
Dans cet entretien, Abdelkader Bouazara, directeur de l'Opéra d'Alger et commissaire du Festival culturel international de la musique symphonique, nous livre sa vision sur le rôle primordial de cet événement dans le rayonnement de la culture algérienne à l’échelle internationale. À travers cette rencontre, Bouazara revient sur les défis de l’organisation, les initiatives pour attirer un public jeune et les retombées diplomatiques de ce festival devenu un carrefour culturel incontournable.
El Moudjahid : Comment ce festival contribue-t-il au rayonnement de la culture algérienne sur la scène internationale ?
Abdelkader Bouazara : D’abord, permettre à des musiciens d’autres nationalités d’interpréter notre musique, c’est déjà une manière de l’internationaliser, de la faire vivre au-delà de nos frontières, de la faire devenir une musique universelle. Alger, en tant que capitale mondiale de la musique symphonique durant le festival, a offert à la majorité des artistes invités des œuvres de musique symphonique algérienne à interpréter. Et cela a été magnifiquement fait par des orchestres venus du Danemark, de Tunisie, du Venezuela, entre autres. C’est ainsi que de jeunes musiciens de talent, ont pu découvrir et jouer des œuvres algériennes dans un esprit symphonique universel. Beaucoup d’entre eux envisagent même de rejouer ces pièces dans les salles de concert de leur pays, ce qui est une grande fierté pour nous.
Quelles sont les initiatives mises en place pour attirer un public jeune ou nouveau vers la musique symphonique ?
C’est un travail de longue durée. Cela ne date pas d’hier, mais de près de 20 ans. À l’époque, de nombreux artistes étrangers ne connaissaient pas notre musique, ni même l’existence de notre grand orchestre symphonique national composé de musiciens algériens ayant suivi des études supérieures et membres à part entière de l’orchestre symphonique. Notre programmation couvre tout le territoire national, mais aussi l’international où nous faisons rayonner notre musique dans une forme symphonique. Tous les artistes étrangers invités deviennent des amis de l’orchestre, du conservatoire, de l’opéra. C’est ainsi que se tisse une amitié forte, inestimable, une richesse humaine immense.
Pensez-vous que la musique symphonique peut jouer un rôle dans la diplomatie culturelle algérienne ?
Oui, je crois sincèrement que la musique symphonique joue un rôle important dans la diplomatie culturelle algérienne. Lors de la conférence de presse, plusieurs ambassadeurs, certains présents depuis la création du festival en 2009, ont tenu à saluer notre démarche. Le corps diplomatique suit et soutient notre initiative en nous envoyant leurs meilleurs musiciens, reconnaissant ainsi Alger comme une véritable capitale mondiale de la musique symphonique. Comme le disait si joliment Jean-Paul Sartre : «La musique est une belle muette, mais dont les yeux parlent infiniment». L’Orchestre symphonique national, c’est aussi un ambassadeur culturel : non seulement il fait découvrir les grands classiques, mais aussi il valorise la richesse de notre patrimoine musical, comme le disait si bien le regretté Othmane Bali. Depuis une quinzaine d’années, nous faisons également appel à de grands musiciens étrangers pour les intégrer à l’orchestre, prouvant que la musique enchante l’humanité sans distinction d’origine. La musique est le seul langage universel compris par toute l’humanité. C’est grâce à elle que nous avons pu établir des ponts avec d’autres cultures. Un compositeur japonais, présent à Alger, l’a très bien exprimé : «Même si nos relations diplomatiques avec l’Algérie ne sont pas encore très développées, c’est grâce à ce festival et à la musique que nous avons pu créer des liens extraordinaires». Et c’est là l’une des grandes réussites du festival. Les musiciens tchèques également ont été marqués par notre capacité à décentraliser les activités du festival, une première.
Quels ont été les défis rencontrés dans l’organisation du festival et comment les avez-vous surmontés ?
Bien sûr, organiser un tel festival n’est pas sans difficulté. Mais «hamdoulillah», j’ai une équipe formidable. Et comme on dit, on ne change pas une équipe qui gagne. Je suis fier d’être le fondateur de ce festival et de pouvoir le porter, année après année grâce à l’unité des Algériens et au soutien des médias nationaux qui nous accompagnent depuis des années. C’est grâce à cette solidarité que nous avons pu bâtir de grands succès, tant avec l’orchestre de l’Opéra d’Alger qu’à travers un festival devenu aujourd’hui un carrefour culturel incontournable, réunissant jusqu’à 17 pays. Nous avons déjà atteint jusqu’à 23 à 25 pays lors de certaines éditions, ce qui est exceptionnel. Et nous parvenons à maintenir des soirées complètes, avec un public fidèle et mélomane, prêt à assister à tous les concerts, même à un prix symbolique de 800 DA.
M. K.