Comment la colonisation française a ravagé la nature algérienne : Chronique d’un écocide oublié

La colonisation française en Algérie a laissé des traces profondes, non seulement sur les populations humaines, mais aussi sur l’environnement. C’est l’écosystème algérien qui a subi un véritable pillage.

L’accaparement des terres, la destruction des forêts, l’introduction de monocultures et la déviation des cours d’eau ont bouleversé un équilibre naturel millénaire. Ces actions ont affecté la biodiversité et perturbé les modes de vie des populations locales, soumises à une spoliation brutale de leurs ressources naturelles. Les cicatrices de cette destruction sont encore visibles, et l’impact écologique de cette période reste trop souvent ignoré dans les récits historiques. Les forêts ont été exploitées à des fins commerciales, les cours d'eau détournés au profit des colons, et des espèces animales éradiquées. Cette face cachée de l’histoire coloniale, marquée par des actes d’écocide, demeure, à ce jour, un pan méconnu des atrocités infligées à l’Algérie. En effet, l’écocide perpétré par la colonisation française reste encore un angle mort de la recherche historique. Les paysages mutilés de l’Algérie portent eux aussi les cicatrices d’un système fondé sur le pillage et l’effacement. Ils, «l’armée coloniale et les colons» ont pris la terre, brûlé les moissons, déraciné les arbres, asseché les sources. En Algérie, la colonisation française n’a pas seulement spolié les hommes, elle a ravagé la nature. À commencer par le journaliste Jean-Michel Aphatie, suspendu dernièrement de la chaîne RTL après avoir osé évoquer les massacres coloniaux Pendant plus d’un siècle, forêts, rivières, animaux sauvages et écosystèmes entiers ont été méthodiquement détruits, au nom de «la conquête et du profit». Mais au-delà des violences humaines, c’est toute une civilisation paysanne et son lien intime à la terre qui ont été méthodiquement détruits. Avant 1830, l’agriculture structurait la vie sociale et économique de l’Algérie. Elle reposait sur des modes de gestion communautaire de la terre et des rythmes adaptés aux saisons, entre culture et transhumance. Mais l’arrivée des colons a bouleversé cet équilibre ancestral. Antonin Plarier, maître de conférences à l’université Lyon 3, spécialiste de l’histoire environnementale des sociétés coloniales, a souligné dans une déclaration faite à un magazine spécialisé en écologie, que l’arrivée des colons en Algérie a signé l’accaparement des ressources environnementales et celle du foncier. «C’était une pratique d’expropriation sans explication, sans excuse et avec une grande brutalité. Pour les Algériens, c’est un monde qui s’est effondré littéralement», a-t-il témoigné. Entre 1830 et 1917, plus de 1,2 million d’hectares ont été confisqués au profit des colons, l’équivalent de 1 000 fois la capitale française Paris, ou trois fois la Belgique. Ces expropriations massives s’accompagnaient d’un arsenal juridique donnant à l’administration coloniale le pouvoir de saisir n’importe quelle terre, individuelle ou tribale. Empêcher les semailles, les récoltes, le pâturage, voilà comment l’armée coloniale comptait briser les résistances. L’historien Hosni Kitouni, spécialiste de l’histoire environnementale des sociétés coloniales et de l'impact de la colonisation sur l'Algérie, tant sur le plan humain que sur l'écosystème et les structures sociales, rappelle constamment dans ses travaux consacrés aux conséquences écologiques, aux spoliations de terres et aux dynamiques socio-économiques imposées par le système colonial, que l’objectif de cette politique était, tout simplement, de priver les populations de leurs moyens d’existence, en rappelant que l’ordonnance royale de 1838 prévoyait la confiscation des terres des tribus insoumises. Après l’insurrection de 1871, la répression s’intensifia encore. Ce que Hosni Kitouni qualifie de «tempête des spoliations» jeta des milliers de familles dans la misère, parfois la famine. 

