
Au moment où la communauté internationale revendique les principes des droits humains, de justice et de souveraineté des peuples, la question sahraouie continue de hanter les consciences. Elle symbolise l’un des plus flagrants échecs du système onusien à clore définitivement le chapitre du colonialisme en Afrique.
Malgré les résolutions adoptées, les promesses non tenues et les mécanismes diplomatiques restés lettre morte, le Sahara occidental demeure sous occupation marocaine depuis un demi-siècle, en violation manifeste du droit international. Face à cette injustice prolongée, le peuple sahraoui n’a jamais fléchi : il oppose à l’oubli et à l’indifférence un attachement farouche à son droit à l’autodétermination, se dressant comme un exemple rare de résistance, de dignité et de constance.
Alors que les équilibres régionaux et les intérêts géopolitiques complexifient davantage le dossier, El Moudjahid a rencontré Son Excellence Khatri Addouh Khatri, ambassadeur de la République arabe sahraouie démocratique, afin d’éclairer les derniers développements de la cause, analyser la posture des Nations unies et évoquer les perspectives, les enjeux et les priorités de la diplomatie sahraouie dans cette phase critique du conflit.
El Moudjahid : Quelles sont les dernières évolutions de la question sahraouie sur la scène internationale ?
Khatri Addouh Khatri : La cause sahraouie reste, à tous les égards, une question de décolonisation, comme le stipulent le droit international et la Charte des Nations unies. Le peuple sahraoui dispose d’un droit inaliénable à l’autodétermination et le Sahara occidental figure toujours sur la liste des territoires non autonomes.
À la fin de cette année, l’occupation marocaine aura duré cinquante ans, marquant autant d’années de déni d’un droit fondamental dans un mépris flagrant de la légalité internationale. Malgré les tentatives d’imposer le fait accompli et une propagande soutenue, la question sahraouie demeure bien ancrée dans l’agenda international comme une cause juste, légitime et juridique. La République sahraouie est membre fondateur de l’Union africaine et le Front Polisario est toujours reconnu internationalement comme le seul représentant légitime du peuple sahraoui.
Comment évaluez-vous le rôle des Nations unies dans ce dossier ?
Malheureusement, le bilan des Nations unies au cours des dernières décennies est lourd d’inaction, malgré la clarté des bases juridiques. Un accord a été conclu en 1991 pour organiser un référendum d’autodétermination, mais il n’a jamais été mis en œuvre, en raison des entraves marocaines et de la complaisance silencieuse de certaines puissances influentes au sein du Conseil de sécurité. La mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) est toujours en place, mais sans mandat pour organiser ce référendum. Sa présence est donc purement symbolique, ce qui témoigne du refus de l’ONU d’activer les mécanismes juridiques dont elle dispose.
Quelle est la situation dans les camps de réfugiés sahraouis ?
Malgré un exil qui dure depuis un demi-siècle, le peuple sahraoui reste fermement attaché à ses droits et résolu à conquérir sa liberté. La vie dans les camps ne se résume pas à une attente passive. C’est un véritable modèle d’organisation politique et sociale. Les nouvelles générations portent haut le flambeau du combat, et les camps incarnent aujourd’hui la dignité et la résistance, en dépit de conditions humanitaires souvent très difficiles.
Comment jugez-vous la couverture médiatique arabe et internationale de la cause ?
Malheureusement, les médias arabes ne sont pas à la hauteur de l’enjeu, à l’exception notable de l’Algérie et de quelques voix libres au Liban, en Syrie, en Jordanie et en Tunisie. À l’inverse, nous avons constaté une évolution encourageante dans les médias internationaux, notamment en Europe, où le mur de propagande marocain commence à se fissurer. Le récit sahraoui gagne progressivement l’opinion publique mondiale.
Quel rôle joue la culture sahraouie dans la préservation de l’identité nationale ?
La culture sahraouie constitue l’épine dorsale de notre identité nationale. C’est notre bouclier face aux tentatives marocaines d’effacement culturel. Le peuple sahraoui a su préserver son patrimoine oral et matériel, affirmant ainsi qu’il est impossible à dissoudre dans le projet colonial.
Comment décririez-vous les relations entre l’Algérie et la République sahraouie ?
Nos relations avec l’Algérie sont enracinées dans l’histoire, fondées sur un combat commun contre le colonialisme. L’Algérie a toujours soutenu – et continue de soutenir – le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, en parfaite cohérence avec ses positions constantes en faveur de la justice et de la libération des peuples.
Quelles sont les priorités de la diplomatie sahraouie pour les mois à venir ?
Nous nous attachons principalement à dévoiler les manœuvres marocaines visant à imposer des solutions en dehors du cadre onusien, notamment ce qu’ils appellent «l’autonomie».
Nous travaillons à consolider l’État sahraoui en tant que réalité juridique et politique, tout en intensifiant les efforts pour mobiliser le soutien international en faveur d’un référendum libre et équitable, sous la supervision des Nations unies.
Quel message souhaitez-vous transmettre en cette période sensible ?
À notre peuple : votre résilience est la source de notre victoire. L’histoire prouve que les peuples ne sont jamais vaincus lorsqu’ils restent attachés à leurs droits. Et à la communauté internationale, nous disons : il est grand temps de mettre un terme à cette injustice historique et de permettre au peuple sahraoui d’exercer son droit légitime à la liberté et à l’indépendance.
C. H-M.