
Ex-président du Centre opérationnel au ministère de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, politologue et expert en questions géopolitique, sécuritaire et de l'immigration, Hassen Kacimi affirme que la protection des gestionnaires doit «absolument passer par la dépénalisation de l’acte de gestion», et cela par la mise en place, «rapidement, d’un cadre juridique adéquat qui mettrait le gestionnaire à l’abri des turbulences informelles et des interférences politiques».
Entretien réalisé par Soraya Guemmouri
El Moudjahid : Le président de la République a évoqué le durcissement de la lutte contre la corruption, de même qu'il a mis en exergue l'importance de la dépénalisation du délit de gestion...
Hassen Kacimi : La lutte contre la corruption est un des dossiers les plus lourds et qui impacte nécessairement le reste de l’action du gouvernement. C’est un des critères les plus importants devant hisser la gouvernance de notre pays à des standards internationaux. En fait, la lutte contre la corruption constitue le premier test important pour le passage vers l’Etat de droit. Mais on doit absolument souligner que cette entreprise est périlleuse, si on considère que l’argent sale dispose de plusieurs ressorts illicites qui vont tenter de faire avorter la volonté du président de la République d’ aller vers l’Etat de droit. L’Algérie a déjà mis en place le dispositif législatif et le cadre institutionnel et organisationnel pour mettre à niveau les mécanismes de lutte contre ce fléau et qui menace les fondements même de l’Etat, sa sécurité et sa stabilité. Si on veut garantir le maximum de transparence dans la gestion de ce dossier, il y a lieu d’accorder une attention particulière au volet de la formation et de la ressource humaine.
Concrètement, comment doit-on procéder pour garantir la protection des cadres gestionnaires ?
La pénalisation de l’acte de gestion en Algérie renvoie à un épisode très douloureux qui a ouvert la voie à la décapitation d’une génération de gestionnaires, laquelle génération a fait les frais d’une gouvernance extralégale qui a détruit durablement des pans entiers du secteur public industriel. La protection des gestionnaires doit absolument passer par la dépénalisation de l’acte de gestion et cela, par la mise en place, rapidement, d’un cadre juridique adéquat qui mettrait le gestionnaire à l’abri des turbulences informelles et des interférences politiques.
Quel serait l'impact de la décision de protection sur l'économie nationale ?
La dépénalisation de l’acte de gestion doit avoir pour conséquence la protection des cadres gestionnaires et la libération des énergies et des initiatives, indispensables au développement et à la croissance. Le gestionnaire est un acteur économique qui ne peut s’investir durablement que s’il jouit d’une protection juridique optimale. La dépénalisation de l’acte de gestionnaire ne doit en aucun cas être interprétée comme un blanc-seing ou une atténuation de la responsabilité en matière de gestion.
Un nouveau texte de loi relatif à l'investissement est attendu prochainement. Votre point de vue sur la question ?
Le dossier de l’investissement a connu un retard notable résultant d’une gestion passée et anachronique du foncier industriel. Lequel foncier a été squatté par des acteurs spéculateurs véreux, qui l’ont investi pour mieux le détourner de sa véritable vocation. Le foncier industriel constitue le volet le plus important, devant porter très haut le développement et la croissance de notre pays. La mise en place du nouveau cadre législatif ne doit pas tarder et il doit être promulgué sous le sceau de l’urgence, pour pouvoir faire face aux défis immédiats et futurs, en matière d’emploi et de résorption du chômage. Toutefois, la mise en place de ce nouveau cadre juridique ne suffira pas parce que les pouvoirs publics doivent mener, de manière concomitante, la viabilisation des zones industrielles et des zones d’activités, qui sont dans un piètre état. Ce sont là les urgences que nous devons traiter si l'on veut coller à l’esprit et à la lettre des instructions du président de la République qui a promis de mettre en place des évaluations permanentes pour éviter que son programme d’action ne soit compromis par une bureaucratie étouffante et déstabilisante.
S. G.