L’amphithéâtre Abdelaziz-Ouabdesslem de l’École nationale polytechnique s’est avéré, hier, trop étroit pour accueillir les nombreux étudiants venus assister à la journée académique animée par le professeur émérite Chemseddine Chitour.
Un engouement qui illustre l’intérêt croissant de la jeunesse pour les enjeux liés à la transition énergétique du pays. Lors de cette conférence consacrée aux atouts de l’électricité verte et de l’hydrogène vert pour l’émergence de l’Algérie, le Pr Chitour a souligné l’urgence de lancer le passage à l’hydrogène vert, évoquant une fenêtre d’opportunité d’ici 2030. Il a rappelé que le modèle énergétique national impose d’atteindre les 50 % d’énergies renouvelables d’ici 2035 afin d’atteindre, à l’horizon 2050, la neutralité carbone et une électrification totale des usages, de la production de chaleur à l’industrie et à la mobilité. Le conférencier a dressé un état des lieux des réalisations en cours, insistant sur le rôle des centrales photovoltaïques. Il a présenté notamment le projet de 2.000 MW porté par Sonelgaz, comprenant quinze centrales solaires réparties sur douze wilayas. À cela s’ajoute le projet Schams Solar, visant 1.000 MW grâce à des installations dans cinq wilayas. Selon les estimations, la mise en service de ces centrales pourrait générer environ 1,4 milliard de mètres cubes d’énergie, contribuant au financement du plan solaire national. Une fois amorties, ces infrastructures permettront d’exploiter une énergie propre, gratuite et durable, véritable levier de développement. Le Pr Chitour a mis en lumière la richesse exceptionnelle du gisement solaire algérien, l’un des plus importants au monde, en termes d’intensité et de superficie. Mais il a également insisté sur un autre chantier majeur : « faire reverdir notre Sahara ». Il a rappelé que cette région constitue un écosystème vivant doté d’une population, d’une flore et, surtout, d’une ressource fondamentale : l’eau, grâce à sa vaste nappe phréatique. Cette richesse pourrait transformer le Sahara en « Eldorado » si elle est accompagnée d’un aménagement territorial approprié, de la création de nouvelles villes le long des axes Nord-Sud et de la mobilisation de milliers de jeunes pour ce projet de « reconquête écologique ».
« L’exploitation intelligente du Sud nous permettra de créer de la richesse, d’occuper cet espace et de sortir du tout fossile, surtout si nous produisons des produits manufacturés à forte valeur ajoutée ». Pour se faire, il a proposé d’inspirer ces travaux du service national, « véritable matrice du nationalisme des jeunes capables de reverdir le Sahara, de s’attaquer aux changements climatiques et de porter une stratégie énergétique ambitieuse», a-t-il mis en exergue. Selon lui, cette approche permettra à l’Algérie de tirer profit de ses ressources et de léguer un héritage durable aux générations futures. Le Pr Chitour a rappelé que la transition énergétique nécessite un investissement massif dans la formation. Et c’est dans ce sens qu’il a insisté sur la nécessité de former, dès leur jeune âge, des éco-citoyens, ainsi qu’un nombre croissant d’ingénieurs capables d’accompagner les transformations à venir. Pour lui, il est essentiel de miser sur l’élite, tant en qualité qu’en quantité, et de former des formateurs de très haut niveau.
Par ailleurs, et convaincu que l’électricité renouvelable constituera la colonne vertébrale de la consommation énergétique future, il a insisté sur la diversification de l’économie énergétique au-delà du pétrole : production de biocarburants, produits pétrochimiques, hydrogène vert et ammoniac à forte valeur ajoutée. Pour accélérer le développement durable, il faut accélérer la transition vers « une économie bas carbone » et en harmonie avec les écosystèmes naturels. Le professeur a rappelé que le plus grand gisement énergétique reste celui des économies d’énergie, du recyclage et de la prolongation de la durée de vie des produits.
S. G.