Lutte contre le cyberterrorisme : formation spécialisée pour les magistrats

La formation spécialisée des magistrats pour une meilleure réponse de la justice au cyberterrorisme s’impose. Dans cette optique, des juges participeront, les 26 et 27 janvier, à un atelier régional (Webinaire) sur la lutte contre l’utilisation d’internet et les réseaux sociaux à des fins terroristes, et la collecte internationale des preuves numériques.

Deux magistrats du parquet et de l’instruction judiciaire prendront part à cet atelier organisé par l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) dans le cadre du projet dédié au renforcement des capacités des pays de d’Afrique du Nord et du Sahel au recensement des besoins de chacun.
Cet atelier vise à présenter les pratiques internationales et régionales liées à la lutte contre l’utilisation d’internet à des fins terroristes et les mesures juridiques préventives. Cette formation permettra l’échange d’expériences et la détermination des défis opérationnels notamment les investigations dans les affaires de terrorisme et les instruments de collecte des preuves électroniques, de la part des opérateurs de services multinationaux dans le cadre des enquêtes transfrontaliers sur le crime organisé et le terrorisme.
Les participants vont procéder à l’évaluation de la première session de formation organisée à Dakar les 17 et 19 juillet 2019, ainsi qu’à l’élaboration de la première phase de ce projet programmée dans une année. L'objet de cet atelier est de former les magistrats algériens aux standards internationaux, notamment en ce qui concerne la cybercriminalité et la collecte de la preuve numérique, et de créer une équipe de magistrats formateurs.
La formation spécialisée des juges permettra aussi de garantir le droit à un procès équitable. Elle est le cheval de bataille du ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati. «Le traitement récent de grands dossiers de corruption a montré l’existence de difficultés. Les juges ont fourni beaucoup d’efforts pour prendre en charge ces dossiers. C’était pénible pour eux, il fallait solliciter de l’expertise. Aussi, devons-nous revoir la question de la formation des magistrats, la spécialisation des juges est inévitable», avait-il affirmé.
La formation spécialisée doit répondre aux nouvelles menaces sécuritaires. L’utilisation d’Internet à des fins terroristes est un phénomène en plein essor. Le traitement de cette nouvelle forme de criminalité suscite un intérêt tant au niveau criminologique que juridique et les enquêtes sont très complexes. L’internet constitue un outil privilégié des organisations terroristes notamment pour la diffusion de la propagande qui comprend également des séquences vidéo d’actes violents ou des jeux qui simulent des actes de terrorisme et encouragent l’utilisateur à endosser le rôle de terroriste virtuel selon une étude de l’ONUDC. Outre le recrutement des terroristes, l’internet peut également, à travers les messages électroniques, permettre aux terroristes de communiquer entre eux et préparer ou perpétrer des attaques telles que celles de Daesch, Qaïda et Aqmi.
Il convient de noter que l’Algérie est déjà dotée de dispositifs de surveillance et d’interception sur le plan préventif ainsi que de moyens de répression de ces techniques de recrutement de terroriste par des cyber-policiers et cyber-gendarmes. En 2020, les services de police des wilayas du Centre ont traité 2026 affaires qui se sont soldées par l’arrestation de 1.514 cyber-délinquants. Le taux de résolution de ces affaires a atteint 62,38%.

Recrutements sur la Toile

En janvier 2015, une importante cellule de recrutement d’étudiants, potentiels terroristes avait été démantelée à Tlemcen par des cyber-gendarmes. Composée de 27 éléments, cette structure envoyait les étudiants enrôlés en Syrie en passant par la Turquie. D’autres recrues étaient destinées à rejoindre les camps d’AQMI. Les investigations poussées ont démontré que cette cellule avaient des liens directs avec des recruteurs de Daech basés en Turquie et en Syrie. A travers des messages codés postés sur les réseaux sociaux, les étudiants algériens membres de la cellule de Tlemcen échangeaient des informations avec des agents de recrutement turcs, syriens et d’autres nationalités. Des discussions instantanées via «vidéo Messenger» ont été échangées entre plusieurs parties. En 2019, dans cette même wilaya, les services de sécurité ont neutralisé un groupe de soutien à Daech composé de quatre personnes originaires de Maghnia, Ghazaouet et Tlemcen.
Très actif sur Internet et les réseaux sociaux avec des chefs de Daech en Irak et en Syrie, il vantait les avantages d'intégrer les rangs de l'organisation terroriste.
Yury Fedotov, directeur exécutif de l’ONUDC a affirmé dans une étude analytique que «Le terrorisme, dans toutes ses manifestations, nous concerne tous. L’utilisation d’Internet à des fins terroristes fait fi des frontières nationales, ce qui amplifie ses effets potentiels sur les victimes».
Le ministère de la Justice a programmé à cet effet plusieurs formations notamment dans le domaine de la cybercriminalité. Dans le cadre du Programme européen de lutte contre la cybercriminalité, l’organisation internationale de la police criminelle avec le bureau européen de la lutte contre la cybercriminalité à travers le projet de prolongation du travail mondial relatif à la cybercriminalité (GALAXY), a organisé un atelier online sur «l’autorité de la justice pénale et les fournisseurs de services multinationaux : le renforcement de la coopération entre les secteurs public et privé en matière de cyberspace». Cet atelier qui s’est tenu le 30 septembre dernier au profit de 10 magistrats a été animé par des experts du Conseil de l’Europe, Interpol, l’Etat du Chili, l’entreprise Facebook, la société américaine Cloudflare (fournisseur d’internet et sécurisation des données sur le web) et le groupe de travail chargé de la lutte contre la fraude sur internet (APWG). «Cette formation avait pour but de présenter les meilleures pratiques de coopération entre les organes de la justice pénale et les opérateurs de services, en matière d’enquêtes liées à la cybercriminalité, ainsi que l’évaluation des enjeux juridique, organisationnel, technique et culturel entre les secteurs public et privé».
Neila Benrahal

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