Arsenal juridique : De grandes avancées

Hafida, Keltoum, Roufaida, Samia, Ryma… Autant de femmes, voire de petites filles, victimes de violences, dont certaines ont même été assassinées, brûlées, massacrées… Les auteurs de ces crimes ? Souvent des proches (époux, ex-conjoint, voisins…)

En 2022, plus de 4.620 cas de violence contre les femmes ont été enregistrés, dont une grande partie est liée aux agressions physiques et au mauvais traitement, outre des agressions sexuelles. En Algérie, en dépit des dispositions prises par les autorités, les violences faites aux femmes s’amplifient. Du domicile familial jusqu’au travail, en passant par la rue, les femmes subissent toujours de multiples formes de violence et vivent des situations intenables. Les féminicides se multiplient aux quatre coins du pays et les formes de cette violence ont atteint des niveaux extrêmes. Dix-sept femmes assassinées par un conjoint ou un ex-conjoint sur un total de 32 féminicides ont été à ce propos recensées, soit 53%, note Narimene Mouaci Bahi, militante féministe et co-fondatrice de Féminicides Algérie.

Les féminicides commis en majorité par des proches

De son côté, l’avocate Nadia Aït Zaï, directrice du Centre d’information et de documentation sur les droits des enfants et des femmes (CIDDEF), avait révélé que 40 femmes ont été victimes de féminicides en Algérie en 2021, tuées par leur mari. «La femme algérienne est de plus en plus exposée à la violence, en raison notamment de la détérioration des conditions de vie au sein des familles. Notre rôle, en tant que société civile, est d’interpeller les pouvoirs publics sur ce qui ne va pas ou qui reste à faire, en construisant des plaidoyers qui les amènent à toucher du doigt les inégalités et à en donner les réponses légales et réglementaires. Nous l’avons fait pour le politique et il y a eu une réponse favorable. Pour ce qui est de la violence, le projet de loi révisant le code pénal qui incrimine la violence conjugale vient de corriger certaines lacunes. Ce qui manque le plus aujourd’hui en Algérie ce sont des centres d’accueil et de prise en charge des femmes victimes de violence, ce qui les oblige à rester auprès de leur mari et continuer ainsi à subir ses violences», a-t-elle expliqué.
Il faut savoir qu’en Algérie, seuls 5 centres d'accueil pour les femmes en détresse sont actifs sur tout le territoire. Ce qui est insuffisant devant l'étendue du phénomène des féminicides. Quant aux centres téléphoniques pour écouter, orienter et venir en aide aux victimes de violences, ils sont inexistants. «Je plaide, poursuit-elle, pour la mise en place d’une stratégie nationale multisectorielle et multidisciplinaire avec des mécanismes d’examen et d’identification et d’autres mesures pratiques pour la prise en charge des femmes victimes de violence. Cela permettra la création d’un réseau préventif de ce fléau en vue d’en réduire l’impact sur les familles, en général».
Farida Larbi

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ARTICLE 266 DU CODE PENAL
Des peines très lourdes contre les agresseurs

Dans le détail, l’article 266 bis du Code pénal énonce des peines sévères allant d’un an d’emprisonnement à la peine de réclusion à perpétuité pour toute personne accusée de coups et blessures volontaires à l’encontre d’une femme, ayant provoqué un état d’invalidité d’au moins 15 jours. La peine varie de deux à cinq ans si les coups et blessures ont occasionné à la victime une invalidité de plus de 15 jours. Le même article préconise des peines de 10 à 20 ans contre toute personne ayant causé l’amputation, la perte d’un membre comme la vue ou de la perte d’un œil ou d’une invalidité permanente. La prison à vie est la sanction pour ceux qui causent, par coups et blessures, intentionnellement la mort de la victime.
L’auteur de la violence physique ne bénéficie d’aucune circonstance atténuante si la victime était enceinte ou handicapée, ainsi que dans les cas où le crime a été commis en présence des enfants mineurs ou sous la menace d’une arme. La loi prévoit des circonstances atténuantes dans le cas où la victime pardonne à son agresseur et renonce à son droit de poursuite à son encontre. La loi prend en considération les aspects psychologiques des femmes et tout ce qui porte atteinte à la dignité et à l’intégrité physique de celles-ci.
En effet, l’article 266 bis 1 punit sévèrement cette forme de violence verbale ou psychologique et la punit d’un an à trois ans, notamment en cas de récidive. Le crime est reconnu même si la relation conjugale est rompue ou si ce dernier habite la demeure conjugale avec la victime ou pas. Aucune circonstance atténuante n’est prise en considération dans le cas où la victime est handicapée ou si le crime a été commis en présence d’enfants mineurs, sous la menace d’une arme. L’article 330 sanctionne d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 50.000 dinars à 200.000 dinars, l’un des parents pour avoir quitté la demeure familiale pour plus de deux mois et de renoncer à toutes ses obligations morales et familiales.
Cette nouvelle législation veut notamment défendre les femmes contre les violences de leur conjoint et préserver leurs ressources financières des convoitises de celui-ci, perçu comme le chef de famille dans les sociétés traditionnelles. Le texte dispose que quiconque porte volontairement des coups à son conjoint risque, en fonction des blessures, de 1 à 20 ans de prison avec la réclusion à perpétuité en cas de décès. Un autre article prévoit six mois à deux ans de prison pour «quiconque exerce sur son épouse des contraintes afin de disposer de ses biens ou de ses ressources financières». L’Algérie devient le deuxième pays du Maghreb, après la Tunisie, à criminaliser les violences contre les femmes.
Toutefois, des obstacles se dressent encore devant ces femmes pour arriver jusqu'à la justice. Car lorsqu’elles se plaignent, les femmes sont confrontées à ce qu’on appelle le mode de la preuve. Ceci représente un vrai problème pour la femme, surtout quand il s’agit d’un harcèlement au sein de la famille. Cette procédure se dresse en obstacle devant les femmes qui veulent ester leurs agresseurs en justice. Du coup, des femmes ne jugent plus utile d’aller en justice dire qu’elles ont été violées, agressées, harcelées, battues et manipulées…
Farida L.

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