Forum d’El Moudjahid, intoxication au monoxyde de carbone : Un tueur silencieux et impitoyable

Ph.:Wafa
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Abordant l’aspect diagnostic et prise en charge des personnes intoxiquées, il a insisté sur la nécessité de respecter scrupuleusement les mesures préventives de sécurité et d’apporter d’éventuelles améliorations, afin d’atténuer les risques et de réduire le taux de mortalité S’exprimant à l’occasion du lancement d’une campagne de sensibilisation, appelée à s’étaler sur toute l’année, il a commencé par rappeler que les cas d’intoxication au CO sont plus fréquents pendant les saisons automnale et hivernale, et en diverses circonstances. L’initiative tombe à point nommé dans la mesure où des efforts supplémentaires sont à déployer pour mettre en garde les citoyens sur ces dangers qui engendrent de nombreux décès et personnes intoxiquées. Très sommairement, le monoxyde de carbone est un gaz naturel, potentiellement létal, à plus forte concentration. Il est inodore, invisible, insipide et non irritant. Plus léger que l’air, il est volatile, diffusable, pénétrant ainsi l’organisme en passant la barrière alvéolocapillaire lors de son inhalation. Un taux de 0,1% de CO peut tuer une personne en une heure et 10% provoquer la mort immédiate. Chaque année, la Protection civile enregistre de nombreux cas d’inhalation de ce gaz qui a décimé des familles entières. Appel à la vigilance Ainsi, durant l’année écoulée, la Protection civile a eu à intervenir auprès de 3.617 personnes incommodées, enregistrant 75 décès. Cette année 2022, 105 décès sont comptabilisés, dont 12 pendant ce mois de novembre, et 150 citoyens ont été sauvés d’une mort certaine. La Protection civile a effectué 512.000 interventions sanitaires qui ont permis de secourir 514.043 personnes, ce qui est énorme. Les signes cliniques de l’intoxication peuvent se manifester par une fatigue intense, des malaises inexpliqués, des maux de tête, une vision floue, des nausées et vomissements, des bourdonnements d’oreille, des troubles du comportement ou encore une somnolence. Si l’un de ces cas est ressenti, il faut consulter sans hésitation un médecin car des conséquences dramatiques sur la santé peuvent s’en suivre. Ce triste constat s’explique essentiellement par le non-respect des mesures obligatoires de sécurité, notamment le manque de ventilation du domicile, la non-conformité des appareils de chauffage et leur mise en œuvre aléatoire, ainsi que l’utilisation d’autres moyens non conçus pour cet usage, l’absence de recours à des techniciens qualifiés pour installer les appareils de chauffage, en plus du manque d’entretien régulier par un personnel qualifié . Un préalable sur lequel Farouk Achour s’est appesanti : il faut veiller à la conformité des normes de sécurité d’un appareil dès l’achat. Porter le message La Protection civile est convaincue qu’il s’agit d’un problème de prise de conscience, a souligné l’intervenant. «A ce titre et dans le cadre de notre programme annuel d’action en matière de sensibilisation, on a organisé une campagne initiée par le directeur général de notre institution, depuis le 8 novembre. Elle a pour but de transmettre un message de sensibilisation, en collaboration avec nos partenaires, direction du commerce, éducation nationale, formation professionnelle, affaires religieuses, société civile, Sonelgaz… » orientées en direction du secteur de l’éducation, des cités universitaires, des espaces publics. Des émissions sont également prévues sur les radios locales. Par ailleurs des caravanes d’information de la Protection civile, sillonnent le territoire. « Il ne suffit pas d’activer au niveau des villes, il faut aller partout pour répandre le message en donnant la priorité aux points sensibles, notamment là où il y a eu des logements ont été réceptionnés, ou encore ceux qui ont été raccordés dernièrement au gaz», précise le conférencier, soulignant que la Protection civile s’appuie sur l’expérience acquise dans le cadre des risques d’inondation. Pour balayer un quelconque sentiment de fatalité, il faut savoir que ces accidents sont évitables pour peu que les mesures de sécurité prévalent chez les usagers, qui doivent être intransigeants sur la qualité de l’appareil à l’achat, le respect de l’aération des pièces, ne pas obstruer les entrées et les sorties d’air ni se servir comme moyen de chauffage de la «tabouna» ou autres appareils de cuisson. «Notre département ministériel, en collaboration avec d’autres départements, va organiser une journée fil rouge, le 3 décembre prochain, sur cette problématique. La responsabilité est collective pour porter le message de prévention et de sensibilisation, ce qui nous interpelle ce sont les accidents qu’on peut éviter. Ce souci nous pousse à travailler sur l’aspect préventif inscrit dans notre plan de communication. Pour ce faire, on utilise tous les moyens disponibles, réseaux sociaux, nouvelles technologies… On axe aussi nos efforts sur la population scolaire, les stagiaires de la formation professionnelle, en particulier ceux qui ont choisi la filière plomberie.» En conclusion, le conférencier a insisté sur l’adoption de réflexes citoyens quant à la prise d’initiatives devant concourir à réduire les risques d’intoxication, avec volonté et conscience, par des gestes simples pour se rendre compte qu’on peut sauver des vies.

