«L’absence de solutions durables ne fait que reproduire les mêmes crises sous des formes plus graves et plus dangereuses», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines, M. Ahmed Attaf.
Le ministre d’Etat a appelé les Africains à poursuivre leur mobilisation «afin de mettre fin à la marginalisation de l’Afrique dans les instances où se prennent les décisions internationales». «Que cette édition du Processus d’Oran soit l’occasion de renouveler nos engagements de redoubler d’efforts pour élaborer des solutions africaines aux maux africains», a affirmé M. Attaf dans une allocution qu’il a prononcée à l’ouverture, hier à Alger, de la 12e session du Séminaire de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique dit Processus d’Oran. Le ministre d’Etat a également appelé à continuer de «plaider d’une seule voix pour les priorités de l’Afrique au Conseil de sécurité et dans tous les forums multilatéraux».
Les nombreuses crises qui secouent le continent africain démontrent, selon lui, que «l’absence de solutions durables ne fait que reproduire les mêmes crises sous des formes plus graves et plus dangereuses». Soulignant la grande attention que le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, accorde à ce processus en veillant avec un soin particulier à en assurer la pérennité et le renforcement, M. Attaf a estimé que «la force de l’Afrique réside en elle-même». Le ministre d’Etat a poursuivi en affirmant que le continent africain a plus que jamais besoin de «renforcer son rôle diplomatique» et de «raviver sa tradition diplomatique».
Une tradition, fondée sur un dialogue constructif et une présence active dans les foyers de crise, qui a, selon lui, démontré son efficacité. Pour M. Attaf, il s’agit-là d’ «une responsabilité collective et partagée entre tous les États membres et les communautés économiques régionales concernées», en coopération avec l’Union africaine. «Le groupe africain au Conseil de sécurité des Nations unies ne saurait être qu’un soutien, un relais et une amplification de cet effort africain authentique au niveau international», a-t-il soutenu.
Evoquant la conjoncture internationale actuelle marquée notamment par «la polarisation, les divisions et les conflits», il a considéré qu’elle constitue bien une menace pour les acquis les plus précieux de l’humanité depuis les débuts de son histoire», tels que le droit international, le multilatéralisme et l’ONU comme phare du droit, de la justice et de la légalité et comme espace commun de dialogue, de rapprochement et de règlement des différends. M.Attaf a enchaîné en relevant «le recul du rôle diplomatique continental», considérant que «la faible attention africaine portée à nos propres zones de tension a été un facteur déterminant de leur marginalisation dans l’agenda multilatéral international». Il a ajouté que «la rareté des initiatives africaines pour résoudre les conflits a ouvert un large espace aux interventions extérieures». Le ministre d’Etat a cité quelques conflits qui sont, aujourd’hui, loin des regards de la communauté internationale, à l’instar de la guerre au Soudan, de la crise en Libye et du dossier du Sahara occidental, dernière colonie d’Afrique, et de la situation dans la région sahélo-saharienne qui a dépassé tous les seuils de crise sur les plans sécuritaire, politique et économique, sans qu’aucune initiative significative émerge.
M. Attaf a également évoqué la situation dans la région des Grands Lacs et dans la Corne de l’Afrique. Le ministre a cependant assuré que douze années après le lancement du Processus d’Oran, des avancées remarquables ont été accomplies, notamment en termes d’unification de la voix africaine et de renforcement de son impact dans le cadre multilatéral international. Il a exprimé ainsi sa fierté de voir le Processus d’Oran «devenir un rendez-vous continental régulier, établi de manière formelle à l’agenda de notre Union africaine et de son vénérable Conseil de paix et de sécurité». Il a également mis en avant le fait que «les trois pays africains au Conseil de sécurité forment désormais un bloc unique, uni et reconnu, doté d’une identité affirmée et de positions solides et cohérentes». Il a aussi fait remarquer que grâce à ce processus, l’Afrique parle désormais d’ «une seule voix unifiée ; la voix du continent africain dans son ensemble».
M. Attaf a estimé que «ces trois acquis n’auraient pu être réalisés sans l’engagement de tous les États africains et leur adhésion aux objectifs du Processus d’Oran», qu’il a remercié dans ce sillage. Au Conseil de sécurité, il a enfin affirmé que l’Algérie, en tant que membre non permanent au Conseil de sécurité pour 2024-2025, a formé, avec la Somalie et la Sierra Leone, «un bloc cohérent qui exprime des positions africaines, chaque fois que les questions de paix et de sécurité en Afrique étaient en jeu».
