
Le 16 décembre 1960, à 13 heures, le président du GPRA, Ferhat Abbas, lance un appel au peuple reproduit dans El Moudjahid N°75, du 19 décembre 1960 : «Algériens et Algériennes, qui avez affronté avec abnégation la fureur des ultras et de l’armée française, nous vous adressons l’expression émue de notre admiration ! (…) Frères et sœurs d’Algérie ! Vous avez écrit avec le sang de nos martyrs une page glorieuse de notre Histoire. En acceptant une mort héroïque, vous avez affirmé votre droit à la vie, vous avez gagné le droit à la dignité, vous avez mérité votre liberté. Quelle leçon aux imbéciles agités de la rue Michelet ! Quelle leçon aux apprentis fascistes et aux éternels racistes qui, sûrs de la police et de l’armée françaises, se livrent impunément depuis six ans aux lynchages et aux tueries des patriotes, de ceux qu’ils devraient respecter parce qu’ils sont dignes de respect. Enfin, quelle terrible leçon aux attardés de la «pacification», à ceux qui nourrissent encore l’illusion de séparer notre peuple de son armée et de son gouvernement. (…) Nous vivons un moment crucial de notre Histoire. Nous traversons de grandes épreuves. La bataille que vous venez d’engager à pris une grande ampleur. Le monde entier l’a enregistrée comme une éclatante victoire de notre lutte de libération nationale. Cette bataille doit maintenant prendre fin. Elle n’est pas la dernière. D’autres épreuves nous attendent».
Les manifestations du 11 décembre 1960 demeurent un symbole de la détermination du peuple à recouvrer sa liberté. Ce fut également une action fort significative et lourde de conséquences du soutien au Front de libération nationale (FLN) et à son aile politique et diplomatique, le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). La manifestation populaire est venue en réponse à la visite en Algérie du général De Gaulle, ressentie comme une vive provocation par les Algériens qui avaient, ce jour-là, répondu au mot d’ordre de grève générale lancé par le FLN. Des rassemblements populaires ont eu lieu sur les places publiques un peu partout en Algérie. À Alger, un regroupement populaire massif s’est formé sur la place du 1er-Mai et les manifestants, soudés et mobilisés derrière l’emblème national, ont commencé à marcher en scandant «Tahya Djazaïr !» Très vite, la manifestation gagnait dans tous les quartiers de la capitale. Devant l’ampleur de la mobilisation populaire, l’armée coloniale a tiré sur les manifestants, faisant des centaines de victimes.
L’impact à l’international était considérable
L’impact de ces manifestations a été considérable. D’une part, elles se sont soldées, le 19 décembre 1960, par l’adoption d’une résolution reconnaissant le droit des Algériens à l’autodétermination et à l’indépendance à l’Assemblée générale des Nations unies. D’autre part, elles marquent l’échec du «Plan Challe» destiné à détruire les groupes armés, en empêchant les ravitaillements depuis la Tunisie et en larguant du napalm sur les forêts pour tuer les combattants. En deux ans, ces opérations déciment la moitié des effectifs de l’Armée de libération nationale. Me Benbraham , avocate qui s’investit depuis des années pour dénoncer les crimes contre l’humanité perpétrés par la France coloniale, estime, sans conteste, que les manifestations du 11 décembre ont permis aux nations entières de se rendre compte de la gravité de la situation en Algérie.
A l’extérieur, la cause algérienne fut portée avec célérité à l’ONU. Le peuple algérien a su attirer sur lui le regard des autres peuples et des dirigeants de plusieurs pays, qui ont soutenu avec ferveur et fermeté sa lutte
Devoir de mémoire
Lorsque nous nous souvenons du dévouement et du sacrifice de nos chouhada, nous perpétuons l’importance de leur message, la liberté que ces hommes et ces femmes ont voulu gagner et préserver. Ils savaient que leurs braves actions changeraient le futur de leur pays, et pour cela nous sommes responsables de veiller à ce que leur rêve d’indépendance et leur loyauté ne s’oublient pas. Notre devoir aujourd’hui est de souligner le courage et le sacrifice de ceux et celles qui ont servi leur patrie. Nous reconnaissons également notre responsabilité à préserver leur mémoire et l’idéal pour lesquelles ils se sont battus et ont sacrifié leur vies.
En hommage aux chouhada Djilali Bounaâma, Bennaï Ahmed, Rouchai Boualem dit Si Zoubir, qui avaient supervisé et mené ces manifestations du 11 décembre 1960 et pour tous les autres martyrs qui ont tous laissé de côté leur individualisme, leurs intérêts personnels pour un projet unique et ô combien nationaliste ! Pour eux et pour la préservation de leur mémoire, nous devons tous lutter contre l’oubli.
Farida Larbi