
L’Algérie est bien outillée juridiquement, dans le cadre de la lutte, la prévention et le financement du terrorisme. La législation a été adaptée à l’évolution de ces fléaux, ont relevé, hier à Alger, des magistrats spécialisés et des cadres de différentes institutions, experts en la matière.
Une journée d’étude sur «la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent» a été organisée par la cour d’Alger, en partenariat avec la Banque d’Algérie, la Cellule de traitement du renseignement financier relatif à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (CTRF) et le Centre national du registre du commerce, en présence de juges, d’avocats, d’enseignants universitaires et de chercheurs. Dans l’allocution d’ouverture, la présidente de la cour d’Alger, Douniazed Guellati, a assuré, que la législation dédiée à combattre ces deux fléaux «a été mise à jour et adaptée aux conventions et accords internationaux ratifiés par l’Algérie». Elle a mis en avant, les efforts consentis par l’État dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Feuille de route
La juge a cité, entre autres, l’amendement de la loi 23/01, estimant que c’est «un grand tournant dans le cadre juridique algérien». Elle a précisé que «cette loi a consolidé l’adaptation de la législation nationale avec les normes internationales, notamment les recommandations du groupe de travail (GAFI), par l’élargissement du champ de l’incrimination, l’aggravation des peines, le renforcement des mécanismes de contrôle, l’alerte, l’investigation et la confiscation». Aussi, cette loi a donné, selon l’interlocutrice, de larges prérogatives à la CTRF «permettant de hisser le niveau de coordination entre les pouvoirs judiciaires et les instances financières et de contrôle». Le rôle central de la justice a été mis en exergue. «Il ne se limite pas à la poursuite et à la condamnation des auteurs de ces crimes, mais tend également à l’instauration d’une culture juridique spécialisée, qui répond aux développements croissants de la criminalité financière, par la formation continue, l’échange des expériences et la consécration de la spécialité judiciaire», a-t-elle relevé. Tout en soulignant que «les crimes financiers, notamment le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, constituent l’un des graves défis, eu égard à leur répercussions», Mme Guellati a cité «la menace directe sur l’économie nationale, l’intégrité des transactions, l’instauration de la loi et la sécurité des personnes et des sociétés». La présidente de la cour d’Alger a plaidé pour «une approche globale pour lutter contre ce crime complexe», qui constitue une feuille de route, basée «sur la complémentarité entre la justice, le contrôle financier, la législation, l’investigation et l’analyse financière, la qualité et la formation», précisant que cette journée d’étude s’inscrit en droite ligne avec cette journée scientifique. De ce fait, elle a affirmé, que la lutte contre ces deux fléaux «est un défi national global, d’où la nécessité de la mobilisation de tous les intervenants que sont les secteurs financiers, les organismes de contrôle et la société civile dans le cadre d’une approche multidimensionnelle basée sur la coordination institutionnelle, une législation efficace et une justice indépendance. En ce sens, elle a salué la coopération avec la CTRF, la Banque d’Algérie et le ministère du Commerce «dans le renforcement des mécanismes de vigilance financière et la détection des transactions suspectes, ainsi que le renforcement des outils de contrôle sur les plans national et international.
Pour une coordination plus large
Enfin, Mme Guellati a réitéré l’engagement de la cour d’Alger à «accompagner ce processus, par le renforcement des capacités de la justice, et à assurer un environnement adéquat, pour l’exercice des missions dans la lutte contre les crimes financiers avec un haut degré de vigilance et professionnalisme», a-t-elle conclu. De son côté, le procureur général près la cour d’Alger, Mohamed El-Kamel Benboudiaf, a mis en exergue «les grands pas réalisés par l’Algérie dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent». Dans son allocution, le PG a cité «la création d’une commission nationale de la coordination des efforts dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme». Il a également mis l’accent sur la promotion de la coopération judiciaire à travers la conclusion de mémorandums d’entente avec des pays africains et européens, ainsi que la participation à des mécanismes internationaux, dont Egmont Group.
