
L’expert en géostratégie et questions internationales rappelle, dans cet entretien, que l’Algérie a payé un lourd tribut dans sa lutte héroïque contre le terrorisme, qu’elle a vaincu grâce à la mobilisation de son peuple et des institutions, à leur tête l’Armée nationale populaire, contrecarrant ainsi beaucoup de schémas déstabilisateurs.
Entretien réalisé par Nadia Kerraz
El Moudjahid : Le dernier rapport de l’Institut American enterprise a rendu hommage à l’Algérie et au combat qu’elle a mené contre le terrorisme. Votre avis sur cette reconnaissance ?
Makhlouf Sahel : Il faut rappeler que l’Algérie a souffert du fléau du terrorisme qu’elle a combattu seule avec ses propres moyens humains et matériels, tout en faisant face à un embargo tacite de la part de beaucoup de pays qui se vantaient d’être démocratiques. Elle a fait également face à une campagne tendancieuse et hypocrite de la part de certaines parties à l’extérieur qui n’arrêtaient pas de distiller des propagandes à tort, en répercutant à tout bout de champ le slogan «qui tue qui ?».
Je tenais à le souligner pour l’histoire et de rappeler que l’Algérie a payé un lourd tribut dans sa lutte héroïque contre le terrorisme, qui a été vaincu grâce à la mobilisation de son peuple et de ses institutions, à leur tête notre Armée nationale populaire ainsi que les autres forces de sécurité, sans oublier la mobilisation de tous les patriotes sincères. Ce faisant, elle a vaincu l’un des terrorismes les plus barbares, contrecarrant ainsi beaucoup de schémas déstabilisateurs imaginés à cette époque. C’est pourquoi nous pouvons dire avec fierté que l’Algérie est restée debout et qu’elle a été à l’avant-garde au niveau mondial dans la lutte antiterroriste.
Cette victoire contre le terrorisme n’est pas le fruit du hasard. Pouvez-vous rappeler pour nos lecteurs l’approche mise en œuvre pour y parvenir ?
Pour contrer le terrorisme, l’Algérie a développé une approche originale qui lui est propre en matière de lutte contre cette menace. Elle a eu recours, au préalable, à une stratégie nationale dans le but de combler le vide juridique. Dans ce sillage, le législateur algérien a adopté au cours de la première phase de cette stratégie des mécanismes exceptionnels et divers pour lutter contre le terrorisme, en décrétant l’état de siège par le biais du décret présidentiel n° 91-196 en date du 4 juin 1991, ensuite l’état d’urgence en vertu du décret présidentiel n° 92-44 du 9 février 1992. Il y a le décret-loi n° 92-03 du 30 septembre 1992 portant sur la lutte contre le terrorisme et le sabotage. Il a été modifié par le décret législatif n° 93-05 du 19 avril 1993, afin d’incriminer tout incitation ou financement d’actes terroristes par tous les moyens. L’arsenal juridique a été fortifié aussi grâce aux modifications qui ont touché à la fois le Code pénal et le Code de procédure pénale.
Il est juste de rappeler aussi que l’élection présidentielle de 1995 a eu un impact significatif dans le rétablissement de la stabilité institutionnelle de l’Algérie, ce qui lui a permis de développer son approche de lutte contre le terrorisme, en y incluant la dimension politique. Ce qui a été perceptible à travers le choix du législateur algérien d’adopter une législation incitative au repentir. Initialement, il y a eu la promulgation de la loi portant mesures de clémence (Errahma) en vertu de l’ordonnance n° 95-12 du 25 février 1995, suivie ensuite de la loi sur la concorde civile délivrée sous le n° 99-03 du 13 juillet 1999. La Charte pour la paix et la réconciliation nationale, émise conformément à l’ordonnance n° 05-01 du 14 août 2005, a renforcé l’arsenal juridique de la lutte antiterroriste. Cette politique de réconciliation a permis aussi à l’approche algérienne de devenir une référence, et constitue un modèle inspirant les autres nations qui font face à la sauvagerie terroriste. Cette lutte se fonde également sur le respect des droits de l’homme et la démocratie, sans oublier les dimensions économique et sociale qui occupent une position privilégiée dans la démarche initiée.
Et au niveau international ?
L’Algérie a été la première à faire appel à la communauté internationale pour criminaliser le paiement de rançons aux terroristes dans le but de libérer les otages, car la lutte contre le terrorisme ne peut être achevée sans être associée à la criminalisation du paiement de rançons aux ravisseurs qui sont aussi des terroristes dans le monde entier. Et parce que le terrorisme et l’extrémisme violent n’ont pas de frontières et n’ont pas de pays, l’approche de l’Algérie a toujours été basée également sur le principe de renforcement de la coordination et de la coopération internationale et régionale.
La parade militaire du 5 juillet dernier a, en quelque sorte, rassuré les Algériens qui ont pu découvrir leur armée et les moyens mis à sa disposition. Peut-on dire aujourd’hui que le niveau de professionnalisme et d’équipement est tel que l’armée algérienne n’a plus rien à envier aux armées les plus modernes dans le monde ?
La parade était, à mon sens, un évènement qui a démontré encore une fois la grandeur et la haute importance de notre armée nationale dans l’échiquier institutionnel du pays. On a vu une parade avec une organisation extraordinaire qui nous permet de dire que notre armée n’a rien à envier aux plus grandes armées à travers le monde. D’autre part, quand on voit le potentiel matériel qui a été mis en évidence lors de cette parade, cela vient confirmer le niveau de développement acquis par notre Armée nationale populaire qui s’est fait progressivement depuis l’indépendance à ce jour. Par ailleurs, cette parade a retenu l’attention du peuple algérien dans toutes ses composantes, confirmant ainsi les liens forts qui existent entre le peuple et son armée. De ce fait, il est important de rappeler une vérité historique, que l’ANP est la digne héritière de l’ALN qui était elle-même adossée au peuple avec lequel elle avait durant la révolution des liens très forts, ce qui lui a permis de vaincre et d’acquérir l’indépendance du pays. Cette dimension populaire caractérise notre armée nationale. Comparativement à beaucoup d’armées régulières dans le monde, notre armée est différente par rapport à cette caractéristique qui consiste à démontrer ces liens forts. Il suffit de voir la composante humaine de l’ANP qui reflète toutes les couches de notre société. Cela constitue à mon sens un point fort que l’on doit comptabiliser au profit de notre armée. Par ailleurs, les capacités matérielles et humaines qui ont été développées durant des années sont en adéquation avec le potentiel de notre pays. Elles sont aussi en adéquation avec notre grande histoire. Car, il est tout à fait normal qu’un pays aussi important que l’Algérie de par sa situation géographique et géopolitique, un pays qui peut avoir de l’influence sur plusieurs espaces géopolitiques, notamment en Afrique, au Maghreb, en Méditerranée, dans le monde arabe et dans le monde en général, est en droit d’avoir une armée développée et organisée, prête à faire face à tous les défis et menaces et auxquels peut faire face le pays.
N. K.