
«Six recours pour non constitutionnalisation des lois ont été déposés par la Cour suprême au niveau du Conseil constitutionnel depuis l’avènement de la nouvelle Constitution. On a statué sur trois recours, les trois autres sont actuellement en instance», a révélé hier le président du conseil constitutionnel, Kamel Fenniche, invité du forum d’El Moudjahid.
Le président du Conseil constitutionnel a évoqué, dans ce sens, la question de la saisine de la Cour constitutionnelle, une procédure à laquelle peuvent recourir les instances dûment habilitées, président de la République, président du Conseil de la nation, président de l'Assemblée populaire nationale, Premier ministre ou chef du gouvernement selon le cas, à l'effet d'interpréter les dispositions constitutionnelles, ce qui évitera au pays des crises potentielles qui peuvent découler d'une ambiguïté ou d’une mauvaise interprétation. Concernant la tenue des prochaines élections locales, le 27 novembre, notre invité affirme que l’accompagnement et le contrôle de ces communales se feront par l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), seule instance habilitée à encadrer ce scrutin. Toutefois, le président du conseil s'est félicité de l'ouverture du débat en vue de réviser le code communal appelé, lui aussi, à se conformer à la nouvelle Constitution. Cette révision se fera dans l’ambition «d'accompagner les garanties et mécanismes liés au renforcement du rôle de la société civile et à la consécration des principes de décentralisation prévus dans la nouvelle Constitution par des pratiques administratives souples afin de promouvoir la démocratie participative», dira M. Fenniche. «Il faudrait aussi redessiner la mission et le rôle des communes dans le nouveau contexte politique.»
La Cour constitutionnelle garantira la stabilité des institutions
Notre invité est longuement revenu, par ailleurs, sur «les changements profonds opérés dans le pays après l’amendement de la Constitution « qui a jeté les bases de l'Algérie nouvelle». Parmi les aspects de ce changement, il a cité «le remplacement du Conseil constitutionnel par une Cour constitutionnelle jouissant de plus larges prérogatives l'habilitant à garantir la stabilité des institutions et à mettre le pays à l'abri d'éventuelles crises». Kamel Fenniche a affirmé que «la Cour constitutionnelle prévue dans la Constitution de novembre 2020 jouira de plus larges prérogatives, notamment celle d'intervenir dans le débat politique pour le règlement de contentieux opposant les institutions constitutionnelles».
«Loin de se limiter à un simple changement d’appellation, la transformation du conseil en Cour constitutionnelle comporte d’importantes implications. Les conséquences de cette transformation se manifestent tant au niveau de la position institutionnelle de la cour qu’au niveau de l’étendue de ses attributions», nous dira le président du Conseil constitutionnel. Une précision de taille qui met en avant l'aspect hautement juridique et indépendant de la Cour constitutionnelle par rapport au Conseil constitutionnel. «Une différence qui s'articule essentiellement autour de la composante de la Cour constitutionnelle, contrairement à celle du conseil, du fait qu'hormis les quatre membres sur 12 désignés par le président de la République, les autres membres de la Cour seront élus par le Conseil d'Etat ou par la Cour suprême. Une indépendance qui lui confère la capacité d'intervenir pour remédier aux déséquilibres qui découlent des représentativités des différents pouvoirs au sein de l'Etat et celle de faire respecter le principe de séparation». M. Fenniche précisera, par ailleurs, qu’«au-delà de ce rôle d'une grande importance, la Cour constitutionnelle est appelée à assurer une mission de contrôle et de respect des textes contenus dans la nouvelle Constitution, notamment les ouvertures faites à l'égard des jeunes, des femmes et au respect des libertés et des droits et des changements profonds, qui font de la nouvelle Loi fondamentale, l'assise sur laquelle seront concrétisées les attentes du peuple. C'est donc une mission également pour l'instauration de la démocratie et de la justice sociale, pour la Cour constitutionnelle, qui se distingue du conseil par sa capacité à intervenir en tant qu'entité de contrôle pouvant être saisie par les différentes institutions politiques».
Un ancrage approfondi de la démocratie
Cette nouvelle institution, poursuit notre invité, permettra d’acter la moralisation de la vie publique avant de rappeler que cela «constitue l’un des piliers du projet de société que propose le chef de l’État».
Sur la mission de contrôle de cette cour, M. Fenniche dira que «le contrôle a priori est la condition principale pour la promotion de la transparence, la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance».
De quelle manière faire de cette Cour constitutionnelle une institution repère, une balise en laquelle le citoyen peut avoir confiance ? M. Fenniche assure que depuis qu’il est à la tête du Conseil constitutionnel, l’instance essaye de mieux communiquer, de s’ouvrir aux citoyens, notamment aux jeunes, afin de vulgariser la culture constitutionnelle, «l’une des missions essentielles du Conseil» qui «n'est pas moins importante que ses missions de contrôle».
En matière de coopération internationale, le président du conseil révélera que l’Algérie participe de manière effective à plusieurs rencontres internationales sur les aspects juridique et constitutionnel.
Il se dit satisfait de «la coopération avec le PNUD depuis 2018, notamment en terme d'assistance des services du Conseil constitutionnel pour leur permettre d'accomplir pleinement les missions dont ils sont investis, en statuant sur l'inconstitutionnalité».
M. Fenniche estime que ces rencontres sont une occasion pour évaluer les différentes pratiques en matière de justice constitutionnelle. «Elles permettront aussi de poser un regard scientifique et critique sur les pratiques diverses des instances judiciaires constitutionnelles.»
Farida Larbi