Une écologie dévastée et une faune décimée

Les terres volées furent ensuite exploitées pour les besoins de la métropole. Les paysans algériens, dépossédés de tout, revenaient travailler comme journaliers sur les terres de leurs anciens ancêtres. «Des paysans algériens vont revenir cultiver la terre, fournir les semences, et les instruments agraires, en échange de quoi ils vont pouvoir récupérer un ou deux cinquièmes de la récolte, le reste revenant au propriétaire», explique aussi Antonin Plarier. Forêts et sources d’eau, autrefois partagées selon des règles coutumières, furent, elles aussi, annexées. Dès les années 1860, des barrages furent construits pour irriguer exclusivement les terres des colons. «Lorsqu’une source d’eau est maîtrisée, elle l’est uniquement au bénéfice des colons, et donc au détriment des agriculteurs algériens qui en sont de fait dépossédés.» Quant aux forêts, leur exploitation fut soumise à un code forestier imposé aux Algériens dès les années 1830, interdisant le pâturage, la coupe du bois ou la cueillette. Résultat, la moitié des ressources économiques de la paysannerie algérienne fut ainsi menacée. Les exemples sont légion, citent encore les chercheurs. Dans la montagne de Beni Khalfoun, dans la vallée de l’Isser, une concession de 1 000 hectares de chênes-lièges fut octroyée à un exploitant français. La déforestation massive favorisa l’érosion et le ruissellement. En asséchant les sols par la déforestation, l'État colonial a contribué à la dégradation de l'environnement algérien, favorisant ainsi l’érosion des terres. L’agriculture aussi fut réorientée. Monocultures intensives, vigne à perte de vue, introduction de l’eucalyptus pour «assainir» les marais, moutons mérinos pour la laine européenne… Le tout sans égard pour l’équilibre écologique local. Des millions d’arbres ont ainsi été plantés. Dans certains endroits, cela a asséché plus qu’il était nécessaire, au détriment d’autres espèces endémiques qui ont été abattues ou abandonnées dans ce cadre. L’écocide ne s’est pas arrêté à la terre et aux plantes. Il a aussi concerné les animaux sauvages. Hyènes, lions, panthères… des circulaires militaires offraient des primes à leur abattage. En 1860, on comptait 61 panthères et 38 lions tués. Le dernier lion d’Algérie fut abattu en 1958. L’ordre colonial ne tolère guère la différence biologique, écologique et humaine qui résiste à sa domination. Il a imposé une politique de répression violente et de juridictions exceptionnelles, visant à empêcher la société autochtone de se développer selon ses propres rythmes et lois naturelles. Cette dynamique de domination visait à subordonner et effacer les structures et pratiques ancestrales des populations locales, en forçant leur adaptation à un modèle imposé, destructeur à la fois pour l'humain et pour l'environnement. La France reconnaîtra-t-elle un jour ses crimes contre la nature algérienne ? Rien n’est moins sûr, tant le débat mémoriel reste verrouillé. Mais une chose est certaine, la nature algérienne, comme son peuple, porte encore aujourd’hui les cicatrices profondes d’une colonisation brutale, extractive et destructrice.

A. F.

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Journée internationale pour la sensibilisation au problème des mines : Des millions d’explosifs menacent les Sahraouis

Alors que le monde a célébré, hier, la Journée internationale pour la sensibilisation au problème des mines et l’assistance à la lutte antimines, le Sahara occidental demeure l’une des régions les plus polluées par les mines et autres munitions, résultat direct de la multiplication effarante du nombre de crimes commis par l’occupation marocaine contre le peuple sahraoui qui lutte pour son droit à l’autodétermination et à l’indépendance. Au moment où le monde s’engage avec détermination dans la lutte contre la prolifération des mines, l’occupant marocain redouble d’efforts, tout comme l’occupant sioniste dans la bande de Ghaza, à miner les zones occupées au Sahara occidental, avec pour objectif de faire le plus grand nombre de victimes possible, défiant de manière flagrante toutes les conventions internationales ayant trait à cette question. Des conventions auxquelles il a sciemment refusé d’adhérer afin de poursuivre ses méfaits. Dans une déclaration à l’APS, le membre du Bureau sahraoui de coordination de l’action contre les mines (SMACO), Ghaith al-Nah, a dénoncé le fait que l’occupant marocain continue à polluer les territoires sahraouis avec des mines antipersonnel qui tuent un grand nombre de personnes et qui ont également un impact aussi bien sur l’environnement que sur la faune locale, en plus d’entraver la liberté de déplacement. Ghaith al-Nah a rappelé qu’après la signature de l’accord de cessez-le-feu de 1991 (entre le Maroc et le Front Polisario), l’Etat sahraoui a tenté de nettoyer les zones polluées par les mines, mais a constaté que «le degré de pollution était trop élevé», aggravé par le fait que l’occupant a placé de nouvelles mines depuis la reprise de la guerre en 2020.

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