Le ministre des finances devant le Conseil de la nation : Le PLF-2021 vise la diversification des ressources

Les débats autour du projet de loi de finances pour 2021 se sont poursuivis, hier, au Conseil de la nation, en séance plénière.
Une séance marquée par une série de remarques et de critiques ciblant certaines dispositions du texte.

Tout en saluant les efforts déployés par le gouvernement pour contenir les effets de la crise, dans ses dimensions économique et sanitaire, les sénateurs qui se sont relayés à la tribune du Sénat ont été unanimes sur le fait que ces actions demeurent insuffisantes face à l’ampleur des dégâts générés par les répercussions de la pandémie de Covid-19, sur l’ensemble de l’activité économique. Aussi, les intervenants ont fait part de leurs préoccupations par rapport à la complexité de la situation que traverse le pays pour souligner la nécessité d’une vision économique anticipative basée sur la diversification des ressources, une plus grande justice dans la répartition des richesses, et une exploitation optimale des richesses naturelles au service du développement du pays. En fait, les différentes réformes mises en place par les pouvoirs publics n’ont pas opéré la transformation de notre modèle de croissance. En conséquence, il est temps et urgent de préparer la phase de l’après-pétrole, ont indiqué les sénateurs qui ont plaidé, d’autre part, pour la révision de la politique et une réorientation des transferts sociaux sur la base d’une cartographie ciblant les catégories devant bénéficier du soutien de l’Etat. Les sénateurs ont également insisté sur la nécessité d’accélérer le programme des énergies renouvelables dans le but de rationaliser la consommation de l’énergie et aller vers la transition énergétique préconisée, et à plus de soutien au secteur de l’agriculture. A ce titre, la question a été posée sur les causes du grand retard enregistré dans la concrétisation de ce projet lancé depuis une dizaine d’années. Dans ce même contexte, a été posée la problématique de l’électrification rurale au profit des agriculteurs, une préoccupation soulevée par les sénateurs. La numérisation de l’économie, notamment l’administration fiscale, l’amélioration du climat des affaires, la lutte contre les pratiques bureaucratiques qui pénalisent les investisseurs, l’amélioration des prestations sanitaires, la relance des projets d’intérêt général, l’amélioration de l’approvisionnement en eau potable, et du réseau AEP dans les zones situées à l’intérieur du pays, la création d’opportunité d’emploi pour les jeunes, l’augmentation du SNMG, ou encore le lancement de programmes de logements pour les populations des régions les moins nanties, la création de ports secs, et d’autres zones d’activités, au profit de la wilaya de Biskra, notamment, qui souffre de la contraction de l’activité économique locale, ainsi que la relance du projet de la raffinerie et la consolidation du secteur sanitaire au niveau de cette région du pays ont figuré parmi les préoccupations soulevées lors de la séance consacrée au débat sur le PLF 2021. On retient également au cours des différentes interventions, des interrogations sur l’absence de statistiques précises concernant le dossier d’assainissement des comptes spéciaux, le manque de visibilité des textes régissant ces comptes, et la faiblesse des instruments de recouvrement de la fiscalité ordinaire et des moyens de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Les sénateurs ont d’autre part demandé des éclairages par rapport à certaines prévisions, notamment en ce qui concerne la croissance du produit interne brut (PIB), jugée irrationnelle, et sur la démarche à suivre pour combler le déficit budgétaire.

Priorité aux projets structurants et à rentabilité  économique

Dans sa réponse aux questions des sénateurs, le ministre des Finances a d’emblée précisé que le PLF 2021 vise à maîtriser les équilibres financiers de l’Etat dans un contexte difficile et délicat. Dans cette optique, a indiqué Aymen Benabderrahmane, le cadrage budgétaire tend à mettre œuvre d'un plan d'action conforme aux objectifs de l’Etat pour la dynamisation et la relance de l’économie nationale. Aussi, le PLF 2021 a pour objectif de concourir à la diversification des sources de financement et le recours au marché financier pour la couverture des besoins en développement à travers notamment la redynamisation de la Bourse d'Alger, la promotion du rôle des banques dans l'accompagnement et le soutien de l'investissement et des entreprises, l'ouverture du capital des banques publiques, l'ouverture de nouvelles banques privées, la promotion de la finance islamique, et le recours au partenariat public/privé (PPP) devant avoir un retour sur investissement à moyen terme, a affirmé le ministre des Finances. Les PPP, a-t-il expliqué, visent la création et la gestion des structures publiques à travers les financements du secteur privé contre les revenus d'exploitation. A ce titre, il rappellera que son département planche sur la préparation d'un projet de loi devant régir ce mécanisme et définir les modalités de son fonctionnement. Le PLF a pour objectif aussi, ajoutera le Premier argentier du pays, l’encouragement des IDE à travers l’annulation de la règle 49/51%, la facilitation de l’accès au foncier, et l’octroi d’avantages fiscaux. Le projet de loi de finances 2021, a-t-il ajouté, vise également à poursuivre l’action des pouvoirs publics en matière de soutien aux entreprises et autres agents économiques affectés par la crise sanitaire de même qu’il consacre le caractère social de l’Etat à travers le soutien du pouvoir d’achat des citoyens ce qui nécessite la mobilisation de ressources supplémentaires en dépit de la particularité du contexte. Une démarche qui prévoit aussi, ajoutera le ministre, une réforme du secteur financier appelé à s’adapter aux défis de la phase à venir. Dans sa lancée, il rappellera que les recettes de l’Etat, au titre du PLF 2021, enregistrent une contraction importante du fait du recul de la fiscalité ordinaire et pétrolière. Une situation qui a poussé les pouvoirs publics à prendre une série de dispositions destinées à maîtriser les grands équilibres des finances publiques. Il rappellera, d’autre part, que les dispositions prises à ce niveau visent à accélérer le processus de numérisation du secteur financier, en général, et l’administration, en particulier, pour leur adaptation aux conditions de relance économique avec la poursuite de la rationalisation des dépenses publiques, l’allègement du poids du déficit budgétaire, la réduction de la facture des importations et leur remplacement progressif par le produit national. Le PLF 2021, a souligné le ministre, est adapté aux projections du gouvernement à travers l’amélioration du climat des affaires et la mise en place des conditions nécessaires à l’émergence des PME, des TPE et des startups en tant qu’éléments de création de richesses et d’emplois. Aussi, a-t-il tenu à préciser que le PLF 2021 est une traduction juridique et législative du programme du gouvernement qui est aussi celui du Président de la République, et que par conséquent il n’est pas sensée de charger le texte de tout un programme ambitieux basé sur le renouveau économique. Au titre du déficit budgétaire, le ministre des Finances a insisté sur le fait que les dépenses de fonctionnement sont incompressibles et sont justifiées par l’importance des transferts sociaux qui contribuent à la préservation du pouvoir d’achat des citoyens, la mobilisation de crédits supplémentaires destinées à la prise en charge des opérations d’intégration des travailleurs dans le cadre des différents dispositifs d’emplois, les dépenses induites de l’exemption de la taxe sur l’IRG pour les salaires inférieurs à 30.000 DA, et les dépenses générées par la prise en charge des effets de la crise sanitaire. Concernant le chapitre des équipements, le ministre des Finances a souligné, que la priorité va aux projets générateurs d’emplois et qui contribuent à la relance de l’économie.

