Alliance entre l’extrême droite islamophobe française et des pyromanes émiratis : le chaos, c’est mieux à deux

Le Rassemblement national, de Marine Le Pen, et Abou Dhabi découvrent soudainement les joies du travail en binôme. Des extrémistes xénophobes assumés s’allient avec des pyromanes avérés. N’est-ce pas que le chaos, c’est mieux à deux ?

Quand l’un souffle sur les braises, l’autre vide le bidon d’essence pour mieux raviver le brasier, chacun convaincu que le chaos profitera à sa cause. Pour torpiller le Qatar, son ennemi intime, le richissime émirat, chéquier en bandoulière, agite haut l’épouvantail des Frères musulmans, qu’il présente comme la plus grande menace contre la France. Il trouve tout naturellement un puissant relais chez les racistes islamophobes de l’extrême droite française, qui se sentent investis de la mission de sauveurs de la République contre le péril vert. Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, s’est rendu dernièrement aux Émirats arabes unis, où il a passé trois jours, probablement aux frais du prince. La délégation du RN s’est rendue dans ce pays, qui, prétend-elle, lui est proche. Ils ont les Frères musulmans pour même ennemi, une confrérie qu’Abou Dhabi a interdite, comme le préconisait le RN. Le puzzle est presque complet, puisque les préoccupations géopolitiques de la monarchie se mêlent aux angoisses islamophobes du RN. D’un côté, Abou Dhabi, qui veut jouer aux stratèges planétaires, et, de l’autre, l’extrême droite française, aveuglément mue par son avide cupidité. Après avoir courtisé Kadhafi, puis Bachar El-Assad, ensuite Saddam Hussein, il faut désormais convoiter les pétrodollars des monarchies du Golfe. Car lorsqu’il s’agit de renflouer les caisses de son parti, Marine Le Pen est prête à pactiser même avec le diable. Elle méprise viscéralement l’Arabe, mais pas son argent. Dans une enquête très fouillée, rapportée par le magazine Marianne, Abou Dhabi aurait promis un chèque de 1 à 2 millions d’euros à la candidate Marine Le Pen, un an avant la présidentielle de 2022.

L’Algérie en filigrane

La convergence entre Marine Le Pen et Abou Dhabi n’a théoriquement rien d’évident. Quel terrain d’entente peut-il exister entre un parti raciste islamophobe et un émirat au sein duquel la charia islamique est source de législation ? Et, pourtant, sur le terrain des réalités, il y a bien un motif qui explique cette convergence. En effet, les deux entités partagent une même affinité, un ennemi commun. Il s’appelle l’Algérie. La cheffe de l’extrême droite française, Marine Le Pen, et les Émirats arabe unis nourrissent envers l’Algérie une haine maladive. «Avec l’Algérie (…) je ferai exactement ce qu’a fait Donald Trump avec la Colombie.» Tel a été le vœu le plus cher de Marine Le Pen, souligné sur la chaîne LCI. Dans ces propos, Marine Le Pen n’exprime pas une position politique. Elle cède plutôt à une fatalité biologique, puisqu’elle est génétiquement codée pour la haine de l’Algérie. Son père, le sinistre Jean-Marie Le Pen, plusieurs fois condamné pour racisme et révisionnisme, n’a-t-il pas ouvertement revendiqué, à deux reprises, en 1957 et 1962, la torture durant la guerre d’Algérie ? Pour Jordan Bardella, c’est une autre histoire. Lui, qui a l’habitude de classer les citoyens français selon leurs «origines», semble oublier son ascendance algérienne. Il y a chez Bardella une amnésie identitaire pratique qui lui évite d’avoir à expliquer pourquoi ce qui serait un stigmate chez les autres devient chez lui un détail insignifiant. Quant aux Émiratis, l’hostilité anti-algérienne est devenue une seconde nature. Sans interruption, ils multiplient les attaques tous azimuts contre l’Algérie. «Les Émirats et le Maroc poursuivent, selon ce que révèlent des enquêtes sécuritaires, leur guerre hybride contre l’Algérie, à travers des tentatives d’inonder le pays de drogues, de psychotropes et de monnaies contrefaites», a rapporté le confrère arabophone Al Khabar, dans son édition de jeudi dernier, ajoutant que «cela s’inscrit dans ce que les experts appellent une stratégie d’“atteinte indirecte”, visant à menacer le tissu social et à ébranler la stabilité économique». Il n’est pas exagéré d’affirmer que les Émiratis mènent, avec le Maroc et Israël, des opérations de déstabilisation de l’Algérie, pour remettre en cause son influence au Sahel et en Afrique du Nord. Le jeu trouble des Émiratis, suspecté au niveau des pays frontaliers avec l'Algérie, notamment en Libye et au Mali, ne fait plus de doute. Une situation que le président de la République Abdelmadjid Tebboune n’a pas hésité à dénoncer. Le chef de l’État a affirmé que les dirigeants de ce pays ont été conduits au «péché» par «l’orgueil», et que «partout où il y a des conflits, l’argent de cet État est présent, au Mali, en Libye, au Soudan».

