
Treize ans après la disparition d’Ahmed Ben Bella, premier Président de l’Algérie indépendante, la ville de Tlemcen a rendu un hommage appuyé à cette figure emblématique de la Révolution, à travers un colloque national mêlant mémoire, histoire et réflexion sur les enjeux contemporains. Un événement à la fois solennel et pédagogique, qui a mis en lumière l’héritage d’un homme dont le combat a dépassé les frontières de son pays.
Organisé sous le haut patronage du ministère des Moudjahidine et des Ayants droit, le colloque s’est tenu au musée régional de la Wilaya V, sur les hauteurs de Lalla Setti, autour du thème : «L’Algérie et les défis mondiaux… Manifestations de la Révolution de libération». Une manière d’inscrire le parcours de Ben Bella dans une perspective élargie, à la croisée des luttes nationales et des aspirations universelles à la liberté.
Dans son discours d’ouverture, le wali de Tlemcen, Youcef Bechlaoui, a salué une initiative «empreinte de fidélité envers une figure historique qui a tout sacrifié pour l’indépendance du pays». Pour lui, l’amour de l’Algérie, chez Ben Bella, n’était pas un slogan : il était conviction, engagement et sacrifice.
Ce rendez-vous mémoriel fut aussi, selon le wali, une opportunité, pour transmettre aux jeunes générations les valeurs de résistance, de dignité et d’unité, portées par les bâtisseurs de la nation. Une mémoire active, à même d’éclairer le présent et d’inspirer l’avenir.
Le colloque, organisé par la direction des moudjahidine, en coordination avec le musée régional du moudjahid, a réuni un large public : chercheurs, enseignants, étudiants, autorités locales et membres de la famille révolutionnaire.
Les communications scientifiques ont permis de revisiter plusieurs pans moins connus du parcours de Ben Bella. Le professeur Mostefa Nouisser (université d’Alger 2) est revenu sur les activités clandestines du leader entre janvier et octobre 1954. Celles-ci ont contribué à la fondation du Front de libération nationale (FLN), officialisée lors d’une réunion décisive avec le groupe de l’intérieur, le 25 septembre 1954. Grâce à ses déplacements discrets et à ses connexions internationales, Ben Bella a assuré un soutien logistique, financier et médiatique crucial à la cause algérienne. Le professeur Mohamed Haouas (université de Khemis Miliana) a rappelé l’engagement de Ben Bella au sein de l’Organisation spéciale (OS), embryon de l’action armée. Après l’indépendance, il a dû affronter les défis colossaux de l’édification de l’État. Visionnaire, il a notamment œuvré à inscrire la dimension africaine dans l’identité géopolitique de l’Algérie, à travers la Constitution de 1963, avant de contribuer à la création de l’Organisation de l’unité africaine en 1964.
Le professeur Ahmed Ben Daoud (université de Tlemcen) a, quant à lui, souligné la portée internationale de la Révolution algérienne, devenue un modèle pour les mouvements de libération en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Selon lui, l’Algérie a toujours envisagé le soutien aux peuples opprimés comme une continuité naturelle de l’esprit du 1er Novembre.
En marge du colloque, plusieurs hommages ont ponctué la journée : la réinhumation des restes du chahid Leska’a Hocine, au cimetière des martyrs de la commune de Hennaya, une visite de la bibliothèque offerte par Ben Bella à l’université Abou-Bakr-Belkaïd, rassemblant près de 8.000 ouvrages, ainsi qu’une halte au mémorial qui lui est dédié au centre-ville, et à une exposition photographique intitulée «Les amis de la Révolution algérienne à travers la figure de Ben Bella», mettant en lumière les liens qu’il a tissés avec les figures majeures du tiers-monde.
A. M.