N. B.
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Dans toutes les affaires criminelles : Plaidoyer pour une enquête financière parallèle
Le doyen des juges d’instruction près le pôle pénal économique et financier, Abdelmoumen Mouissi, est revenu, dans son intervention, sur la loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, marquée par l’introduction de «l’enquête financière parallèle», qui «est l’un des amendements phares de cette loi». «Le législateur algérien s’est employé à réformer le système juridique, en adéquation avec les traités et les accords ratifiés, et ce, pour consolider la protection effective de l’économie nationale et des institutions financières contre les risques de ces crimes dangereux», a-t-il affirmé, tout en précisant que les derniers ajustements, apportés à la loi n° 05-01 relative à la prévention et la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, visent à «suivre les évolutions de ces crimes à travers la lutte et la prévention précoce». Le juge d’instruction a affirmé que l’article 2 de la loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme stipule la désignation d’«une enquête financière engagée, parallèlement et simultanément, à toute enquête pénale sur des affaires de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme ou de financement de la prolifération d’armes de destruction massive. Mouissi a expliqué, que «l’enquête financière parallèle permet l’arrestation des personnes qui menacent la sécurité nationale et de déterminer l’étendue des réseaux criminels, ainsi que le suivi et la détection des fonds des terroristes». Le juge instructeur a recommandé «la généralisation des enquêtes financières parallèles dans tous les crimes dans lesquels on constate l’enrichissement des accusés et suspects ou un transfert illicite de fonds vers l’étranger» . Aussi, il a insisté sur l’EFP, lors de l’enquête préliminaire supervisée par le parquet, avant le transfert du dossier au juge d’instruction, afin de collecter un grand nombre de preuves.
N. B.
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Omar Djaâboub, directeur central au CNRC : «Il n’y a pas de sociétés fictives»
Le représentant du Centre national du registre et du commerce (CNRC), Omar Djaâboub , directeur central, a évoqué, dans son intervention, le décret exécutif daté de novembre 2023, qui oblige toutes les sociétés algériennes à déclarer l’identité de leurs bénéficiaires effectifs. Une mesure visant le renforcement de la transparence financière, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Ainsi, le nombre des personnes morales ayant procédé aux déclarations en tant que bénéficiaires effectifs est estimé à 176.760 personnes morales concernées par la déclaration, soit 51% contre 86.238 personnes morales déclarées en tant que bénéficiaires effectives, soit 49%, a-t-il fait savoir. De ce fait, il a nié la présence de sociétés fictives.
B. N.
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CTRF : 3 000 déclarations de soupçon établies annuellement
La Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) reçoit annuellement une moyenne de 3.000 déclarations de soupçon, a indiqué le président de la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF), Mohamed Saoudia, en réponse à une question d’El Moudjahid. Dans une déclaration à la presse, en marge de la journée scientifique, Saoudia a relevé l’importance de cette rencontre importante, qui se tient dans un contexte particulier marqué par une évaluation du système blanchiment d’argent, à l’instar de plusieurs pays. Il a précisé, que l’Algérie «œuvre actuellement à renforcer son système national de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en adéquation avec les 40 recommandations du Groupe Egmont de cellules de renseignement financier composé de 177 pays». Le responsable a indiqué, en ce sens, que notre pays opte pour l’anticipation, en prévision d’une évaluation en 2029, « qui sera plus rigoureuse», a-t-il fait savoir . Ainsi, la révision de la loi n°05-01 «est en cours». Cette loi prévoit des échanges d'informations entre les cellules de renseignement financier et les banques centrales, et dans le cadre de la coopération judiciaire. «La CTRF dispose d’une banque de données. Les dossiers sont transmis à la justice et certains nécessitant des enquêtes complémentaires, sont transmis aux services de sécurité». Les déclarations ne sont pas uniquement recueillies auprès des institutions financières, mais sont étendues aux avocats, notaires et comptables, a-t-il indiqué. S’agissant de la coopération internationale, il a affirmé que la CTRF coordonne avec tous les membres du Groupe Egmont «avec la Turquie, la Suisse, la France, entre autres», a-t-il détaillé.
N. B.