Le sondage IFOP truqué ?

Depuis plusieurs années, les Émiratis mènent une opération de séduction à grande échelle, en agitant particulièrement le spectre des Frères musulmans. «Certains pays européens ne se rendent pas compte qu’il y a 50 millions de musulmans en Europe. Vous ne vous rendez pas compte que l’islam est une autre religion européenne», avertissait déjà en 2017 Abdallah Ben Zayed Al-Nahyane, ministre émirati des Affaires étrangères, lors d’un forum sur la lutte contre la radicalisation à Riyad. Il ajoutait, sur un ton presque menaçant : «Il viendra le jour où nous verrons beaucoup plus d’extrémistes radicaux et de terroristes venir d’Europe en raison de l’absence de prise de décision (...). » Récemment, un sondage portant sur les musulmans en France, publié par l’Institut IFOP, spécialisé dans les enquêtes d’opinion, a suscité une grande controverse. Selon les résultats du sondage, 43% des musulmans âgés de 25 à 34 ans soutiendraient les thèses de l’islamisme radical. Des chiffres qui ont fait les choux gras de l’extrême droite française, qui a rameuté ses francs-tireurs. Marine Le Pen, Bardella, Éric Ciotti, en passant par Philippe de Villiers, tous crient à l’unisson : «Au secours, les islamistes reviennent... !» Même Éric Zemmour accourt, en ressassant son discours sur «l’invasion islamique». Les chaînes propagandistes, à l’image de CNews, ont fait des résultats de ce sondage, un festin médiatique, lui consacrant de nombreuses heures de plateaux. En réalité, le seul but de ce sondage est de nuire à l’image des musulmans résidant en France. C’est ce qu’a dénoncé, d’ailleurs, la députée Clémence Guetté, du parti La France Insoumise, qui a mis en doute la méthodologie du sondage sur les réseaux sociaux. Elle a également révélé, comme de nombreux responsables politiques et militants associatifs, les coulisses de cette nouvelle opération visant les musulmans de France et servant de matière à l’extrême droite. Mieux encore, la même députée affirme avoir découvert que «le client d’IFOP est un magazine ayant des liens étroits avec les services de renseignement des Émirats arabes unis». Une ingérence grave d’un pays étranger dans les affaires internes de la France. Passive, cette dernière laisse faire les Émirats arabes unis, qui se proposent de régler définitivement la question de l’islam radical, là où les Américains et la planète entière ont échoué. Ce n’est pas un banal épisode de la vie politique de l’Hexagone, contrairement à ce que veut faire croire la fable médiatique. Les partis d’extrême droite gagnent du terrain partout en Europe, c’est un fait. Pour Abou Dhabi, les partis d’extrême droite représentent un partenaire fiable, dont les réseaux peuvent être mobilisés facilement ; c’est également un autre fait. Avec leurs capacités de financement hors norme, les Émirats arabes unis, nouvel opérateur sur le marché de la géostratégie, ne risquent-ils pas de phagocyter l’Europe entière ?

Lorsqu’il s’agit de renflouer les caisses de son parti, Marine Le Pen est prête à pactiser même avec le diable. Elle méprise viscéralement l’Arabe, mais pas son argent.

La cheffe de l’extrême droite française, Marine Le Pen, et les Émirats arabe unis nourrissent envers l’Algérie une haine maladive.

Brahim Takheroubte

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