El Moudjahid : 60 ans d’histoire, un nouveau souffle : Hommages, émotions et virage numérique

Ph : A. Asselah
Ph : A. Asselah

Il est des instants rares où un journal cesse d’être un simple témoin de l’Histoire pour en redevenir un acteur silencieux. Ce dimanche matin, au siège d’El Moudjahid, il ne s’agissait pas seulement de commémorer une date. Il s’agissait de raviver un souffle : celui de toutes les voix disparues, des plumes brisées, des luttes menées dans l’ombre. Le passé ne s’est pas figé. Il s’est levé, s’est avancé, et, sans bruit, a tendu la main aux générations nouvelles. Pour leur dire simplement : « À vous de poursuivre. De préserver la mémoire. D’écrire avec courage. »
Dans cette maison de papier devenue peu à peu numérique, le journal n’est pas un simple miroir du monde. Il en est la conscience vivante.

Un matin suspendu

Certains matins pèsent davantage que d’autres. Ils suspendent le temps. Les pas résonnent autrement. Les regards, eux, cherchent à se reconnaître à travers les âges. Ce matin-là, dans l’enceinte d’El Moudjahid, le silence avait une densité particulière. Soixante ans de récits, de luttes, de nuits blanches passées à boucler des éditions, résonnaient dans une cérémonie sobre et lumineuse — comme un fil tendu entre l’héritage et l’avenir.

Des retrouvailles pleines d’âme

Dans la salle du Forum, les rires n’étaient pas retenus, les sourires, chargés d’émotion. Les anciens retrouvaient leurs repères ; les jeunes mesuraient l’ampleur de ce qui leur est transmis. Tout dans les gestes trahissait l’essentiel : une transmission non dite, mais palpable. Les murs tapissés de Unes emblématiques et de visages oubliés semblaient vibrer, comme pour accueillir cette effervescence d’âmes venues saluer leur propre histoire.

Une mémoire honorée dans le silence

Puis est venu le silence. Un silence total, plein, irrémédiable. Une minute suspendue pour honorer les confrères tombés, les voix réduites au silence, les plumes fauchées. Pas un souffle, pas un téléphone. Juste ce frémissement collectif face à la douleur encore vive de la décennie noire. Aucune parole ne pouvait mieux dire ce que le silence exprimait.

Un flambeau transmis, sans mise en scène

Et puis, sans discours, les anciens se sont levés. Ils n’avaient rien à prouver. Ils avaient à transmettre. Un regard, une poignée de main, un sourire tremblant suffisaient à dire l’essentiel. Ce moment discret, invisible presque, fut le cœur de la cérémonie : celui d’un passage de relais naturel, sans fioriture, sans mise en scène. Juste un flambeau déposé, délicatement, dans des mains prêtes à le porter plus loin.

Une page numérique s’ouvre

Au centre de la salle, un écran s’est allumé. Sans éclat. Sobre, élégant. Le nouveau site web du journal était dévoilé. Dans cette salle chargée de mémoire, la modernité n’a pas fait irruption. Elle a prolongé le geste. Elle s’est inscrite dans la continuité, comme une main tendue vers demain. Ce n’était pas une rupture, mais une évolution logique, fluide. Car El Moudjahid ne se fige pas. Il se réinvente.

Une voix, deux époques

Sur l’écran, le tout premier podcast du journal numérique. Un entretien limpide, sans artifice. D’un côté, Rafik-Bey Bensaci, premier directeur du journal ; de l’autre, Brahim Takheroubt, PDG actuel. Deux voix. Deux générations. Une même exigence : informer avec rigueur, liberté et responsabilité.

Une rédaction, une famille

Tout autour, la rédaction au complet. Visages familiers et nouvelles plumes, reporters du papier et artisans du numérique. Pas de barrières. Juste un esprit de famille. Autour d’un buffet simple, les souvenirs circulaient : nuits de bouclage, unes devenues légendaires, éditions marquées par les secousses de l’Histoire. Mais aussi les rêves de renouveau, la volonté partagée de rester lisibles, crédibles, essentiels.

Fidèle à l’essentiel

Ce jour-là, El Moudjahid n’a pas seulement célébré un anniversaire. Il a affirmé une continuité, une fidélité, un engagement : celui de rester fidèle au mot juste, de regarder vers demain sans tourner le dos à hier. Dans ce geste silencieux, dans cette promesse discrète mais ferme, c’est toute l’Algérie qui s’est sentie vue, entendue, racontée. Tant qu’il y aura une mémoire à préserver, un peuple à écouter, une réalité à écrire, El Moudjahid sera là. Debout. Et vivant.

S.O.

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