
Par Ahmed Halli
Mercredi 20 janvier 2021 : l'historien français Benjamin Stora remet au Président Macron le rapport tant attendu sur la guerre d'Algérie, et la colonisation, rendu public, dans la même journée. Le rapport préconise un certain nombre de gestes symboliques, à faire du côté français, et susceptibles de mettre fin à la guerre des mémoires qui grève les relations entre les deux pays. On pourrait balayer le sujet d'un revers de main, en brandissant l'argument tranchant habituel : c'est un problème franco-français, ça les concerne, et nous n'avons rien à voir là-dedans. Facile ? Seulement, il y a deux éléments dans cet évènement qu'on ne peut pas laisser passer, parce qu'ils nous interpellent très directement, et ils nous heurtent d'une certaine manière. Stora est dans son rôle, et on ne peut lui faire grief d'agir en historien français missionné par le Président de la France, pour un travail bien précis, et il l'a livré à son commanditaire. Ce qui heurte, au premier chef, c'est le ton sec, voire cassant, et le choix des mots qui sont utilisés par l'Élysée, pour dire non aux Algériens : pas d'excuses, pas de repentance. Or, reconnaître le caractère inhumain de la colonisation était juste un prélude, faute de repentir, un acte qui appartient d'ailleurs au seul coupable, à des excuses, impératives en pareil cas.
Quant aux préconisations du rapport proprement dit, on se demande encore pourquoi on s'obstine en France à entretenir le mythe des Harkis, héros d'une guerre perdue, et victimes. Les Algériens qui ont souffert du zèle des Harkis, ou ont vécu dans la peur de leurs exactions, ne laisseront personne dire, et encore moins en France, que ces supplétifs ont été des victimes. Ils ont été, certes, mal récompensés en France de leur engagement aux côtés de la colonisation, mais l'Algérie n'a jamais organisé de pogroms contre eux ni pourchassé les plus sanguinaires. Il est de notoriété publique, en Algérie, et ailleurs, que les Harkis qui ont pris les armes contre leurs compatriotes, mais qui n'ont pas commis d'horreurs, ont pu revenir au pays, sans crainte. De même que leurs enfants ont pu bénéficier en Algérie, des mêmes droits et devoirs que leurs autres concitoyens, tout en ayant accès à des avantages, et pensions allouées à leurs pères. Mais le ver était déjà dans le fruit, sans doute, puisqu'aucune rencontre n'a eu lieu entre l'historien français, et son interlocuteur algérien, Abdelmadjid Chikhi, chargé du même travail, par le Président Tebboune.
Mercredi 20 janvier 2021 : le jour où Benjamin Stora remettait son rapport censé indiquer des pistes pour la «réconciliation des mémoires», entre la France, et l'Algérie, on parlait aussi d'Islam. Trois organisations, deux turques, et une fondamentaliste, plus proches que jamais, annonçaient qu'elles ne signeraient pas «la charte des principes» que Macron avait appelée de ses vœux. Après plusieurs jours de tractations, cinq fédérations affiliées au Conseil français du culte musulman (CFCM), dont la Grande mosquée de Paris, ont signé la charte, dimanche 17 janvier. En dépit de la satisfaction de l'Élysée, tempérée cependant, par un optimisme prudent des cinq signataires, les éditorialistes français ne se font guère d'illusions sur la durée de vie de cette charte. À l'appui de leur prévision pessimiste, ils observent que ce texte n'est qu'un ensemble de principes énoncés dans une charte qui n'a pas la force ni la contrainte d'un texte de loi. Or, les trois organisations qui ont refusé de signer ce texte, contestent déjà l'un de ses points les plus importants, à savoir la dénonciation de l'utilisation de l'Islam à des fins politiques. Cette troisième charte risque donc de finir aux oubliettes comme les deux précédentes, à moins que l'État n'impose son empreinte, et fasse revivre le célèbre slogan «Heureux comme Dieu en France». C'est ainsi que les Juifs d'Europe avaient salué en 1807 la décision de Napoléon 1er de mettre à la tête du judaïsme français un sanhédrin, chargé de faire respecter les règles de l'État. Avec l'Algérie, la partie semble déjà mal engagée pour Macron, mais ce sera encore plus dur avec l'Islam en France.
A. H.