M. A. O.
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Le président de la Commission de l’Union Africaine, Mahmoud Ali Youssouf : «les A3 +, un trait d’union face au chancellement de l’ONU»
«L’Afrique doit être maîtresse de son agenda de paix», a martelé Mahmoud Ali Youssouf, président de la commission de l’Union africaine, dans l’allocution qu’il a prononcée à l’ouverture, hier, de la 12e session du séminaire de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique-Processus d'Oran. Placé sous le signe de l’unité et de l’efficacité, ce rendez-vous a réuni plusieurs ministres africains, des diplomates, des hauts représentants de l’Union africaine. Des travaux d’une durée de deux jours visant comme objectif phare le renforcement de la synergie entre le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine (CPS) et le groupe des membres africains non-permanents au Conseil de sécurité des Nations unies, connu sous le nom d’A3+. Ce séminaire de haut niveau a surtout permis de mettre en relief l’impératif de l’action commune et la nécessité de l’unité des Etats africains. Le président de la commission de l’UA a affirmé que l’organisation africaine compte «utiliser toutes les plateformes disponibles pour faire entendre la voix de l’Afrique». Sur sa lancée, il précisera que «le dispositif de A3+ représente bien plus qu'un mécanisme de coordination», dans la mesure, a-t-il argué, où il constitue le noyau du multilatéralisme africain.
«Ce dispositif établit un pont unique entre l'ordre international et notre architecture continentale. Au vu du chancellement du consensus fondateur des Nations unies, les A3+ jouent un rôle de trait d'union», a-t-il insisté. Mahmoud Ali Youssouf a estimé qu’ «au milieu des rivalités des puissances, les A3+ permettent de préserver l'esprit du multilatéralisme, de défendre les principes de la Charte des Nations unies et de garantir que la voix de l'Afrique ne soit pas marginalisée dans les débats internationaux». Selon lui, cette position stratégique exige une coordination maximale entre l’UA et l’ONU.
«L'unité de position n'est pas un choix politique, c'est un impératif stratégique. Là où l'Afrique parle d'une seule voix, elle influence les décisions, là où elle se divise, elle s'efface», a encore insisté le président de la Commission de l’UA. Il a alerté ensuite sur la multiplication des coups d’État militaires en Afrique et appelé à une position ferme face à ces changements anticonstitutionnels de gouvernement. Il a également mis en garde contre l’expansion inquiétante du terrorisme, du Sahel à la Corne de l’Afrique, du bassin du Tchad au Mozambique, appelant le Conseil de sécurité à assumer pleinement ses responsabilités. Le président de la Commission de l’UA ne manquera pas de dénoncer la hausse des ingérences étrangères qui compliquent les crises africaines, rappelant que les solutions doivent rester africaines et respectueuses de la souveraineté des États.
K. A.
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Téte Antonio, ministre angolais des Relations extérieures : «A3 : une structure cohérente dans les débats internationaux»
Dans son allocution, le ministre angolais des Relations extérieures, Téte Antonio, dont le pays préside le Conseil exécutif de l’UA, a tenu à rendre un vibrant hommage à l’ Algérie qui a offert aux participants du séminaire de «revenir là où tout a commencé», en référence aux premiers jalons du processus A3. Téte Antonio a mis l’accent sur la force du groupe A3, laquelle repose, a-t-il indiqué, «sur la continuité d’une coordination étroite avec les structures de l’Union africaine, en particulier le Conseil de paix et de sécurité».
Il a mis en avant, en outre, un contexte international où «l’inaction, parfois remarquée du Conseil de sécurité de l’ONU, ralentit les réponses nécessaires aux multiples crises, et provoque une paralysie qui affecte directement la gestion des conflits en Afrique», «du Soudan à la Libye, du Sahel à l’Est de la République démocratique du Congo» a-t-il illustré. «Nous assistons de plus en plus au retour des vieilles pratiques, celle du recours aux méthodes anticonstitutionnelles à travers des coups d’État militaires», a-t-il déploré. Et de poursuivre : «Nous assistons à une montée en puissance des actions violentes de groupes armés terroristes extrémistes qui constituent une grave menace à la stabilité politique et aux institutions démocratiques».
Face à ce constat, il a insisté sur le fait que «ces actions violentes nécessitent des réponses urgentes et immédiates à travers la coopération en matière d’échange d’informations entre les pays africains». Il relèvera, par ailleurs, que sous la présidence de l’Angola à la tête de la Conférence de l’Union africaine, plusieurs initiatives diplomatiques majeures ont été engagées pour promouvoir des solutions négociées aux crises et aux tensions persistantes. De l’avis de ce haut responsable de l’UA, «l’année 2026 ouvrira une période charnière pour la représentation africaine au Conseil de sécurité, avec l’entrée de la République démocratique du Congo et du Liberia au sein du groupe A3, aux côtés de la Somalie».
Téte Antonio a formulé, en outre, plusieurs propositions destinées à accroître l’efficacité et l’influence de l’A3 au Conseil de sécurité. Il a recommandé enfin l’intensification de la coopération avec des partenaires stratégiques tels que le Groupe arabe et l’Iran pour soutenir les efforts de médiation.
K. A.