Recours aux mécanismes de la politique monétaire

«La commande publique est le moteur de l’économie et le restera, sur le moyen terme, en attendant de trouver de nouvelles sources pour le financement de l’économie et des programmes d’équipements», dira-t-il dans ce sens. D’autre part, et en ce qui concerne le déficit budgétaire, y compris celui de la CNR, le ministre a fait savoir qu’il sera financé à travers le recours aux mécanismes de la politique monétaire. Il sera question d’utiliser une partie des réserves constituées par la Banque centrale et de placement d’une partie des fonds propres de la Banque d’Algérie en bons du Trésor, conformément à l’article 53 de l’ordonnance n° 03-11 relative à la monnaie et au crédit. Parallèlement à ces mécanismes, il s’agira de la dynamisation du marché des bons du Trésor, à travers le rachat d’importants crédits bancaires communs, et le refinancement des bons du Trésor émis en contrepartie du rachat de ces crédits bancaires communs. Cette opération de refinancement requiert, a-t-il souligné, l’adaptation du règlement de la Banque d’Algérie au contexte économique et financier actuel, ce qui devra garantir la liquidité nécessaire au profit des banques pour financer l’économie, et permettre au Trésor de drainer une grande part de cette liquidité, dans le cadre de l’activité ordinaire du marché des valeurs du Trésor. Une démarche qui, ajoutera le ministre, devra alléger la pression sur le budget de l’Etat et les finances publiques. Sur un autre registre, le PLF 2021 vise une exploitation rationnelle et efficiente des finances publiques, à améliorer les recettes de l’Etat par l’optimisation de la fiscalité, et veille à une programmation et une gestion des projets publics selon les critères d’efficience et de rentabilité sachant, a-t-il indiqué que le gouvernement œuvre à la stabilité des fondements de l'économie et à la relance économique, un projection de croissance de 4% étant retenue pour 2021, grâce à l’utilisation étudiée et rationnelle des ressources financières existantes et au lancement d'investissement structurants et créateurs de richesses et d'emplois, assurant à ce sujet que les procédures liées à plusieurs grands projets sont en phase de parachèvement, dont le port d'El Hamdania, le complexe de zinc à Bejaia et le complexe de phosphate dans l'est du pays. Aussi, il a été décidé de sursoir à la programmation de projets sauf ceux à caractère stratégique et prioritaire dans le cadre de la rationalisation des dépenses. A ce titre, le ministre a déclaré que la priorité sera accordée aux entreprises nationales. Dans le sillage de ses réponses, le ministre des Finances a fait état de la poursuite des efforts pour contenir le marché informel, assurer la disponibilité des produits alimentaires, et la stabilité des prix des produits de base et de large consommation. A la question relative à la réforme du système des transferts sociaux, il rappellera que le gouvernement a entamé en 2016 une étude avec le concours de l’assistance technique de la Banque mondiale pour l’élaboration d’une cartographie des catégories devant être ciblées par les aides de l’Etat. «C’est une opération complexe et sensible au plan social et économique», admet le ministre qui exige une certaine méthodologie pour une réforme globale de ce système. Aussi, l’agence qui sera mise en place à cet effet, sous l’égide du ministère des Finances, devra poursuivre le programme portant ciblage des ménages devant bénéficier du soutien direct de l’Etat, a affirmé le ministre, rappelant que le montant des transferts sociaux au titre de l’exercice 2021 a atteint 1.930 milliards de dinars soit une augmentation de 81,8 milliards de dinars par rapport à l’année 2020. Sur un autre plan, le ministre a expliqué que la fermeture des comptes spéciaux obéit aux nouvelles orientations en matière de conduite budgétaire.
A rappeler que le vote du PLF 2021 est prévu ce jeudi, en séance plénière.
D. Akila

 

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