À 84 ans, le président de l’association du 11 Décembre 1960 parle encore de ces manifestations avec la même intensité qu’un jeune homme de 18 ans, l’âge qu’il avait d’ailleurs lorsqu’il est tombé dans le coma, grièvement blessé, alors qu’il manifestait pour une Algérie libre. Mohamed Saïdi porte aujourd’hui la mission de transmettre un héritage lourd de sacrifices à une jeunesse qui n’a pas connu la colonisation, mais qui doit en comprendre le prix.
«À l’époque, nous étions très jeunes. Nous avons été contactés par les membres du FLN. Les 9 et le 10 décembre, Belcourt s’est soulevé. Le peuple est sorti pour dire ‘’L’Algérie algérienne, l’Algérie indépendante’’», raconte-t-il. Ce jour-là, dans les quartiers populaires d’Alger, les adolescents qu’ils étaient ont reçu un mot d’ordre simple : descendre dans la rue coûte que coûte.
Ils s’organisent, improvisent des cortèges, rejoignent les foules à Beau-Fraisier, puis à Bab El-Oued. D’autres manifestations éclatent à Climat-de-France. À Diar El-Kef, ils se retrouvent face aux militaires français et des chars équipés de mitrailleuses. «Ils nous tiraient dessus.
Il y a eu beaucoup de morts… Surtout à Diar El-Kef, parce que les jeunes étaient à découvert.» Il raconte l’avancée impossible, les blessés qu’ils transportent, les cris, les drapeaux improvisés au milieu du chaos. «La population ne connaissait même pas encore le drapeau algérien. On les fabriquait nous-mêmes.
Et du jour au lendemain, il est apparu partout… comme un miracle.» Pour lui, ces journées marquent un tournant historique. «À partir du 11 décembre, on s’est réorganisés. La Zone autonome avait ralenti, mais les manifestations nous ont redonné une deuxième force. De Gaulle a compris que c’était fini.»
R. B.