Kafia Ait Allouache et M. Bouraib

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La prise en charge médicale

Il existe deux types d’intoxication au CO : celle aiguë entraîne une intervention des secours en urgence et se manifeste par des vertiges, une perte de connaissance, une impotence musculaire, voire un coma et puis le décès. Des séquelles neurologiques peuvent également apparaître plusieurs semaines après l’accident. L’intoxication aiguë est spectaculaire car souvent plusieurs membres d’une même famille sont touchés, voire une collectivité toute entière (salle de réunion ou de mariage, restaurant...). Il existe également dans ces cas un risque de séquelles à long terme : le syndrome post- intervallaire (séquelles neurologiques à type de troubles de la mémoire, confusion ou même risque de syndrome démentiel). L’intoxication appelée chronique entraîne des maux de tête, des nausées ou une confusion mentale. Difficilement détectable, elle peut entraîner, à la longue, des troubles cardiaques ou respiratoires. Ce type est actuellement suspecté de perturber le développement cérébral des enfants et notamment leur fonctionnement intellectuel. Trois situations particulières méritent d’être notées : la femme enceinte (risque élevé pour le fœtus), l’enfant de moins de deux ans (présentation atypique, par exemple cris), personnes âgées (les signes non spécifiques peuvent être attribués à tort à l’âge). Les intoxiqués même légers sont transportés à l’hôpital et mis sous oxygénation dès leur traitement par les services de secours pour accélérer l’élimination du monoxyde de carbone. Le diagnostic repose sur le dosage de la carboxyhémoglobine et des gaz du sang artériel avec détermination de la saturation en oxygène. Après l’accident, un suivi médical doit être assuré pendant une année. En cas d’intoxication grave, il y a un risque de séquelles : migraines chroniques, dépendances neurologiques (troubles de la coordination motrice, paralysies de toutes formes) invalidantes.

K. A. A. et M. B.

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La prévention, un réflexe vital

Médecin biologiste, le Dr Mustapha Ameura a indiqué que le monoxyde de carbone est un gaz très dangereux, incolore et indolore. «Quand on le respire, il prend la place de l’oxygène», a-t-il fait savoir, affirmant que les signes inquiétants qui doivent alerter sont le mal de tête, l’envie de vomir et la fatigue, en sus de l’évanouissement. La meilleure façon de prévenir une intoxication de ce type, c’est d’agir de façon préventive, c’est-à-dire installer un avertisseur de monoxyde de carbone. «Il faut exiger des certificats de conformité des appareils afin d’éviter les risques. La sensibilisation joue un grand rôle pour diminuer le taux des accidents», a-t-il relevé, tout en indiquant que le rôle de la Protection civile est primordial dans la sensibilisation.

Zine Eddine Gharbi

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