
De Paris : Fatiha Issa
Le fondateur de l’État algérien contemporain, l’Émir Abdelkader, qui s’est vaillamment dressé contre l’occupation française pendant dix-sept ans, est également célébré comme un humaniste au comportement exemplaire, mais aussi comme un grand savant.
C’est ainsi que les membres de la communauté nationale établie en France se souviennent de lui, lors de la journée mémorielle organisée, au Château d’Amboise, par le Cercle Émir Abdelkader, à l’occasion du 141e anniversaire de la disparition du grand résistant algérien, sous le slogan «Sur les traces de l’Émir Abdelkader : un legs spirituel et humaniste».
Un accueil solennel a été réservé aux participants par Lionel Chisson, adjoint à la culture et au patrimoine de la ville d’Amboise. «Je suis très heureux de vous accueillir pour cette journée, au Château d’Amboise, sur les traces de l’Émir Abdelkader, sous l’égide de la paix, de la rencontre des peuples et de l’amitié franco-algérienne», a-t-il déclaré.
La visite guidée a été conjointement organisée par l’association Givors Mémoire et le Cercle Émir Abdelkader, en partenariat avec Riwaya Travel. RafikTemghari, président du Cercle Émir Abdelkader, a souligné l’importance de cet événement, en déclarant : «Cet événement, dédié à l’Émir Abdelkader, a pour objectif de mettre en lumière le rôle crucial de l’Émir dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, offrant ainsi un éclairage unique sur une période charnière de notre histoire.»
La connaissance de l’histoire pour construire une identité
Pour Mme Salima Nehaoua, enseignante et commissaire aux questions mémorielles, colonisation et guerre d’Algérie, «l’histoire commune France-Algérie est très importante pour nous, enfants d’immigrés algériens. Quand on ne connaît pas son histoire, il est difficile de se construire une identité. Nous voulons montrer que nous sommes dans la continuité de l’enseignement de l’Émir, un homme qui, tout en ayant combattu la France, a marqué son époque par sa sagesse et son humanisme.»
Bakhta Maïche, élue franco-algérienne, a rendu un hommage appuyé à l’Émir Abdelkader : «Il reste un symbole d’apaisement entre l’Algérie et la France», a-t-elle soutenu.
Héritage spirituel, humaniste et restitution historique
La conférence, animée par l’éminent islamologue, le Dr Boumediene Ben Yahia, a été un moment fort de la journée. Il a mis en exergue l’héritage spirituel de l’Émir Abdelkader : «Bénédictions à l’Émir Abdelkader, le saint parmi les princes et le prince parmi les saints.» Les intervenants ont mis en avant la conscience révolutionnaire et la résistante de l’Émir, insistant sur la nécessité de préserver et de transmettre cette mémoire aux générations futures. La journée a été marquée par une visite guidée de l’ancienne résidence royale qui surplombe la Loire, assurée par M. Marc Metay, directeur du célèbre château construit au XVe siècle. En arpentant les allées du château, les visiteurs ont été invités à réfléchir sur les notions de courage, de dignité et de résistance incarnés par le père du nationalisme algérien. Ils ont également médité sur le sens de l’engagement et sur la nécessité de se battre pour ses idéaux, tout en préservant la mémoire collective. Hakima Bédouani, journaliste, a mis l’accent sur l’importance de l’héritage de l’Émir Abdelkader : «L’histoire de l’Émir Abdelkader nous rappelle que l’héritage du passé est précieux et qu’il appartient à chacun de le préserver et de le transmettre aux générations futures.» De son côté, Nahla, citoyenne niçoise active dans la préservation de la mémoire nationale, a précisé : «En rendant hommage à l’Émir Abdelkader, cette visite nous invite à nous interroger sur la portée universelle de son combat et sur la responsabilité qui incombe à chacun de contribuer à un monde plus juste et équitable.» Les participants ont eu l’occasion de plonger dans l’intimité de cet homme emblématique, symbole de la lutte pour la justice et la liberté, et de comprendre les enjeux politiques et sociaux de son époque. Au-delà de l’aspect historique, cette journée a été une expérience riche en enseignements, laissant une empreinte durable dans l’esprit et le cœur des visiteurs.
Sofiane Lesage, fondateur de Riwaya Travel, a affirmé : «Le combat de l’Émir Abdelkader pour notre liberté et notre dignité résonne encore aujourd’hui et continue d’inspirer de nombreuses personnes à travers le monde.»
Réconciliation et mémoire commune
Une stèle rendant hommage à l’Émir Abdelkader, héros de la lutte contre la conquête française en Algérie, a été installée, à l’occasion de la commémoration du 60e anniversaire de l’indépendance, sur les bords de la Loire à Amboise, sur recommandation de l’historien Benjamin Stora. Ce geste symbolique constitue une pierre à l’édifice de la réconciliation des mémoires franco-algériennes. Lors des cinquièmes rencontres de la commission mixte algéro-française sur l’histoire et la mémoire, tenues à Alger les 22 et 23 mai 2024, la liste des biens historiques proposés à la restitution par les historiens algériens, dirigés par M. Mohamed Lahcen Zeghidi, comprenait, en majorité, des objet ayant appartenu à l’Émir Abdelkader. Parmi ces biens, on trouve la tente de commandement, le sabre, le fusil, le pistolet, la bague, le Coran, et le chapelet, répartis entre le Musée de l’Armée, aux Invalides, et le Musée de Condé, à Chantilly. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a toujours affirmé le souci ferme de traiter les dossiers de l’Histoire et de la mémoire «sans complaisances, ni compromissions». En suivant les traces de l’Émir Abdelkader, ce parcours mémoriel, non seulement, enrichit la compréhension de l’histoire, mais renforce également les liens entre les peuples, unissant leurs souvenirs dans une quête commune de justice, de dignité et de paix. La commémoration de l’Émir Abdelkader au Château d’Amboise a été une journée marquante, non seulement pour honorer un héros national, mais aussi pour réfléchir aux valeurs universelles qu’il incarnait. Son héritage spirituel et humaniste continue d’inspirer et de guider les générations actuelles et futures, dans une quête perpétuelle de liberté et de justice.
F. I.