Regards : Du racisme anti-algérien à l’islamophobie

Par Ahmed Halli

En France, il n'y a pas d'islamophobie manifeste, répressive, voire belliqueuse et agressive, toutes ces attitudes et postures que suggère ce mot, trop facilement brandi sont surexploitées. Durant des décennies, les Algériens ont effectivement souffert d'un certain racisme en France, qui n'avait rien à voir avec la religion, et rien à voir donc avec l'Islam, la religion des Algériens. Ce racisme anti- algérien, nous le devions surtout, et avant tout, aux haines et rancoeurs générées par l'indépendance de l'Algérie, vécue comme une perte par certains courants politiques. Le racisme en question n'était pas diffus ni espacé, mais il était présent et même pesant dans le quotidien des Algériens vivant en France, que ce soit au travail ou en ville. Ce racisme qu'on peut rattacher à une génération, celle des soldats tortionnaires de la guerre d'Algérie, incarnée par un Jean-Marie Le Pen, qui pousse au crime, a fait aussi des victimes (1). Le climat d'hostilité, entretenu et attisé par des nostalgiques de «l'Algérie française», sincères ou opportunistes, a connu son apogée avec la nationalisation du pétrole en février 1971. Toutefois, la relève des générations, aussi bien côté algérien que français, a produit son effet habituel sur les mentalités et évacué certaines nostalgies, heureusement non transmissibles. Mais il était dit que, d'une manière ou d'une autre, les Algériens n'échapperaient pas à la seconde vague, après avoir essuyé, non sans mal, la première, celle de l'après-indépendance. Sauf que dans la réalité, cette seconde vague n'a rien du tsunami raciste tel que décrit par certains journaux, c'est tout juste une vaguelette, voire une tempête dans un verre d'eau d'Evian (2). La vague d'islamophobie, sur laquelle surfent avec appétence la droite, une certaine gauche et les islamistes, réunis par la loi des extrêmes, n'est pas vraiment une lame de fond. S'il y a, en effet, une peur de ce qu'on ne connait pas, et l'Islam, le vrai, reste inconnu, d'où l'islamophobie, la peur de l'Islam, mariée à la xénophobie, est devenue détestation, haine et rejet. Il était donc fatal que cette peur-haine gagne en intensité avec les attentats qui ont frappé la France, et principalement ceux du 13 novembre 2015 à Paris qui étaient prévisibles, cependant. Deux ou trois ans auparavant, une certaine France, pour ne pas dire toute la France, s'extasiait devant ces jeunes «beurs» qui partaient faire le «djihad» en Syrie et pour éliminer Bachar. On avait juste oublié, ou feint d'oublier, que l'idéologie qui guerroyait en Syrie avait déjà mené la même guerre, sous une bannière identique, contre l'Algérie et contre les Algériens. Le «djihad» qui a détruit la Syrie, sans réussir à abattre son gouvernement, alors que c'était l'objectif déclaré des organisations terroristes engagées sur le terrain, est une arme à double tranchant. Le plus troublant est que ces «djihadistes» partaient semer la mort et la destruction en Syrie, avec des allers et retours fréquents, comme s'ils allaient en séjours de vacances par sessions. Ceux qui les envoyaient se battre en Syrie et se faire tuer, en tirant quelques glorioles, les ont vus revenir, vaincus, mais assoiffés de revanche et ayant fait surtout des émules. Les rescapés, les survivants, ont sans doute été quelque peu surpris de retrouver dans les rues et les stations de métro ces réfugiés syriens qu'ils ont poussés à l'exode et à la mendicité. Certains d'entre eux en ont fait une profession, et c'est un spectacle assez étrange que de voir certains arborant leurs pancartes «Famille syrienne», en français, et mendier en arabe. Si les voyageurs français qui les rencontrent tous les jours sont islamophobes, ils cachent bien leur jeu, car on ne voit aucun signe d'agacement et ils sont même les plus généreux. On pourrait penser que cette islamophobie, dont on parle tant, suscite l'inquiétude des musulmans, mais leur présence dans les commerces de sucreries, Ramadhan oblige, dit le contraire. S'il faut traquer l'islamophobie, il faut aller sur les plateaux de certaines chaînes d'information continue, où des animateurs et leurs invités, triés sur le volet, rejouent la scène de «La France a peur» (3). Ce n'est pas un hasard si les deux experts en diffusion et propagation de l'islamophobie sont nés en Algérie, trop tard pour rejoindre l'OAS, mais assez tôt pour crier au loup. L'influence des prophètes de malheur ne se limite pas au petit écran et s'étend jusque dans les travées des deux chambres où se mijote une loi sur le séparatisme, porteuse de sombres nuées. Marine Le Pen a toutes les raisons de se frotter les mains.

A. H.

1) Pour rappel le cinéma français a aussi contribué à dénoncer du racisme anti-algérien avec des films comme «Dupont la joie», d'Yves Boisset (1975), et «Train d'enfer» de Roger Hanin (1985).
2) Des internautes se disant musulmans ont crié à l'islamophobie en voyant une publicité pour l'eau d'Evian, au premier jour du Ramadhan. La firme s'est excusée et l'occasion était trop belle pour les prêcheurs de CNews.
£3) C'est avec cette phrase que le célèbre journaliste de TF1 a ouvert son JT de 20h, un 18 février 1976, au lendemain de l'arrestation du meurtrier d'un enfant de 7 ans.

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