Droit au but : La loi de Lynch

Par Mohamed Koursi

Canaliser les pulsions morbides de la foule et lui faire commettre un crime. Comment ne pas penser, face à l’innommable, à celui qui a labouré, contre la prophétie de Marx, les sillons de l’éthique et de la morale ? Que la raison déserte l’âme et voilà le monstre qui arrive.
«La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés», écrivait Antonio Gramsci.
Des monstres ont incendié, assassiné, détruit. Et au milieu des flammes, face aux habitants brûlés dans leur chair, marqués dans leur mémoire par un télescopage de situations d’une autre époque, se sont levés des hommes et des femmes dans un extraordinaire mouvement de solidarité pour éteindre ce feu, secourir, porter assistance et apaiser les âmes.
Dans cette route humaine, plusieurs sont tombés, martyrs, pour que la colonne ne s’arrête pas.
Mais, une fois encore ; portant le brasier de la destruction, cette force morbide s’est relevée... alors que l’on espérait sa destruction totale par le souffle humain de la solidarité et de la compassion.
Je suis de plus en plus convaincu de l’existence d’une guerre de tranchées. Des forces entêtées, emmurées dans ses préjugés, sont prisonnières dans une pensée sclérosée. Elles sont en crise permanente dans un monde qui ne cesse de bouger, de se modifier.
Ne pouvant être dans l’histoire, Elles restent dans sa périphérie, tels des monstres, aboyant en meute, griffant, mordant. Leur mental est une guérite, faite pour tuer toute pensée féconde. Elles vivent un «clair-obscur monstrueux».
Elles claironnent des notions apprises grâce à Pavlov et ont la haine de l’histoire en marche.
Chaque société a connu sa Renaissance. Chaque société a fait un saut civilisationnel. La nôtre, aussi. Mais, ces poches de résistance, ces forces rétrogrades, morbides, monstrueuses, qui évoluent dans le «clair-obscur», sont toujours là.
Elles sont pour la grève pour de meilleures conditions de travail, le jour, mais cassent l’outil de travail, la nuit. Elles sont pour la modernité dans les espaces virtuels, et appellent à faire fi des mesures de distanciation pour marcher en bloc compact «contre le système». La démocratie et les droits de l’homme s’arrêtent, pour elles, dans les réseaux sociaux. Dans la vie réelle, elles sont sanguinaires et tyranniques.
Leur monde est binaire. Il est peuplé d’évidences, d’affirmations, de sentences définitives. Rétifs à l’intelligence, ignorant le contexte et le sens de la mesure, elles ne connaissent aucun doute. Comme Lynch, ce juge qui a légué son nom à une pratique assassine, elles sont pleines de certitudes.
En son nom, elles assassinent et poursuivent, consciemment ou non, l’œuvre de ceux qui soufflent sur le brasier.
À chaque fois que l’Algérie est sur le point de réaliser son bloc historique (elle l’a fait durant la guerre de Libération nationale et dans la décennie qui a suivi l’indépendance), naissent des monstres qui ralentissent sa marche.
M. K.

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