Regards : La France serait-elle à court d’idées ?

Par Ahmed Halli

Qui se souvient de ce slogan, jailli sans doute d'un cerveau formaté par des politiciens, convalescents de la décolonisation, mais toujours dangereusement contagieux, jugez-en :
«En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées». C'est le gouvernement cocorico de l'époque, ne citons pas de noms, la date 1976 suffit, qui avait placardé partout ce slogan, censé mobiliser les Français, après le «choc pétrolier». Nous sommes donc en 1976, et l'économie des pays riches, dont la France, habitués à un pétrole à coût moindre, avaient subi le contrecoup du renchérissement de leur énergie première. C'était au lendemain de la guerre d'octobre 1973, la 3e guerre israélo-arabe, terme couramment utilisé en Occident pour faire passer l'image du petit État juif, assiégé par les Arabes voisins. En réalité, les pays arabes n'étaient pas tous sur les champs de bataille, même si certains, comme l'Algérie, ses soldats, et le fameux chèque en blanc remis par Boumédiène à l'URSS. Les deux pays qui ont payé le prix fort, en termes de dommages de guerre, ont été l'Égypte et la Syrie, cette dernière ayant perdu beaucoup plus, et surtout une partie de son territoire. Avec l'arrêt inattendu de l'offensive terrestre égyptienne dans le Sinaï, décidé par Sadate, contre l'avis de son stratège, le général Saâdedine Chazli, Israël a pu ainsi occuper le Golan. En fait, la vraie guerre, celle qu'ont menée pour la première fois ensemble tous les pays arabes, a été celle où ils ont utilisé aussi pour la première fois leur meilleure arme, celle du pétrole. Ce choc pétrolier n'a paradoxalement pas touché les Etats-Unis, principal soutien d'Israël, qui avaient organisé un formidable pont aérien pour surarmer son allié et empêcher sa défaite. On oublie souvent, en effet, que les États-Unis sont autosuffisants en matière de pétrole, et qu'ils n’ont recours au pétrole saoudien que pour leurs besoins militaires dans la région. On peut imaginer que la France qui a tenté de rééquilibrer sa politique au Moyen-Orient et de se rapprocher des pays arabes ait pu ressentir une certaine injustice face au sort américain. Toutefois, ce slogan qui prétendait inciter les Français à économiser l'énergie en s'adressant à leur intelligence et en flattant leur ego, reprenait en termes sibyllins le message d'un Le Pen. L'ancien tortionnaire n'était pas le seul, il faut se remémorer les réactions des politiciens français de droite lorsque l'Algérie avait annoncé la nationalisation de son pétrole en février 1971. Du «pétrole rouge» pour qualifier le pétrole algérien, on est passé aux allusions un tantinet racistes du type «après tout, ce pétrole, c'est nous qui l'avons découvert, on le mérite».
Il y a aussi comme de la malveillance dans le message qui peut vouloir dire encore : «Oui, on n'a pas de pétrole, mais on est plus intelligents qu'eux, et on va se passer de leur pétrole». Bref, tout le foisonnement d'idées que devait déclencher ce slogan revigorant n'a pas abouti à faire baisser le prix des carburants à la pompe, même lorsque les cours du pétrole baissent. De même qu'on ne sait toujours pas si le passage à l'heure d'été, censé être la première idée forte de cet art de vivre sans pétrole, a réellement eu des effets bénéfiques sur la boîte à idées. A regarder la façon dont a été gérée la pandémie de coronavirus, on a l'impression qu'il s'agit d'une autre France, qui s'agite, hésite, tergiverse et prend de plus en plus de retard. Parce qu'on n'a pas eu l'idée de sévir dès le départ, en imposant d'abord un confinement strict, assorti de mesures dissuasives, dans un pays où on prend trop de libertés avec la liberté. Les retards s'accumulent, non seulement dans la vaccination où pour la première fois on convoque des septuagénaires au Stade de France pour le match de leur vie, mais aussi ailleurs. La gestion de l'Islam en France est toute aussi aléatoire, et des organisations défient ouvertement la République en refusant de signer la charte des principes de l'Islam de France. La Grande Mosquée de Paris l'a déjà signée avec quatre autres institutions, membres du CFCM, mais certaines associations membres défient ouvertement le gouvernement. C'est le cas de l'association qui gère la mosquée de Strasbourg, édifice en chantier, qui ambitionne d'être la plus grande d'Europe et qui aurait bénéficié en plus d'une subvention de la mairie de la ville. Quand un pays est à court d'idées, ceux qui ont une idée derrière la tête en profitent.
A. H.

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