
Les législatives du 12 juin vont donner lieu à une nouvelle Assemblée populaire nationale pour la neuvième législature de l'Algérie indépendante. Quelle marge de manœuvre pour cette nouvelle APN issue d'un scrutin avec un taux de participation tutoyant les 23%? Quelle tâche auront les députés en vue de lui redonner une légitimité ?
Professeur en sciences politiques à l'université de M'sila, Abdellah Houadef explique d'abord que le concept de légitimité, «défini comme le processus de gouvernance du consentement populaire par le biais d’élections dans les systèmes hybrides, doit être corrigé».
Pour le chercheur, dans ce type de systèmes politiques «la légitimité se définit par deux voies : la première est la vision légitime du pouvoir, en fonction des outils législatifs qu’il produit, de ses discours et de ses pratiques». La seconde, poursuit-il «est plus décisive, et concerne l'acceptation par la communauté internationale des pratiques d'un pouvoir politique fondé sur ses obligations et son rôle au sein du système international».
«Il est hors contexte de parler d’un faible taux de participation comme la marque d’un manque de légitimité dans les élections. La logique ici est complètement différente, et les commentateurs ont besoin d’outils analytiques différents de la boîte à outils classique des sciences politiques», fait savoir l'universitaire.
Concernant les missions que doivent accomplir les nouveaux députés dans la prochaine étape et dans un contexte marqué par une crise économique dont les effets ne cessent d'être plus visibles, le chercheur souligne que le rôle du Parlement dans le processus de la démocratie «n'est pas uniquement le vote de lois relatives à la gestion des affaires de la cité et le contrôle de l’Exécutif pour ce qui touche à leur application», c’est aussi de chercher «à instaurer une culture politique participative, de cohabitation et de collaboration afin que le citoyen puisse y voir dans les députés la posture de représentants réels aptes à défendre ses droits». Pour l'universitaire, les choses ne sont pas si compliquées dans les normes de la démocratie, «voter pour un parti, c'est décider de lui confier la dure et compromettante mission de gestion des affaires de la collectivité» et, en même temps, «participer indirectement avec les représentants dans une autre démarche qui est celle de la proposition des projets de société par le biais de l'APN prise comme institution de médiation», poursuit-il.
Il est essentiel, selon M. Houadef, que l'APN travaille en étroite collaboration avec d’autres acteurs, tels que les organisations de la société civile et des acteurs en dehors de la sphère politique «en vue d’instaurer, au-delà de simples mécanismes de rapprochement, une véritable culture de participation politique».
«Une institution législative avec des prérogatives claires et bien définies est du reste le signe pour le peuple que l’ordre politique est solide et que la construction démocratique l'est aussi», estime le chercheur, ajoutant qu' «il est raisonnable pour le peuple de faire confiance aux institutions publiques du pays».
«Au-delà des positions idéologiques et de l'affiliation politique, les députés doivent exercer le pouvoir de contrôle sur les politiques publiques de l'Exécutif, et faire de l'APN un vrai mécanisme de contrôle des politiques publiques de l'Exécutif», a conclu le chercheur.
Tahar Kaidi