Forum de la mémoire d’El Moudjahid - Journalistes algériens morts au Vietnam en 1974 : Les martyrs du devoir d’informer

Ph. T. Rouabah
Ph. T. Rouabah

Cela s’est passé dans la matinée du 8 mars 1974, quand l’avion a décollé de l’aéroport international de Hanoi en direction d’un aéroport militaire, à quelques dizaines de kilomètres de la capitale, dans le district de Soc Son.

Quinze journalistes, des cameramen et des techniciens représentant la délégation accompagnant le président de la République, Houari Boumediene, au cours de sa tournée en Asie, sont tous morts. Neuf journalistes vietnamiens, outre l’équipage, ont également perdu la vie.
Le drame frappa ainsi l’Algérie et le Vietnam et endeuilla l’ensemble de la corporation des médias.
Cette tragédie a été relatée, non sans émotion et déférence, par des journalistes et autres cadres du secteur des médias, lors du forum organisé, hier, par notre quotidien El Moudjahid et l’association Machaâl Echahid.
Ce fut non seulement une halte du souvenir, mais aussi une occasion de raffermir les relations d’amitié, de coopération entre deux pays, deux peuples, que beaucoup de choses unissent. Mohamed Bouazara, ancien journaliste, est revenu sur ce drame qu’il a vécu avec beaucoup d’affliction, un jour fatidique qui s’est soldé par la mort de compagnons, d’amis et de collègues, a-t-il dit.
Ce jour était brumeux et la vue presque inexistante. L’avion qui les transportait est tombé dans des marécages. Il n’y eut aucun survivant.
Ces journalistes étaient loin de se douter de ce que leur réservait le destin, alors qu’ils s’apprêtaient à retourner au pays et vivre la joie des retrouvailles. Ils étaient loin de se rendre compte qu’ils seraient rapatriés dans des cercueils et inhumés en terre natale.
Cinquante années se sont écoulées depuis leur triste disparition, eux qui se sont singularisés par leur professionnalisme, leur moralité et bonnes mœurs.
Il n’y a rien de plus éprouvant, a-t-il avoué, que l’annonce de la disparition d’un ami, mort dans des circonstances aussi douloureuses, alors qu’il était encore à la fleur de l’âge, dans la plénitude de ses compétences.
Cette mort nous a privés d’un groupe de journalistes auxquels nous rattachait la noble mission d’informer à une époque pleine d’espoir, de militantisme, fortement imprégnés des valeurs de Novembre. C’était l’époque où de grandes ambitions furent assignées à l’Algérie.
Le conférencier a déclaré que le drame s’est produit à la fin de la tournée asiatique du président Boumediene, entamée le 22 février à Lahore, au Pakistan, puis en Chine populaire, en Corée du Nord, pour s’achever au Vietnam, ce pays qui a vaincu, sous le commandement du général Giap, l’armada militaire américaine.
Pour cet invité, le périple s’était déroulé dans un climat où le rôle de l’Algérie, sous la conduite de Houari Boumediene, se distinguait par des coups d’éclat, des positions qui ne laissaient pas indifférent le monde occidental. Et pour cause.
Le Président algérien fut l’un des initiateurs et défenseurs d’un nouvel ordre économique international, dont l’objectif était de mettre fin aux injustices d’un développement inégal, savamment orchestré par les pays riches et au service exclusif de leurs intérêts.
L’organisation du Mouvement des pays non alignés qui s’est tenue à Alger, en 1973, a constitué une étape importante dans l’affermissement de notre pays en tant que puissant soutien et partisan des peuples en lutte contre le colonialisme et pour leur affranchissement de tout diktat quelle que soit sa nature. Ce Mouvement était conduit par de prestigieuses figures révolutionnaires telles que Josip Bros Tito, Zulfikhar Ali Bhutto, Houari Boumediene et le roi Fayçal d’Arabie saoudite. Le journaliste Mohamed Melaika, qui devait prendre le même avion avant d’être remplacé par un collègue, est revenu sur les faits et leur effet sur la famille de la presse, choquée par la nouvelle du décès de leurs collègues. Les souvenirs demeurent gravés et resteront pour toujours dans la mémoire, a-t-il dit.
Rabie H’mimi, un ancien cadre de la RTA, a déclaré qu’immédiatement après l’annonce, décision a été prise par la direction générale d’envoyer deux journalistes à chaque famille des victimes pour l’informer.
Les membres de cette direction ont fait un don, suivi instantanément et à la demande de la section syndicale, de journées de salaire. Spontanément, il y a eu donc un vaste élan de solidarité de la part des travailleurs auquel a contribué discrètement le président Boumediene.
Il y avait également le capital décès, l’assurance groupe, l’ouverture de livrets d’épargne, la prise en charge de la scolarité des enfants des victimes du crash.

M. B.

 

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