions ailleurs : incendies terribles dans l’Aude et l’on découvre la grave négligence des promesses non tenues sur les équipements avion et la baisse énorme du budget de la sécurité civile», a-t-elle souligné. Elle dénonce ainsi l’incapacité du gouvernement à répondre efficacement à des crises internes majeures, préférant se focaliser sur des tensions diplomatiques.

Mme Royal ne s’arrête pas là. Elle alerte également sur une «rentrée sociale à hauts risques» et l’absence de mesures concrètes pour prévenir une nouvelle explosion sociale dans un pays déjà fragilisé par des conflits sociaux persistants. L’ancienne ministre a également dénoncé, dans son message, la gestion des relations diplomatiques «avec un pays majeur de la région», accusant le président français d’avoir confié ce dossier à un ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, perçu comme nostalgique de la colonisation et qui incarne des «postures destructrices».

Pour Royal, cette gestion est d’autant plus problématique que Retailleau est un défenseur de la loi de Nicolas Sarkozy sur «les bienfaits de la colonisation», ce qui, selon elle, est incompatible avec les intérêts à long terme de la France. «Avoir confié les relations avec l’Algérie à quelqu’un qui défend ce type de loi, c’est une erreur fondamentale», insiste-t-elle. «On veut du sérieux, du maîtrisé et du respect et de la compétence. Et au sujet de l’Algérie, pour rétablir de bonnes relations, il faudrait se poser cette question : avoir confié les relations diplomatiques avec ce grand pays à un ministre de l’Intérieur nostalgique de la colonisation et qui a voté et défendu la loi indigne de Sarkozy sur ‘’les bienfaits de la colonisation’’, est-ce compatible avec les intérêts de la France, quand on sait que, par définition, aucune solution n’en sortira, que des postures destructrices», conclut Mme Royal dans son message.

Autre personnalité à s’insurger contre les mesures françaises : Jean-Luc Mélenchon, ancien ministre-délégué, ancien sénateur, ancien député national et européen et fondateur du parti La France Insoumise, a rédigé un billet, sur son blog personnel où il assure que «la stratégie du choc avec le gouvernement algérien ne mènera nulle part».

Jean-Luc Mélenchon, qui critique l’«agressivité» des gouvernants français à l’égard de l’Algérie a noté que cette agressivité «afflige, inquiète et désespère», estimant que «la stratégie du choc renouvelle les mirages lamentables du passé». «L’âge des colonies et de la suprématie européenne est fini, bien fini, et tant mieux», martèle-t-il, critiquant la politique du président français aussi bien à l’égard de l’Algérie que de l’Afrique dans sa globalité.
«Après avoir fait expulser la France de presque toute l’Afrique, Macron a décidé d’accompagner les provocations de son ministre de l’Intérieur [Bruno Retailleau] contre l’Algérie au moment où celui-ci fait la danse du ventre aux nostalgiques de la colonisation et aux arabophobes.»

Qualifiant les mesures énoncées par Emmanuel Macron de «tissu d’absurdités mutuellement désastreuses pour les deux pays et les deux peuples», il a assuré que «l’Algérie est le mirage mortel des rêves de puissance des impuissances politiques des dirigeants français depuis 1830». Mélenchon a précisé que «les objectifs fixés à travers l’occupation de l’Algérie, notamment celui de retrouver une gloire perdue, menèrent à un échec».

«La résistance des Algériens commença sitôt l’invasion. Et sous une forme ou sous une autre, elle ne se relâcha jamais jusqu’à l’indépendance de 1962», a-t-il mentionné. Dans les mesures énoncées par Macron, Mélenchon y voit un pari risqué pour l’État français car, affirme-t-il, «en poussant les Français au divorce avec le Maghreb, la Macronie commet une faute dont notre pays ne se relèvera pas aussi facilement que le croient ses élites gouvernementales obtuses et les divers lobbys à l’œuvre, chacun pour leur petite cuisine», concluant en martelant qu’il n’y a «pas d’avenir durable pour la France sans ou contre le Maghreb et ses peuples. Car si les indépendances ont mis fin aux divers avatars de la colonisation, fort heureusement, ils n’ont pas mis un terme à l’appétit que les peuples ont pour la fraternité mutuelle. Que cela plaise ou pas aux recroquevillés et rabougris de toutes les variétés politiques françaises, nos peuples sont familialement, culturellement, économiquement et spirituellement intriqués».

Ce n’est pas la première fois que Ségolène Royal et Jean-Luc Mélenchon dénoncent la politique du gouvernement français à l’encontre de l’Algérie. Ils figurent parmi une élite politique française lucide quant à la nécessité de relations d’égal à égal entre Paris et Alger, sans chantage, ni condescendance.

C’est le cas également de l’ancien Premier ministre et ancien ministre Dominique de Villepin qui n’a eu de cesse d’appeler à respecter l’Algérie et de prévenir contre les risques de l’engrenage et de la surenchère politique.

F. A.

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